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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, 2002

Les responsabilités de l’Union européenne en matière prévention et de gestion des conflits dans un cadre multilatéral à l’aube du 21ème siècle ?

Comment faire face collectivement aux menaces globales qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales ?

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L’un des aspects importants de la gestion des crises est bien-entendu son volet politico-diplomatique. On a coutume de dire que la mondialisation révèle certaines zones d’ombre des relations internationales : accroissement des inégalités, dégradations de l’environnement, trafics d’armes, de drogue… Soit des problèmes transnationaux qui doivent appeler des réponses à la fois globales et locales. Face à ces risques conflictuels, l’Union Européenne (UE) doit mener une action concrète, cohérente et responsable. D’abord parce qu’elle est elle-même une actrice de la mondialisation ; ensuite parce qu’elle constitue un exemple réussi d’intégration et de pacification. C’est pourquoi la préoccupation européenne en matière de prévention et de gestion des conflits se fait de plus en plus forte. Son action s’inscrit ainsi dans une perspective à la fois politique et économique, dont le succès dépend de la capacité des Etats-membres à travailler ensemble et en complémentarité avec les organisations internationales. C’est en tout cas ce qu’explique Chris Patten, commissaire européen en charge des relations extérieures de l’UE.

Les images que véhiculent la mondialisation soulignent à la fois la dynamique qui la caractérise - croissance économique sans précédent, développement technologique, démocratisation - et les menaces qui lui sont consubstantielles : de fait, l’abolition des distances et l’effacement des frontières ont aussi profité à des activités – trafic d’armes ou de drogue, criminalité, mafias… - qui échappent au contrôle des Etats et qui sont potentiellement vecteurs de violences. Ces risques « dé-territorialisés » dépassent les capacités de gestion d’une seule catégorie d’acteurs et appellent dès lors une régulation partagée et coopérative. La prévention et la gestion des conflits supposent ainsi une approche multilatérale : Chris Patten, commissaire européen chargé des affaires extérieures de l’Union Européenne, estime que, dans cette optique, celle-ci a une responsabilité particulière dès lors qu’il s’agit de faire face collectivement aux menaces globales qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales. Ne serait-ce que parce qu’elle représente elle-même un excellent exemple de construction de la paix réussie. La nature même de l’Europe l’incite à promouvoir, en interne comme à travers le monde, la paix, le développement et la démocratie : ainsi, tout candidat à l’adhésion doit au préalable répondre aux critères de « l’acquis communautaire » (régime politique respectueux des droits fondamentaux, économie de marché…). Dans le même sens, l’Union européenne valorise auprès de ses partenaires externes le principe de relations commerciales équitables, convaincue, comme l’explique Chris Patten, que les racines des conflits ont souvent à voir avec l’accroissement de la pauvreté et le creusement des inégalités. En plus de cette politique qui vise à favoriser le processus de développement économique, l’UE mènent des actions de terrain, concrètes, visant à consolider la sortie de crise : financement de constructions d’écoles, d’infrastructures de transports ou sanitaires, opérations de déminage (ex : Bosnie) ou accompagnement du retour des combattants à la vie civile (ex : Cambodge).

Dans une communication faite le 11 avril 2001 auprès du Parlement et du Conseil européens, la Commission a manifesté sa volonté d’adopter une approche intégrée du développement, c’est-à-dire de considérer celui-ci sous tous ses aspects : système économique, démocratie et droits fondamentaux, structure étatique, équité sociale, respect de l’environnement… ceci afin de traiter le plus en amont possible les causes profondes des conflits. Dans cette perspective, l’Union Européenne réfléchit au concept “d’indicateurs d’exclusion” politique, sociale, ethnique… en vue d’identifier préventivement les sources potentielles de tensions et donc d’agir de manière mieux ciblée pour éviter le glissement vers la violence. Cela se traduit également sur le plan diplomatique par des mécanismes d’alerte et de dialogue politique : il en va ainsi de l’article 96 de l’accord de Cotonou passée avec les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifiques), qui prévoit l’engagement d’un dialogue politique en cas de violation des éléments essentiels dudit accord (respect des droits de l’homme, des principes démocratiques, de l’Etat de droit).

Cette volonté d’œuvrer à la résolution des conflits se traduit par ailleurs par des programmes d’assistance : mise en place et/ou surveillance de processus électoraux (ex : Colombie), de programmes d’éducation civique (ex : Afrique du sud, Cisjordanie), soutien aux médias indépendants (ex : Serbie), formation aux droits de l’homme pour les militaires et les policiers, assistance financière (ex : Palestine) ou administrative…

Agir en faveur de la paix suppose plusieurs exigences :

  • Rapidité, flexibilité et efficacité de l’aide ;

  • Personnel qualifié et compétent ;

  • Une vision de long terme pour une action de court terme.

Enfin, tout cela n’a de sens que compris dans une dynamique de coopération à trois niveaux :

  • Entre les Etats-membres de l’Union Européenne tout d’abord ;

  • Entre l’UE et les relais locaux ensuite ;

  • En complémentarité avec les programmes d’Organisation internationales telles le G8, l’OCDE, les Nations Unies…

Etant donné d’une part les moyens financiers, matériels et humains dont ils disposent, et d’autre part leur statut sur la scène mondiale, les acteurs institutionnels (Etats, Organisations internationales telle l’Union Européenne) semblent logiquement les premiers concernés par les problématiques de la gestion des crises, de la résolution des conflits et de la construction de la paix. Pourtant, leur implication ne va pas toujours de soi, dans la mesure où entre en ligne de compte la notion d’intérêt à s’engager plus avant dans des processus dont les effets ne sont pas toujours tangibles à l’échelle du court terme. Le fait est que la paix est une construction complexe, aux multiples ressorts et à la temporalité longue. Mais elle apparaît aussi, et de plus en plus, comme un objectif incontournable de la politique internationale.

Lorsque l’on s’intéresse de près aux acteurs qui oeuvrent plus ou moins concrètement à la restauration d’un cadre pacifique dans des pays ayant connu la guerre, on constate plusieurs choses :

  • Il existe plusieurs types d’acteurs et donc plusieurs types d’intervention ;

  • Les objectifs visés par les intervenants varient, ainsi que leur analyse de la situation et que les solutions qu’ils entendent mettre en œuvre ;

  • L’impact de leur action est plus ou moins grand, et l’on ne peut juger de leur efficacité que par rapport aux vues de départ et non dans l’absolu ;

  • La coordination de ces différents projets est bien souvent insuffisante.

C’est un petit peu ce qui transparaît derrière le discours de Chris Patten qui souligne à juste titre les efforts que l’Europe mène en vue de concourir à la prévention et à la gestion des conflits. Il est ainsi satisfaisant de l’entendre parler de la responsabilité qui, à ses yeux, incombe à l’Union Européenne, et de le voir insister sur les valeurs qui sous-tendent l’implication de celle-ci. De la même manière, le fait qu’il souligne qu’un plus grand effort de coordination entre les Etats et les organisations internationales est nécessaire, rend compte d’une volonté manifeste d’optimiser l’action sur le théâtre conflictuel. On peut néanmoins regretter qu’il n’évoque pas une collaboration éventuelle avec d’autres acteurs essentiels, qui se situent eux au contact direct du terrain et des populations : les organisations non-gouvernementales, dont l’expertise en la matière serait précieuse, aussi bien en matière de sortie de crise que dans une optique de prévention des conflits. Cette carence marque les limites qui existent encore à une gestion véritablement intégrée de la violence, c’est-à-dire une approche conciliant l’amont et l’aval de celle-ci, le court et le long termes, le local et le global.

Notes