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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche de document Dossier : Processus de transition et réformes d’Etat

Matthieu Damian, Grenoble, France, janvier 2005

L’ONU

La revue Pouvoirs convie un certain nombre de ses acteurs à apporter leur contribution sur l’Organisation des Nations Unies.

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Réf. : « L'ONU » .- Pouvoirs.- n°109.- avril 2004

Langues : français

Type de document : 

La revue Pouvoirs montre une nouvelle fois l’excellence de ses publications en invitant ici des intervenants de très haut calibre à apporter leur contribution sur l’Organisation des Nations Unies.

Boutros Boutros-Ghali, Secrétaire général des Nations unies de 1992 à 1996, évoque les quatre réformes dont les Nations unies ont besoin: celle du Conseil de Sécurité, des Opérations de Maintien de la Paix (OMP), de la bureaucratie onusienne et, enfin, en matière économique et sociale.

1) Il souligne tout d’abord le caractère antidémocratique du droit de veto alors que la Charte est censée être fondée sur l’égalité souveraine entre ses Etats membres (art.2). Serge Sur répondra dans le même numéro : « Le Conseil a été conçu à partir d’un principe d’efficacité et non de représentativité » (p65). Puis, plus loin: « Non seulement le Conseil n’est pas détruit par le veto, mais encore il est sauvé par le veto. »

2) Boutros Boutros-Ghali souligne la nécessaire prise en compte dans les OMP de ce que les attentats du 11 septembre 2001 vont rappeler avec force : le terrorisme.

3) L’ancien Secrétaire insiste ensuite sur le fait que si l’administration onusienne doit être rationnalisée, cela ne doit pas être aux dépends des pays pauvres. Pour une description plus complète du système onusien, on se référera également à l’article de Jean-Pierre Maury.

4) Enfin, en qui concerne le développement économique et social, il propose un renforcement de la CNUCED allié à une réforme de la Banque mondiale et du FMI où l’ONU devrait être plus associé à leur travail.

La condition du Secrétaire général des Nations unies est retracée par Carl-August Fleischauer. Il y rappelle notamment toute la richesse ou la pauvreté du texte juridique (la Charte) à son endroit selon l’interprétation qui en est faite (par exemple, l’article 99). Philippe Moreau Defarges déroule l’historique de la SDN à l’ONU. L’auteur met en perspective le fait que la Société des Nations prétend, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, matérialiser le vieux rêve de paix universelle et permanente. Un peu plus d’un siècle auparavant, en 1795, dans la tourmente des guerres de la Révolution française, le philosophe Emmanuel Kant, avec justement son projet de Projet de paix perpétuelle, tentait de concevoir ce que pourrait être cette paix. Comme il l’écrit: « La SDN et l’ONU s’inscrivent donc dans un mouvement de fond qui prend forme à l’époque des Lumières, au 18e siècle. L’idée de progrès s’enracine. » Le juriste Alain Pellet livre un article au titre provocateur « Inutile Assemblée générale ?  » . Il mentionne avec fruit que l’Assemblée générale des Nations unies est le premier organe cité dans la Charte des Nations unies et que, à ce titre, elle aurait dû avoir un rôle plus important. Il n’est pas devenu le « Parlement mondial » que certains voudraient y voir « – d’abord parce qu’elle n’a pas le pouvoir de légiférer, qui est la caractéristique première d’une assemblée parlementaire ; ensuite parce qu’elle est composée non pas de représentants des peuples – malgré la belle mais trompeuse formule qui ouvre la Charte : « Nous, peuples des Nations unies... » mais ce qui est tout différent, d’Etats souverains qui tirent leur légitimité non d’un vote populaire mais de leur simple existence (...) » (p46-7).

Enfin, il regrette que la fameuse résolution 377[V], malgré la majorité de pays de l’Asssemblée appartenant au Tiers monde n’ait pas été employée « dans le cadre des deux crises récentes marquées par l’impuissance du Conseil de Sécurité du fait de la menace de l’usage du veto ; par la Russie et la Chine s’agissant de la crise du Kosovo; par les mêmes Etats et la France à propos de l’Irak (...) » (p52). Dans les deux cas, « l’Assemblée eût pu recommander (mais non imposer) des mesures qui n’auraient peut-être pas infléchi radicalement le cours des événements mais qui auraient du moins « sauvé l’honneur des Nations unies » (p53).

