Grenoble, 2010

Gene Sharp - Trois livrets pratiques pour la non-violence

Comment abattre une dictature, casser un coup d’Etat, résister victorieusement à l’oppression et accéder à la démocratie, par la force du peuple mais sans la violence et par des méthodes qui ont fait leur preuve. Gene Sharp a étudié les révolutions pacifiques du XX° siècle et a montré la puissance populaire de la lutte non violente lorsqu’elle est conduite de manière stratégique.

Pourquoi ce dossier ?

Par Jean Marichez (Paris, le 26 avril 2010)

A l’occasion de la publication en français de trois livrets de Gene Sharp, ce dossier a été mis en place dans le site Irenees dans le but d’en permettre l’accès aux francophones souffrant de dictature, de coups d’État et plus généralement d’oppression et de violence.

Certains s’étonneront de leur aspect réducteur ou résumé. L’auteur, Gene Sharp, les a voulus ainsi pour répondre à des demandes de formulation simplifiées et pratiques faites par des personnes en situation difficile de résistance nonviolente. En fait, il est l’auteur de nombreuses autres publications théoriques et approfondies dans lesquelles il a étudié les résistances nonviolentes du XX° siècle. De nombreuses équipes de Harvard ont collaboré à ses recherches et ses travaux sont publiés en une quarantaine de langues. Ces livrets sont donc bien des résumés pratiques qui sont loin de transmettre l’importance de son œuvre. www.irenees.net/fr/fiches/auteur/fiche-auteur-295.html

Le site Irenees a été choisi pour sa grande richesse de documentation concernant la paix. Il comporte un autre dossier plus complet sur le même sujet : « Résistances civiles de masse » dans les dossiers en français à l’adresse : www.irenees.net/fr/dossiers/dossier-199.html

Par Federico Mayor Zaragoza

Sur les stratégies de résistance civile

Résister, c’est le début de la victoire, a déclaré Adolf Pérez Esquivel. C’est effectivement le début d’une grande transition à l’aube du XXI° siècle, de sujets soumis à citoyens, de spectateurs impassibles à acteurs. La résistance civile pour vaincre l’oppression, l’imposition, la violence de l’indiscutable… De la peur et la résignation à l’action résolue.

Nous avons les diagnostics, le temps d’agir à temps est arrivé. Temps de surmonter l’inertie, de ne plus s’obstiner à vouloir résoudre les défis présents avec des formules valables hier. Il y a, certes, plusieurs solutions disponibles, mais un avenir respectueux des Droits de l’Homme, du partage, de la pleine solidarité… requiert de découvrir des chemins nouveaux vers l’avenir, de dévoiler des réalités encore cachées ou déguisées aujourd’hui, d’inventer le futur pour garantir l’égale dignité de tous les êtres humains.

Jamais plus le silence ! Le moment de la participation sans présence (SMS, Internet…) est arrivé. Savoir pour prévoir, pour prévenir. Savoir en profondeur pour transformer la réalité comme il faut.

De la force à la parole ! Il faudra élever la voix pour éviter qu’on lève les mains, comme d’habitude. Mains tendues pour aider, pour soutenir. Genoux pour se lever, jamais plus pour s’humilier, pour se soumettre.

D’une économie de guerre (3 millions de $ par jour) à une économie de développement global, avec des grands investissements en énergies durables ; en production d’aliments ; en production et distribution d’eau ; en environnement propre ; en logement…

D’une culture de violence et d’imposition à une culture de dialogue et de conciliation. D’une culture de guerre « Si vis pacem, para bellum » à une culture de paix : construire, tous, la paix avec notre comportement quotidien.

La force du dévouement à autrui, de la « solidarité intellectuelle et morale » que prône la Constitution de l’Unesco, face au préjugé : là se trouve la prééminence.

