Ficha de análisis Dossier : Principes et pratiques de l’action non violente

, Alternatives Non-violentes, Rouen, septiembre 2004

Les différents moments d’une campagne d’action non-violente, la communication et le passage à l’action

La logique de la non-violence en action se traduit par des étapes préméditées qui s’inscrivent graduellement dans le temps, selon l’objectif choisi.

Keywords: Teoría de la no violencia | Educación a la acción no violenta | Resolución no violenta de los conflictos

I. Premières négociations

Il convient d’entrer le plus tôt possible en relation directe avec l’adversaire, avant même de porter le différend sur la place publique afin de lui proposer une solution négociée du conflit plutôt que l’épreuve de force. Il s’agit alors de faire connaître aux représentants de la partie adverse les conclusions auxquelles nous a conduit l’analyse de la situation et de faire valoir nos revendications en précisant l’objectif choisi. Il se peut que d’emblée l’adversaire refuse toute négociation. S’il accepte de nous rencontrer, il est rare qu’un accord puisse être conclu immédiatement. Ces premières négociations permettront néanmoins de tester les intentions de nos interlocuteurs. S’il importe d’éviter toute attitude qui ne pourrait que durcir inutilement le conflit et renforcer les blocages existants, ce qui rendrait toute solution plus difficile encore, il importe également de faire preuve de la plus grande fermeté et de la plus grande détermination. En aucun cas, nous ne devons nous contenter de promesses. Nous devons exiger des décisions. Lorsque les négociations se trouvent dans l’impasse, elles doivent être suspendues et non pas rompues définitivement puisque le but de l’action directe est la reprise des négociations. Pour autant que cela est possible, il pourra être utile de maintenir certains contacts avec l’adversaire tout au long du conflit.

Selon un principe fondamental de toute stratégie, le temps de ces premières négociations doit être aussi le temps de la préparation de l’épreuve de force.

II. Appel à l’opinion publique

Devant l’échec des premières négociations, il faut s’efforcer de faire éclater l’injustice sur la place publique par tous les moyens de communication, d’information, de sensibilisation, de conscientisation et de popularisation qu’il est possible de mettre en œuvre. Il s’agit de rechercher le maximum de « publicité » au sens technique de ce mot, c’est-à-dire d’atteindre le plus large public afin de lui faire connaître les raisons de l’action et les objectifs qu’elle s’est donnés.

1. Moyens d’information.

Il faut viser à créer un « fait de presse » qui fasse passer l’information auprès du public. Pour cela, il faut commencer par informer directement les informateurs en envoyant aux journalistes des différents médias un dossier le plus exhaustif possible sur le conflit en cours. Une conférence de presse pourra également être organisée mais, dans un premier temps, les contacts personnels avec les journalistes pourront s’avérer plus efficaces. Il s’agira aussi d’informer les partis, les syndicats, les mouvements, les organisations, les associations et les personnalités susceptibles d’apporter leur soutien et peut-être leur concours à la campagne d’action envisagée. Mais il faudra entreprendre aussitôt une information directe auprès du public. Différentes méthodes peuvent être utilisées :

  • Distribuer tracts aux lieux et heures les plus appropriés ;

  • Faire circuler des pétitions ;

  • « Faire parler les murs » en collant des affiches, en écrivant à la grosse craie blanche sur les murs (…).

Informer, c’est prendre la parole et c’est déjà prendre du pouvoir. Il importe que cette parole soit et demeure non-violente tout au long de l’action. C’est toujours une illusion de se croire plus convaincant en exprimant une parole violente à l’encontre de l’adversaire. Le risque est alors grand que la parole se pervertisse en caricatures, invectives, outrances et injures. Et cela ne peut que discréditer l’action.

La force de frappe du mot vient de sa justesse et non pas de sa violence. La force pédagogique d’une parole non-violente est autrement plus grande que celle d’un cri. En outre, il sera important de recourir à l’humour. Celui-ci a une force de conviction inégalable. La réceptivité de l’opinion publique à l’égard de l’humour est extrêmement grande. Par ailleurs, l’humour est l’une des meilleures protections contre la haine et la violence. Si nous faisions davantage l’humour, nous ferions moins souvent la guerre… Et puis l’humour nous permettra de nous situer en position de force vis-à-vis de nos adversaires dans la mesure où, surtout s’ils se situent du côté du pouvoir, ils seront généralement incapables d’humour.

2. Interventions directes

Il s’agit toujours de venir au contact direct du public afin de l’informer et de le conscientiser ; il ne s’agit plus seulement de s’exprimer avec la parole mais avec tout son corps. Au cours de ces interventions publiques, l’attitude corporelle des manifestants est un moyen essentiel d’expression et de communication. Les premières manifestations publiques doivent être avant tout des moyens de persuasion qui font valoir la justesse de la cause défendue, mais elles constituent déjà des moyens de pression et préparent la mise en œuvre des moyens de contrainte.

