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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, avril 2005

Des goûts et des valeurs : ce qui préoccupe les habitants de la planète, enquête sur l’unité et la diversité culturelle.

« Du spécifique à l’universel et retour » Ce livre se propose de présenter, d’analyser et de commenter les résultats d’une enquête menée par le Centre d’études et de recherches sociologiques avec le soutien de la FPH dans cinq pays : Inde, Brésil, Burkina Faso, Chine et Japon.

Mots clefs : Construction et utilisation de l'identité culturelle | Analyser des conflits du point de vue culturel | Institutions d'enseignement, Centres de recherche, Scientifiques

Réf. : Éditions-Diffusions Charles Léopold Mayer, Paris, 1999.

Langues : français

Type de document :  Ouvrage

I. Les modes du penser sont des modes de relier et de combiner.

En quête de ce qui lie et divise les identités culturelles, afin de découvrir des liens universels unifiant les différentes problématiques « nationales », les enquêteurs invitent les participants aux ateliers (qui rassemblent des gens de toutes origines, de toutes situations sociales) à analyser sa vie quotidienne et à réfléchir sur les problèmes plus courants posés dans l’expérience personnelle ou collective. Ainsi, les auteurs comptent découvrir les tensions demeurant dans notre quotidien afin de s’élever jusqu’aux problématiques les plus générales (souvent présentées par les philosophes classiques comme des relations premières opposant deux termes contraires : fini/infini, un/multiple, immobile/mobile, bon/mauvais). L’existence de ces relations premières dans des cultures différentes permettrait, selon les enquêteurs, d’orienter des choix, des projets de vie ou d’action, car les problèmes énoncés librement sont d’une grande diversité, mais, apparemment, les regroupements donnent des classements très similaires.

Les dualités « universelles » (tradition/modernité, holisme/individualisme et hiérarchie/égalité par exemple) ouvrent des carrefours indispensables afin d’articuler entre eux les dualités « particulières », en les regroupant d’abord sous des dualités nommées « spécifiques » (liées à chaque culture particulière). Au moyen de cette enquête il est possible de démontrer que l’universel et le particulier forment ensemble une relation qui structure la pensée et l’expérience ; les relations définies par les ateliers ne sont donc pas statiques mais, au contraire, dynamiques : le mouvement de l’universel se traduit dans une progression vers plus de généralité, qui s’enracine dans la pratique même du langage car parler c’est relier, et donc universaliser. C’est pourquoi chaque culture humaine peut alors en un sens apparaître comme identique aux autres (dualités universelles), mais, pour la comprendre dans son originalité, il faut s’appuyer sur ses choix distinctifs (dualités spécifiques) qui l’entraînent à insister sur certaines dualités plus que sur d’autres (dualités particulières).

Comme les modes du penser sont des modes de relier et de combiner, l’assemblage des résultats de l’enquête est réalisé selon des différents critères : les réponses peuvent se combiner dans une séquence linéaire comme dans une phrase (la séquence sujet-verbe-complément) ou dans un menu (la séquence entrée-plat du jour-fromage-dessert). On a alors un axe horizontal ou syntagmatique (un procès).

II. Les auteurs soutiennent que, selon le choix du modèle, on pense en ligne droite ou en cercle.

Autrement dit, soit on enchaîne une séquence continue de points sur une seule dimension, soit on explore à partir d’un centre (lançant des pointes discontinues vers des points de la périphérie ou de la circonférence).

La relation entre les termes dans les dualités pose des problèmes similaires car soit on forme des analogies (lorsque les deux termes d’une dualité ne sont pas des contraires), soit on découvre une liaison symétrique (quand les deux termes sont situés à un même niveau de réalité et d’immanence), ou asymétrique (quand un terme transcende l’autre qui lui est subordonné et se tient sous sa dépendance). La symétrie et l’asymétrie traduisent deux manières bien différentes de penser le monde, car la première donne l’idée d’une nature immanente et tournante, et la deuxième est liée à une vision hiérarchique du cosmos.

Grâce à cette analyse, les auteurs définissent une « valeur » comme une « priorité » donnée à l’un des termes du couple ; dans cette optique le choix d’une valeur n’est donc pas irrationnel car il y a une sorte de « logique » de la valeur qui en fait un principe de rassemblement, d’évaluation, de distribution et d’argumentation. Toutes valeurs présentent donc un certain degré d’intelligibilité et de rationalité. Partant de cette considération, les auteurs essayent de découvrir des priorités ou relations irréversibles qui remplacent les valeurs universelles, structurent l’expérience et créent un espace de « coexistence commune ». Il s’avère donc nécessaire de gérer ces priorités en assurant la primauté d’un pôle d’une dualité sans supprimer l’autre au moyen d’un troisième terme (un système organisé de moyens pour faire jouer une relation dans la vie quotidienne) destiné à garantir dans l’expérience cette harmonie des contraires.

Il s’avère donc indispensable, pour les sociétés qui veulent survivre, de gérer ces priorités car lorsqu’on pose la valeur comme un terme isolé, lorsqu’on oublie la dualité qui permet de définir une priorité, alors on n’a plus affaire à des priorités, mais à des exclusions.

Commentaire

L’intérêt de ce texte réside dans l’effort effectué pour justifier une possible « logique de la paix » au moyen de la découverte des modalités universelles inter-culturelles de la pensée. Le but de cette enquête devient donc celui d’encadrer des « zones neutres » où le dialogue inter-cultuel soit réellement possible.

  • À ce sujet il est intéressant de constater la définition de valeur comme une priorité donnée à un terme d’une dualité : cette interprétation favorise la naissance d’une culture qui garde les différences en les intégrant dans le processus de création d’un avenir meilleur.

Dans cette optique, il est donc possible d’interpréter la guerre comme une erreur d’évaluation dans le cadre des conflits idéologiques, politiques et culturels caractérisant les rapports entre les individus ; cela montre que la conscience des dynamiques qui règlent donc les équilibres entre les termes d’une dualité est indispensable afin de construire une culture de la paix qui sache inventer des instruments pour soumettre les processus historiques aux lois de la raison.

Notes

  • Auteur : Centre d’études et de recherches sociologiques.