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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, mars 2007

Deux pays condamnés à s’entendre

S’agissant de l’eau, Les Etats Unis et le Canada ne pourront faire autrement que d’ouvrir des négociations mêmes si les tractations s’avèrent longues et difficiles.

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Réf. : 1- Jean Mercier et Etienne Baillargeon, Le Soleil (Québec), le 30 septembre 2003, 2- Fred Pearce, « Water. The defining crisis of the 21st century », Beacon Press, Boston, 2006.

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Pour les auteurs, les conflits éventuels entre le Canada et les Etats Unis sur l’eau ne seront résolus que par la négociation et non l’affrontement. Ceux-ci écrivent : « Car, et c’est la leçon qu’il faut retenir des conflits hydriques ailleurs dans le monde, on finit presque toujours par s’entendre sur l’eau, même entre pays belliqueux. Si l’Inde et le Pakistan s’entendent sur l’Indus, comment croire qu’il en serait autrement entre les Etats-Unis et le Canada ? » car comme l’affirme Aaron Wolf de l’Université de l’Etat de l’Oregon, « se battre pour de l’eau est absurde : on n’accroît pas ses réserves en faisant la guerre au voisin, à moins de s’emparer de tout son bassin hydrographique et de le vider de ses habitants, et ce, au risque de terribles représailles ».

De son côté, de manière fort révélatrice, Jerome Dalli Priscoli, de l’Institute of Water Resources de l’Armée américaine, tient pratiquement le même langage : « Lorsque deux Etats se partagent un même bassin fluvial, ils sont obligés de s’accommoder de leur interdépendance…D’une certaine manière, l’eau nous oblige à dépasser nos rivalités pour retrouver notre point commun : l’instinct de survie…devant notre terreur primitive de la mort ».

L’eau serait porteuse de caractéristiques qui incitent les parties en opposition à recourir à la conciliation. Mais ceci ne signifie pas que les guerres sont pour autant écartées. L’eau est une ressource vitale et irremplaçable. De plus, dans le cas qui nous occupe, elle est inégalement répartie entre les deux pays concernés par l’étude.

Pour les auteurs, on peut exclure les agressions entre le Canada et les Etats-Unis car disent-ils, les conflits armés sont devenus hautement improbables entre pays industrialisés et dotés de hautes technologies sophistiquées. De plus, les régions étasuniennes réellement en pénurie se situent surtout au sud donc sont relativement éloignées du Canada.

Mais la technologie pourrait résoudre certains problèmes liés à l’eau des Grands Lacs communs aux deux pays mais dont les sources sont en amont au Canada et au transport de l’eau par le système de canalisations américain très développé.

L’autre difficulté est que l’eau risque de devenir marchandise, objet de commerce, aux dires du Wall Street Journal ou du Globe and Mail canadien. L’ALENA ne protège pas suffisamment les ressources naturelles comme le fait l’OMC.

Au Canada même, certaines provinces frappées par le chômage ne voient pas d’un mauvais œil la vente de l’eau au riche et puissant voisin. Mais cela risque de donner naissance à de nouvelles difficultés, à l’avenir, entre les deux pays car les entreprises américaines pourraient, sur la base de l’ALENA, demander l’égalité de traitement avec leurs consoeurs canadiennes vendant l’eau. Il y a aussi la grande épine du Protocole de Kyoto que le Canada a ratifié mais pas son voisin. Les entreprises canadiennes seraient à leur tour défavorisées face aux américaines.

Les auteurs concluent : « A ces sujets de discussions plus délicats pour l’avenir, s’ajoutent des particularités américaines : l’ouverture de leur système politique aux lobbies étrangers, foncièrement d’ordre économique, la fièvre électorale permanente ainsi que le nouveau nationalisme américain, né à la suite du 11/9. Sans compter que le gouvernement américain a allégué, à qui voulait l’entendre, depuis plus d’une dizaine d’années, qu’il n’était pas question de modifier, de quelque façon que ce soit, le mode de vie américain face à de nouvelles données environnementales ».

L’optimisme prévaut cependant pour ces auteurs qui mettent leur espoir dans les opinions publiques pour jouer un rôle modérateur et qui fondent des espérances sur le fait que les deux pays ont des mécanismes bien rodés pour résoudre leurs différends.

Commentaire

Pour les historiens, l’unique et véritable guerre de l’eau a eu lieu il y a environ 4 500 ans entre des cités de Mésopotamie à propos des eaux du Tigre et de l’Euphrate. C’est ainsi que le roi de Umma détruisit les berges des canaux que son voisin Girsu avait creusé dans l’Euphrate.

Une guerre rangée au sujet de l’eau semble hautement improbable entre le Canada et les Etats-Unis. Mais, les difficultés importantes pourraient jaillir entre eux, à l’avenir, si se maintient la consommation effrénée actuelle et si le statut de l’eau, ressource vitale, changeait en celui de marchandise. Ces difficultés auraient des implications socio-économiques et politiques voire écologiques non négligeables.

L’eau réserve, pour l’avenir, d’immenses surprises aux humains si l’avidité et la cupidité n’étaient pas freinées.