« Maîtresse, aidez-moi à regarder ! », demandait la petite élève devant la mer qu’elle voyait pour la première fois. Notre rôle, maintenant, c’est de contribuer à une rapide diffusion de ce que représentent la guerre et la violence pour générer un sentiment de refus, pour produire une clameur populaire d’aversion aux tambours de la confrontation inéluctable et ensanglantée… Prendre conscience des horreurs, des souffrances, des morts, oui, des enfants morts, assassinés… Chaque être humain unique, capable de la démesure de créer ; le monument le plus précieux à sauvegarder, criblé, détruit, effondré, effacé…

Des villages brûlés, exilés, réfugiés, des milliers de personnes blessées, dans leur corps et leur esprit. « Effets collatéraux » proclament avec cynisme les meneurs des combats « modernes ». En effet, les populations deviennent de plus en plus victimes des conflits. Lorsque la violence est à leur porte, il arrive qu’elles refusent de s’y laisser entraîner, mettant en œuvre la puissance de leur nombre, leur imagination, leur détermination, de façon telle qu’elles arrivent à surmonter l’oppresseur et les forces militaires.

C’est ce rapport de forces particulier qu’a étudié Gene Sharp avec l’aide de plusieurs équipes de Harvard et la collaboration d’autres chercheurs internationaux. Ses nombreuses publications ont été traduites en plus de trente langues. Celle-ci, fait partie d’un groupe de trois livrets, qui ont pour particularité d’être destinés, non plus aux chercheurs comme les précédentes, mais à un public large et plus particulièrement aux populations qui souffrent soit d’une dictature, soit d’un coup d’État, soit d’une oppression moins définie. On ne s’étonnera pas de sa forme qui est celle d’un manuel pratique car c’est un travail de vulgarisation bien nécessaire pour compléter un large ensemble d’études plus théoriques. L’Ecole de la paix de Grenoble a déjà contribué en 1995, par la publication en français d’un autre livre de Gene Sharp, à expliquer ce phénomène incroyable qui permet au faible, lorsque sa cause est juste et sous certaines conditions, de vaincre le fort et surtout, d’établir des conditions de paix beaucoup plus durables.

Il est temps de dire à ceux qui ne le savent pas encore, qu’il y a aujourd’hui des méthodes non seulement plus modernes mais surtout plus efficaces, qui font appel à l’intelligence, au réalisme et à la préparation. Il s’agit de véritables stratégies, conçues pour gagner et non seulement pour résister ; cela change tout. Elles n’excluent pas l’utilisation dans certains cas de la force militaire mais d’ores et déjà on peut affirmer qu’on ne pourra plus parler d’actions de force sans envisager sérieusement ces nouvelles voies.

Chacun des trois livrets traite d’un aspect particulier :

  • « La force sans la violence » donne une vision générale.

  • « De la dictature à la démocratie » explique la manière d’abattre une dictature, aussi puissante soit-elle, dans une magistrale leçon de stratégie.

  • « L’anti-coup d’État » explique comment une population peut empêcher un coup d’État et même en profiter pour rétablir la démocratie.

Ces publications peuvent contribuer au développement de l’intelligence collective. La culture de paix est loin d’être suffisante lorsqu’on voit, encore aujourd’hui, déclencher des guerres et invasions sans l’accord de l’ONU pour régler des conflits alors que d’autres voies sont possibles et ont fait leur preuve. Beaucoup de choses ont été écrites sur la « prévention » de la violence mais beaucoup moins sur la manière de résoudre les conflits imminents. Lorsque les négociations ne sont plus possibles, nos gouvernants ne pensent qu’aux voies militaires. Pourtant si on y réfléchit, par ces voies il y a toujours autant de perdants que de gagnants, un sur deux et souvent même les deux, ce qui n’est guère encourageant, d’autant plus que le gagnant n’est pas souvent celui qui a la cause la plus juste. Dans ces nouvelles formes de lutte non violentes au contraire, la participation massive des peuples apporte sa part de légitimité. Ajoutons aussi qu’il ne s’agit pas de prendre parti contre telle ou telle forme de régime ; Gene Sharp ne milite pas ici pour un gouvernement ou pour un autre, il nous propose un outil qui permet aux peuples de faire valoir leurs droits à la paix et à la justice sous des formes hautement démocratiques.

