Grenoble, France, mars 2006

Ecole de la Paix de Grenoble - EPG

L’imaginaire au service de l’éducation à la paix

Faire d’une utopie une réalité

Ce dossier est doublement essentiel. Il concerne l’activité principale de l’expérience « Ecole de la paix » qui consiste bien à faire la démonstration que la paix peut s’apprendre et il traite du rôle que doivent tenir l’imagination et son produit l’imaginaire dans cette entreprise particulière touchant à une des aspirations les plus nobles de l’humanité, la construction de la paix.

Il faut aller au-delà, à la fois, d’une équivoque et du rêve. La paix ne peut se réduire à l’absence de guerre et l’on peut dire qu’il y a manifestement prise de conscience de plus en plus claire aujourd’hui que le défi est plus global. Ce qui ouvre des perspectives - que l’on peut dire illimitées ! - à un effort d’éducation qui sera également global. Et si le rêve est consubstantiel à l’espèce humaine, il doit être dépassé par un double mouvement de prise en compte « des réalités » mais aussi de recours au formidable stimulant pour l’action que peuvent constituer l’imagination et l’imaginaire. Ceux-ci, à travers les images mentales et les images tout court, tiendront donc une place centrale dans les activités d’éducation à la paix, depuis la conception d’outils pédagogiques jusqu’aux formations et autres animations éducatives mises en œuvre pour répondre à des situations et des publics divers. Si tout cela relève en partie du pari – un général qui nous est très proche ne choisit-il pas de partager ses convictions en matière de paix, de participer à l’effort d’éducation donc, en les exprimant dans un essai intitulé « Parier pour la paix » ? – rappelons nous précisément que c’est des instances dirigeantes de la Croix Rouge Française que nous reçûmes les premiers encouragements à tenter l’aventure d’une « école de la paix » (*). Or cette méritoire et vénérable institution, créée d’abord pour humaniser la guerre s’il est possible, et faire ensuite œuvre de progrès et de paix, n’est-elle pas l’héritière, en ligne directe, des idées visionnaires d’un Henri Dunant qui affirmait : « Guerre ou paix. Choisissez. L’Avenir est entre les mains de tous ! » et allait recevoir le premier Prix Nobel de la paix ? « Utopie d’hier, réalité de demain ! »

De l’une à l’autre, le chemin est nécessairement long et le travail d’éducation à la paix est de longue haleine par essence. Les fiches d’analyses qui ouvrent ce dossier permettent de faire un certain nombre de constats et d’hypothèses à propos du « vivre ensemble » - l’enjeu même de la construction de la paix – notamment autour des concepts d’agressivité et de violence, mais aussi de la Loi symbolique. Tous éléments qui seront déterminants pour justifier comme pour orienter le rôle actif de l’imaginaire dans la compréhension et la mise en pratique au quotidien de certaines valeurs. Des expériences de terrain et des outils sont ensuite décrits qui montrent comment, des apprentissages de base de la maternelle aux besoins de formation du citoyen européen, « en construction » comme la nouvelle entité qu’il habitera, ces principes et valeurs sont mis en œuvre.

Des entretiens et témoignages viennent étayer ces premières réalisations qui restent ainsi soumises à une évaluation ouverte et permanente afin que cette éducation à la paix puisse répondre effectivement aux attentes de la société, ou plutôt des « hommes […] qui habitent la terre » comme l’écrivait Hannah Arendt. C’est dire que le champ qui s’offre à cet imaginaire au service de l’éducation est immense et que ce dossier devra être - sans limite dans le temps ! - complété et enrichi afin que l’imagination, pour servir la paix, soit toujours davantage au pouvoir.

 

(*) Monsieur Louis Dauge, Ambassadeur de France, son président écrivait, en 1989, en approuvant le projet : « J’aimerais approfondir avec vous les modalités de délivrance d’éventuels diplômes et le public que vous visez car il me semble qu’une éducation à la paix, pour offrir une chance d’être efficace, doit toucher le plus large public et qu’au delà de la formation de quelques spécialistes, il serait bon d’offrir à des étudiants de toutes origines, et pourquoi pas à un public non universitaire, la possibilité de préparer telle ou telle unité de valeur sur ce thème »

Fiches du dossier