Document file Dossier : L’imaginaire au service de l’éducation à la paix

Grenoble, France, February 2006

Le Sentier de la guerre ou comment l’éviter… : un outil d’éducation à la paix et au vivre ensemble pour les 10-14 ans

Une exposition-jeu sur la tolérance, les différences et le respect de l’autre.

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Languages: French

Inspirée d’une initiative néerlandaise du Stichting Vredeseducatie, l’exposition jeu « Le sentier de la guerre ou comment l’éviter » a été adaptée et créée en France par l’Ecole de la Paix de Grenoble en 1996 grâce à un soutien financier européen. L’exposition, destinée prioritairement aux enfants de 10 à 14 ans, est un circuit de jeux éducatifs, incitant les enfants à donner des réponses, à formuler des avis et à rechercher des solutions. La paix étant un processus dynamique, l’exposition est axée sur l’action et la participation, de sorte que les enfants et les adolescents aient les moyens de préparer la paix dans l’univers qui les concerne. Découvrir, vivre et agir sont trois mots clefs de cet outil pédagogique.

Le parcours de l’exposition est un peu le chemin de la vie. L’objectif est d’aider les jeunes à trouver leur propre chemin, dans une société de plus en plus complexe – souvent menacée par l’intolérance et la violence. En prenant conscience des préjugés, des discriminations, de la rumeur ou du bouc émissaire, ils peuvent porter un regard plus ouvert sur les autres et exprimer leur solidarité. Les textes et les jeux invitent les enfants à réfléchir sur eux-mêmes à partir de leur propre vécu. Ils les aident à rechercher des solutions qui mobilisent le respect des autres, la valeur de l’échange et la participation à la vie collective.

L’exposition-jeu est un outil mis à la disposition des enseignants et parents d’élèves, des organismes socio-éducatifs, des collectivités locales et à toute structure engagée auprès des enfants et désireuse de les éveiller à leur rôle de citoyen actif dans la société.

La visite de l’exposition est préparée à l’aide d’un guide pédagogique à destination des enseignants et accompagnateurs introduisant les thèmes abordés et initiant les enfants aux vocabulaires utilisés. Ce même guide est une invitation à entamer un travail d’approfondissement avec les enfants, en proposant de nombreuses pistes pédagogiques dans ce sens.

Les activités sont multiples et sollicitent tous les sens des enfants. Ils les rendent également acteur : chacun dispose d’un « passeport » , un carnet de route, sur lequel il note les réponses qu’il veut donner aux questions écrites sur les panneaux. Le passeport est conçu d’une part comme un guide expliquant les différentes activités et d’autre part comme un journal de bord où les enfants notent leurs découvertes et leurs propositions. Ce document permet également à l’enfant de faire trace et de conserver la mémoire de cet apprentissage original. Il devient en outre le support privilégié, avec le guide pédagogique de l’accompagnateur, du travail de réflexion amorcé par l’enfant.

Il est possible de commencer la visite par une vidéo d’une dizaine de minutes. Puis, les enfants circulent par petits groupes successivement sur les huit parties du circuit. Le parcours, installé sur une surface moyenne de 150 m², dure environ une heure trente et se décompose en huit thèmes :

1. « Je n’en crois pas mes yeux !  »

Ce qui est sûr pour les uns ne l’est pas nécessairement pour les autres : illusions d’optique, interprétation des faits… nous pouvons nous tromper, comme nous pouvons voir les choses différemment.

Les illusions d’optique nous montrent que nous n’avons pas accès directement à la réalité : nos représentations mentales sont le produit du moment présent, de nos expériences passées et de notre milieu culturel. Ces schémas mentaux nous aident à comprendre le monde. Ils constituent un passage obligé pour l’apprentissage mais ils peuvent aussi nous induire en erreur.

2. « Généralisation, fait ou opinion, préjugé »

Savoir distinguer ces concepts pour décrypter les discours et apprendre à faire des choix « éclairés » , est un petit pas vers la citoyenneté et la démocratie.

¨ Tirer profit de ce que l’on observe, de ses propres expériences et les généraliser, c’est les appliquer à d’autres situations. Cela devient alors une considération générale qui s’applique à un ensemble de personnes. Mettre tout le monde dans le même sac, c’est tellement plus facile. Pourtant, que d’erreurs comment-on en oubliant l’existence de cas particuliers ou à l’inverse, en transformant le cas particulier en cas général.

¨ Il n’est pas toujours facile de distinguer un fait (ce qui existe, ce qui se produit), d’une opinion (un point de vue). A nous d’y prêter attention, en particulier dans les cas limites, pour apprendre à reconnaître ou à construire un raisonnement fiable.

¨ Opinion ou jugement formulés avant d’avoir tous les éléments, les préjugés sont souvent basés sur la peur de l’inconnu et sont de ce fait très tenaces et pénibles à supporter pour les autres.