Serge Sur a dévolu son analyse sur le Conseil de Sécurité. Il met en évidence la différence entre le Kosovo où le recours à la force armée pouvait être contesté par rapport à la Charte, mais il ne contredisait pas frontalement une résolution du Conseil, et l’Irak. En effet, dans ce dernier cas, la résolution 1441 ne se donne pas comme objectif le changement de régime en Iraq, mais encore elle subordonnait le recours à la force à la constatation par le Conseil de sa violation, constatation qui, comme on sait, n’a jamais été opérée. Contrairement à Boutros Boutros-Ghali ou Hubert Védrine, il indique : « En un mot, la réforme ne se fera pas. Elle demeurera un thème d’études et de débats, mais elle est irréalisable à échéance prévisible, ne serait-ce que parce qu’elle suppose le consentement unanime des actuels membres permanents » (p65).

Gilbert Guillaume, réfléchissant sur la justice et l’ONU, propose d’encourager les tribunaux internationaux "à poser dans certains cas des questions préjudicielles à la Cour, organe judiciare principal des Nations unies, en usant pour ce faire de la procédure des avis consultatifs. Ces demandes d’avis seraient transmises à la Cour par l’intermédiaire de l’Assemblée générale ou du Conseil de Sécurité. La procédure ainsi envisagée remplirait un rôle analogue à celui que joue l’article 234 du traité de Rome qui permet aux juges nationaux d’interroger la Cour de Luxembourg en vue d’assurer l’unité du droit communautaire » (p.102).

Guillaume Parmentier nous fait un peu regretter Alexandra Novosseloff qui, sur le même sujet (les relations entre l’ONU et les Etats-Unis), semblait être plus compétente et aurait permis également d’avoir au moins une contribution féminine à ce numéro. La description suivante semble ainsi oublier l’Amérique latine: "Jusqu’ici [début des années 1990], les Américains s’étaient tenus au principe westphalien selon lequel une intervention sur le territoire souverain d’un Etat ne pouvait avoir lieu, hors urgence humanitaire avérée que sur la base d’un mandat donné par le Conseil de sécurité des Nations unies » .

Mario Bettati revient sur le droit de recourir à la force. Il va dans le même sens que Serge Sur lorsqu’il écrit : « Bien que non autorisée par le Conseil, [l’opération de l’OTAN au Kosovo] a doublement été validée par celui-ci. D’abord lorsqu’il a rejeté à une forte majorité un projet de résolution de la Fédération de Russie et de Belarus qui tendait à qualifier d’agression les bombardements et à les condamner. Ensuite lorsqu’il a créé la MINUK (...) » (p119). En conclusion, cet auteur écrit que l’attaque américaine contre l’Irak « constitue donc une agression au sens de la résolution 3314 adoptée par les Nations unies le 14 décembre 1974 ».

Hubert Védrine propose enfin que « confier à l’organe le plus légitime de la communauté internationale, le Conseil de sécurité, le droit d’intervenir en cas d’urgence humanitaire, fût-ce contre un Etat membre, est justifié et que cette réforme, avec de la persévérance, peut être atteinte. Ce serait revenir à la vieille notion de "protection d’humanité" [voir sur ce point Mario Bettati dans la même revue ou encore Charles Zorgbibe]. Si ces règles sont claires, cela ne remet pas en cause le principe de la souveraineté nationale ; cela en limite les abus » (p131). Cependant, il limite immédiatement un tel propos en rappelant que « Richard Haas a par exemple proposé le 14 janvier 2003, à Georgetown, que la souveraineté soit caduque en cas de soutien à des mouvements terroristes, de détention d’armes de destruction massive, d’atteinte répétée des droits de l’homme. Mais qui en jugerait ?  » (p133).

Commentaire

On ne saurait que trop recommander cet ouvrage qui, même dans ses critiques, veut démentir les propos que certains jugeaient prémonitoire le 21 mars 2003 lorsque Richard Perle, alors proche conseiller de Donald Rumsfeld, signait une tribune dans le quotidien de centre gauche britannique The Guardian intitulée « Merci mon Dieu pour la mort de l’ONU ».