Il faut d’urgence investir la société civile du pouvoir de la conscience collective, de la capacité, pour la première fois, de s’exprimer sans entraves. La solution aux crises de l’économie, de la démocratie, de l’environnement, de l’éthique… est, je dois le répéter, la transition de la force à la parole. Les gouvernements doivent savoir que désormais les citoyens – « Nous, le peuples… » comme établi au Préambule de la Charte de Nations Unis – ne seront pas seulement récepteurs impavides de leurs décisions mais acteurs de leur avenir. D’ores et déjà ils ne sont plus endormis. Les livrets de Gene Sharp contribuent à les réveiller.

Auteur de la fiche :

Federico Mayor Zaragoza (né en 1934 à Barcelone) fut Directeur général de l’UNESCO de 1987 à 1999. Sous son mandat, il développa le programme Culture de Paix de l’UNESCO et obtint que l’Assemblée générale des Nations Unies déclare l’an 2000 « Année Internationale pour la Culture de Paix ». Il soutint l’initiative qui aboutit, le 10 novembre 1998, à la proclamation par l’Assemblée générale des Nation Unies des années 2001-2010 comme « Décennie Internationale de la Promotion d’une Culture de la Non-violence et de la Paix au profit des Enfants du Monde. » Le 13 septembre 1999, l’Assemblée générale adoptait la « Déclaration et le Plan d’Action sur la Culture de la Paix ». Il est membre du comité de parrainage de la « Coordination Internationale pour la Décennie de la Culture de la Paix et de la Non-violence ». Il a été Ministre espagnol de l’Education et de la Science du 2 décembre 1981 au 3 décembre 1982. Il est membre honoraire du Club de Rome.

Notes :

  • L’école de la paix de Grenoble a pris l’initiative de traduire et publier ces livrets. Elle peut guider ou aider les personnes intéressées dans leur approche de ces sujets.

  • Coordonnées :

    • Adresse : École de la paix de Grenoble, 7 rue Très Cloîtres – 38 000 Grenoble

    • E-Mail et Tél : ecole@ecoledelapaix.fr – 33 (0)4 76 63 81 41 / jaric1@wanadoo.fr – 33 (0)4 79 65 22 82

  • Ces livrets sont disponibles dans les librairies. L’éditeur est L’Harmattan, 5 – 7 rue de l’École polytechnique – 75005 Paris. http//www.librairieharmattan.com – diffusion.harmattan@wanadoo.fr – harmattan1@wanadoo.fr

  • Voici la liste des 6 antennes L’Harmattan en Afrique - Ces relais sont approvisionnés avec des remises allant jusqu’à 50% du prix français.

    • L’Harmattan Burkina Faso : Rue 15.167 route du Pô Patte d’oie - 12 BP ; 226 Ouagadougou (00226) 76 59 79 86

    • L’Harmattan Kinshasa - Faculté des Sciences sociales Politiques et Administratives ; BP 243, KIN XI : Université de Kinshasa.

    • L’Harmattan Guinée - Almamya rue KA 028 (Face au restaurant Le Cèdre) - OKB agency - BP 3470 Conakry, Guinée (00224) 60 20 85 08 - harmattanguinee@yahoo.fr

    • L’Harmattan Côte-d’Ivoire - M. Etien N’dah Amhon - Résidence Karl, Cité des Arts ; Abidjan-Cocody 03 - BP 1588 Abidjan, Côte-d’Ivoire (00225) 05 77 87 31

    • L’Harmattan Mauritanie - Espace El Kettab du livre francophone - 472 avenue du Palais des Congrès - BP 316 Nouakchott - (00222) 63 25 980

    • L’Harmattan Cameroun - BP 11486 Yaoundé - (00237) 458 67 00 - (00237) 976 61 66 ; harmattancam@yahoo.fr

Fiches du dossier