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, Paris, 2005

La paix face au défi de la diversité des cultures : de l’ethnocentrisme à l’approche interculturelle

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I. Cultures populaires et cultures savantes

On associe souvent la « culture » à la « culture savante », qui n’est pourtant qu’une de ses composantes. La culture peut être définie comme l’ensemble des savoirs acquis, ne s’imposant pas à l’homme dès sa naissance. Ces savoirs comprennent les fruits de l’éducation scolaire, mais aussi une multitude de savoirs que l’on intègre inconsciemment. C’est pourquoi il faut distinguer l’éducation par imprégnation (dans la famille, dans le milieu) de l’éducation par l’école.

C’est principalement cette « éducation par imprégnation » qui dote l’individu des mœurs, coutumes et traditions de son milieu d’appartenance. Ces cultures populaires comprennent les légendes et mythologies, les cosmogonies, une certaine mémoire historique, les festivités rituelles, les modes d’habillement, de nourriture…

II. Unité et diversité : facteurs de guerre comme de paix

Les cultures populaires sont considérées comme spécifiques aux peuples qui les portent. Chaque peuple se sent fier de sa culture, souvent convaincu de son unité et même de sa supériorité sur les autres. Ceci constitue la base de l’ethnocentrisme : la Grèce antique désignait tout ce qui ne participait pas de la culture grecque sous le nom de « barbare », et l’Occident a repris cette distinction sous le terme de « sauvage ». Lévi-Strauss écrit « l’humanité cesse aux frontières de la tribu, du groupe linguistique, parfois même du village » chaque culture étant persuadée de son unicité et de sa supériorité sur les autres. Ceci conduit à l’impérialisme culturel, chaque peuple considérant ses valeurs comme étant supérieures et vouées à être généralisées. Les colonisations intervenues aux XIXe et XXe siècles se fondaient sur ce principe, faisant dire à R. Kipling que la colonisation est « le fardeau de l’homme blanc » et à V. Hugo « et le blanc fit du noir un homme ». Ce concept d’unicité culturelle associé à celui de supériorité culturelle joue aussi un rôle majeur dans l’expansionnisme du nazisme et peut-être aussi dans des phénomènes actuels d’acculturation issus de la mondialisation.

Pourtant, on peut retrouver de nombreux traits caractéristiques communs à diverses cultures dont l’éloignement géographique et l’isolement respectifs interdisent l’idée d’une communication entre elles. On peut dans certains cas parler de « constances » ethnographiques et anthropologiques lorsque l’on s’aperçoit que l’on retrouve des cosmogonies comparables, des croyances similaires associées à des faits précis à des milliers de kilomètres de distance. La prohibition de l’inceste est une donnée culturelle universelle. De même, la terre est toujours perçue comme un principe féminin associé à la fertilité : c’est la terre-mère (Pachamama chez les Quechuas de Bolivie, Mat’-zemlja en russe…), et les rituels associés à sa célébration auront logiquement des points communs. On retrouve également des points de similitude troublants au niveau des rites de passage.

III. La question de l’approche interculturelle et intégrationelle

On voit bien que les cultures oscillent entre la différentiation et l’union, ce que Lévi-Strauss formule ainsi : « il y a simultanément à l’œuvre, dans les sociétés humaines, des forces travaillant dans des directions opposées : les unes tendant au maintien et même à l’accentuation des particularismes ; les autres agissant dans le sens de la convergence et de l’affinité ».

Cette donnée de base doit permettre de développer un travail visant à faire cohabiter en bonne intelligence les peuples scindés culturellement, dans le but d’atteindre une concorde culturelle mondiale. Ce travail butte sur le paradoxe contemporain consistant à encenser la diversité culturelle tout en insistant sur le respect de certaines valeurs posées comme universelles, spécialement dans le registre éthique (droits de l’homme…).

C’est la tâche à laquelle se voue la communication interculturelle : cette discipline basée sur les techniques de communication commerciale vise à l’intercompréhension des cultures. La démarche part du principe de l’égale dignité de chaque culture, et aborde leurs confrontations sur le principe de l’égal à égal et non plus sur le rapport du faible au fort. Ceci aboutit à une solution consensuelle issue d’une discussion où chacun des acteurs a exposé son point de vue. Cette méthode si louable de communication interculturelle peut toutefois sembler paradoxale, car elle suppose que celui qui s’y prête reconnaisse à la fois l’étranger comme « semblable » (appartenant à la même humanité) et comme « différent » (afin de relativiser son propre système de valeur).

Cette méthode de concertation entre les différents acteurs d’un projet est aujourd’hui entrée dans les mœurs au niveau des actions de développement international menées par les ONG et les institutions onusiennes. C’est l’alternative à l’impérialisme culturel. Ce nouveau credo en matière de relations entre les différentes cultures et leurs représentants règle assurément des problèmes auparavant ignorés, mais cette méthode doit toutefois faire ses preuves dans la pratique et la durée. Il n’en demeure pas moins qu’elle applique l’idée de Lévi-Strauss selon laquelle « tout progrès culturel est fonction d’une coalition entre les cultures (…), cette coalition étant d’autant plus féconde qu’elle s’établit entre des cultures plus diversifiées ».