3. « Différences, ressemblances… »

Habitudes de vie variées, goûts différents… chacun de nous est unique et tous nous sommes des êtres humains, c’est un fait. Mais parfois les différences font peur, et l’on glisse du constat des différences à la généralisation abusive, au préjugé, à la rumeur, à la désignation d’un bouc émissaire. Rejeter quelqu’un pour ses différences ou soi-même se retrouver exclu sont des situations vécues au quotidien par les élèves. Pourtant, par notre éducation, nous savons quelle attitude avoir pour marquer notre respect de l’autre.

4. « La rumeur »

De source souvent inconnue, elle est une information dont on ne vérifie pas l’exactitude qui est interprétée, amplifiée, développée. Vrai ou fausse, elle se répand et s’envenime, s’impose par l’ampleur de sa diffusion. Elle joue un rôle dans l’évolution des phénomènes sociaux et des conflits et peut avoir des conséquences graves. Confronter les rumeurs au réel, se rendre compte des dégâts causés sont quelques unes des étapes permettant de contrer la rumeur.

5. « J’y vais, j’y vais pas »

Savoir dire non, savoir dire oui, ce n’est pas toujours facile. Le poids des habitudes, du regard des autres, l’insistance d’un camarade… nous empêchent parfois de nous poser la question : « est-ce bien de faire cela ?  » et de distinguer ce qui peut être juste ou bien ce qui ne l’est pas. Avoir le courage d’affronter ces pressions, oser faire selon ses propres choix n’a pas le même poids selon qu’il s’agit d’un défi qui nous est adressé, d’une action douteuse qui nous est proposée ou au contraire, d’une action généreuse.

6. « Le bouc émissaire »

Solution de facilité pour les responsables ou choix désespéré pour ceux qui vivent une situation difficile, le bouc émissaire est rendu responsable du malheur des autres. Choisi parce que différent, plus faible, désigné coupable par de multiples rumeurs, le bouc émissaire permet d’éviter d’aborder les problèmes en face. Participer à la désignation d’une personne comme bouc émissaire, être ou se sentir bouc émissaire font partie des relations douloureuses que nous vivons autour de nous et qu’il faut apprendre à désamorcer.

7. « Discrimination »

A partir de faits déformés ou mal interprétés, à force de généralisations malheureuses ou malhonnêtes, les différences deviennent source de rejet, amplifié par les rumeurs et les manipulations. Désigné comme bouc émissaire, on glisse vers la discrimination de l’autre. Exclu parce qu’handicapé, rejeté du fait de sa nationalité, de son sexe, interné pour des raisons politiques, inquiété à cause de sa religion… voici quelques exemples de discrimination.

8. « Un monde pour tous !  »

Partir de ce qui nous relie au monde, choisir de vivre ensemble, construire les règles du jeu… lorsque deux personnes, deux cultures se rencontrent, il se produit un choc dû à leur différence. Deux attitudes peuvent en découler : l’affrontement ou l’échange. C’est l’histoire des hommes, c’est l’histoire du monde. A nous de choisir et de nous organiser, de construire et de faire vivre les règles qui favorisent la liberté et l’égalité, au service de chacun et de nous tous.

 

Les deux exemplaires de l’exposition circulent par période de quinze jours dans les collèges d’Isère, de Rhône-Alpes et ailleurs en France. En moyenne, une vingtaine de collèges utilisent l’exposition chaque année et ce nombre est en croissance constante. Depuis 2001, cet outil pédagogique fait l’objet d’une convention d’objectifs avec le Conseil Général de l’Isère pour le mettre à disposition auprès des collèges du département.

Le format de l’exposition est également un frein à sa duplicabilité. En revanche, le message universel de tolérance et de respect constitue un potentiel d’exportation pour ce concept pédagogique. Pour preuve, l’outil a déjà été transposé et diffusé en Algérie et au Rwanda, en collaboration avec des partenaires pédagogiques locaux.

Commentary

L’exposition-jeu reçoit un accueil extrêmement favorable dans tous les établissements qui l’utilisent. Ainsi en attestent les évaluations systématiques par questionnaire d’appréciation, permettant d’effectuer un bilan annuel. Les conventions avec le Conseil Général, renouvelées chaque année, confirment la reconnaissance institutionnelle de l’efficacité de notre démarche de prévention auprès du public jeune.

Nous constatons également une évolution dans les sollicitations, initialement formulées par le personnel administratif des établissements scolaires ou les équipes pédagogiques. En effet, de plus en plus de parents d’élèves, inquiets de constater les éruptions de violences verbale ou physique dans les collèges accueillant leurs enfants, nous contactent directement afin de faire venir l’exposition.

Depuis sa création en 1996, l’exposition a été enrichie et adaptée au gré des évaluations effectuées par les utilisateurs. Le processus pédagogique est en perpétuel perfectionnement et nous permet de diversifier notre offre d’outils pédagogiques en adéquation avec les demandes des enseignants, parents d’élèves et personnel encadrant. Ainsi, en réponse aux suggestions répétées d’aborder la délicate question des comportements sexistes, nous avons conçu et créé un outil spécifique sur ce thème sous la forme d’un support d’animation informatique intitulé « Mon corps, ton corps, nos droits, nos devoirs » .