Parmi les méthode d’intervention publique, mentionnons :

  • La manif. Il s’agit de se rassembler, de former un cortège et de parcourir à pied la ville en se rendant d’un lieu symbolique à un autre. L’appel à manifester s’adresse non seulement aux militants mais aussi aux sympathisants. Il s’agit encore d’une prise de parole sur la place publique. La manifestation, même si elle est silencieuse, doit être «parlante» pour les spectateurs. Elle s’exprime alors par des banderoles et des pancartes pendant que des tracts seront distribués aux passants. Des slogans et des chants peuvent également être choisis pour s’adresser au public.

  • La marche. Les manifestants parcourent alors de longues distances de ville à ville à travers un ou plusieurs pays. Le but est de sensibiliser la population des régions traversées sur l’injustice que l’on veut dénoncer. Là encore, la marche doit être « parlante » par le moyen d’affiches, de tracts, de pancartes et de banderoles. À chaque ville-étape, des réunions publiques peuvent être organisées afin d’informer les habitants et de provoquer un débat public sur le problème en question. Une délégation peut demander à être reçue par les autorités locales afin de faire valoir le point de vue des manifestants. La pleine réussite d’une telle initiative implique que des comités de soutien puissent préparer la route aux marcheurs et les accueillent sur leur passage. (…)

D’autres actions de sensibilisation peuvent être envisagées qui ne mobilisent qu’un petit nombre de militants parmi les plus déterminés. Citons notamment :

  • Le théâtre-tract. Il s’agit de jouer dans la rue une scène de théâtre de quelques minutes qui puisse faire passer un message aussi condensé, aussi simple et aussi clair que celui qui est exposé dans un tract bien fait.

  • Le sit-in. Il s’agit d’une manifestation assise dans un lieu symbolique.

  • Le défilé silencieux de femmes et d’hommes-sandwich. Les manifestants, disposés selon un schéma précis et portant des chasubles sur lesquelles sont inscrits des slogans, défilent dans les rues aux heures d’affluence. Des tracts peuvent être distribués à cette occasion.

  • Les heures de silence. Plusieurs personnes se rassemblent en un lieu symbolique et passant et se tiennent debout en silence, ne s’exprimant que par des pancartes et des banderoles. D’autres manifestants peuvent distribuer des tracts et parler avec ceux qui interpellent les manifestants.

  • L’enchaînement. Quelques militants portant des chasubles s’enchaînent aux grilles d’un édifice public. Ils sont généralement détachés par les forces de l’ordre. C’est la photo publiée dans la presse qui, souvent, donne le plus d’impact à une telle manifestation.

  • La grève de la faim limitée. Il s’agit de s’abstenir de toute nourriture (mais il est important de boire de l’eau) pendant quelques jours, disons entre 3 et 20 jours, afin d’interpeller à la fois les responsables de l’injustice et l’opinion publique. C’est une action de protestation et de conscientisation mais, par le fait même qu’elle est limitée, elle ne se donne pas pour objectif la suppression de l’injustice. La personnalité du ou des grévistes de la faim joue un rôle important dans l’impact qu’elle peut avoir sur l’opinion publique.

III. Envoi d’un ultimatum

Si l’on se heurte au refus de toute solution négociée du conflit, il devient alors nécessaire de fixer à l’adversaire un dernier délai au-delà duquel les consignes seront données par les responsables du mouvement de passer à l’action directe. Face à l’échec des moyens de persuasion qui n’ont pas réussi à convaincre l’adversaire qu’il devait accepter les revendications qui lui étaient présentées, il importe de mettre en œuvre des moyens de pression qui viseront à le contraindre. L’ultimatum est la dernière tentative d’obtenir un accord négocié et le commencement de l’épreuve de force. Il est vraisemblable que l’adversaire refusera de céder devant ce qu’il faut bien appeler « une menace » et qu’il considérera comme un « chantage inadmissible ». Il rejettera alors l’ultimatum en affirmant qu’il ne craint pas l’épreuve de force. L’ultimatum est également, en direction de l’opinion publique, le signal du début de l’action.

 

Il serait fallacieux de s’imaginer que seul le recours à l’éthique et la persuasion parviendront à faire régner la justice. Non pas qu’il soit inutile d’en appeler à la morale, mais il faut en même temps prendre appui sur une force de contrainte réelle. (1)

Jean-Marie Muller (*)

Notas

  • (1) : Martin Luther KING, Où allons-nous ? Payot, 1968, p. 153.

  • (*) : Porte-parole du Mouvement pour une Alternative Non-Violente (MAN, 114 rue de Vaugirard, 75006 Paris. Tel. 01 45 44 48 25). Écrivain, auteur notamment de Charles de Foucauld, frère universel ou moine-soldat ?, Paris, La Découverte, 2002; Le courage de la non-violence, Éd. du Relié, 2001.