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Odile ALBERT, June 1997

La Charte européenne des femmes dans la cité

Une Charte qui revendique une démocratie paritaire homme-femme pour améliorer le cadre de vie urbain.

Les femmes sont largement absentes des décisions de gestion de la ville, de l’habitat et de l’aménagement du territoire. Pourtant, leurs activités, et en particulier leurs activités familiales, les rendent plus sensibles que les hommes à la qualité du cadre de vie et des services urbains. Mais force est de constater que leurs besoins spécifiques sont rarement pris en compte et qu’elles sont peu présentes dans la conception des projets urbains.

Aujourd’hui, bien des cités sont en crise et de nombreux problèmes sont à surmonter : exclusion sociale et isolement, absence de qualité de vie, violence, pollution, engorgement des villes…

Pour répondre à tous ces défis, les femmes, en tant qu’experts de la vie quotidienne, doivent jouer un rôle fondamental.

C’est en partant de ces convictions que quelques associations de femmes dans différents pays d’Europe (Allemagne, Belgique, France, Grèce et Pays-Bas) se sont regroupées, au cours des années 1994-95, pour rédiger la Charte européenne des femmes dans la cité. Depuis 1933, où Le Corbusier publia sa Charte d’Athènes, de nombreuses chartes urbaines ont vu le jour pour prôner une cité idéale pour les hommes. La Charte européenne est la première à mettre en exergue la dimension de « genre » dans la conception de la ville. Le groupe de travail qui a élaboré cette Charte a fondé sa réflexion sur les résultats de travaux de recherche et les recommandations issues de conférences et de débats.

Pour trouver une nouvelle approche de la gestion urbaine, la Charte affirme la nécessité de promouvoir une démocratie paritaire à tous les niveaux de décision et de prendre en compte les rapports sociaux entre les hommes et les femmes. La dimension de « genre » doit être admise comme source d’une nouvelle culture partagée et permettre de répondre aux besoins différenciés des deux sexes. Bien que l’intérêt des femmes en tant que tel n’existe pas, elles peuvent jouer un rôle déterminant dans le processus de transformation et d’amélioration du cadre de vie. Des niveaux intermédiaires de décision doivent se mettre en place et ainsi permettre une meilleure implication des femmes par une citoyenneté active et un vrai travail démocratique. La Charte recommande également d’inverser le sens des décisions en partant de la vie quotidienne.

Depuis des générations, on a assigné aux hommes et aux femmes des rôles spécifiques : les femmes dans la sphère de la vie privée, les hommes dans celle de la vie publique. Des centaines de milliers de logements résultent de cette conception. Cette vision n’est pas un « complot » contre les femmes, mais elle fait ressortir les priorités qui ont été prises. Pour concevoir des logements qui ne soient pas déterminés par l’optique masculine, il faut que les femmes s’expriment en tant qu’usagers et en tant qu’experts en matière d’habitat.

Parmi les points abordés, la Charte propose une réflexion spécifique sur les transports et la sécurité, deux thèmes prioritaires de la ville d’aujourd’hui sur lesquels les femmes sont nettement défavorisées. Les villes ont été de plus en plus aménagées pour l’automobile alors que les femmes en ont moins l’usage que les hommes. Leurs déplacements sont, en plus, souvent entravés par l’insécurité urbaine. La nuit renforce cette difficulté. Les femmes âgées constituent un des groupes les plus défavorisés. Difficultés de transport et insécurité favorisent le manque de participation des femmes à la vie publique à tous les niveaux. Si les femmes étaient plus concernées par les politiques des services urbains, on assisterait à un meilleur développement des transports en commun, à des idées novatrices pour lutter contre l’insécurité et un plus grand respect de l’environnement.

Pour chaque point abordé, la Charte propose des actions concrètes à engager. Puis elle définit une stratégie globale pour promouvoir cette nouvelle vision de la conception des villes.

  • Pour rendre le logement plus adapté aux besoins et aspirations différenciés de tous, la Charte préconise, entre autres, de constituer des guides d’adresses sur les maîtres d’ouvrage, entreprises, offices de logements… qui mettent l’accent sur la dimension de « genre », d’établir des grilles d’évaluation des projets (rénovation ou constructions récentes)en fonction d’une lecture féminine, de susciter des opérations pilotes, de favoriser des lieux de rencontre pour sortir la femme de son isolement, de créer des services économiques « bricolage » pour aider les femmes à réaliser des travaux sécuritaires dans leur logement, de rendre égalitaire l’accès au crédit bancaire, de définir des règlements municipaux imposant plus de rigueur aux projets, de renforcer le droit locatif des femmes.

  • Pour une meilleure adaptation des transports et une meilleure sécurité, la Charte précise plusieurs lignes d’action. Les municipalités doivent prendre davantage appui sur les points de vue des femmes, intégrer du personnel féminin dans les réseaux de transport, favoriser les modes de transport alternatifs et sécurisants, installer de nombreuses bornes d’appel téléphonique, inciter les architectes à aménager des halls d’immeubles éclairés et sans recoin. Sur un plan plus général, il faudrait prévoir des cours de sécurité dans les écoles d’urbanisme, inciter les hommes à assurer leur responsabilité et mettre en place des dissuasions au harcèlement.

Pour que la dimension de « genre » dans la gestion urbaine ne reste pas qu’un critère optionnel, mais soit réellement source d’une nouvelle culture et d’un changement profond, il faut que le contenu de cette Charte soit largement diffusé, tant auprès des décideurs politiques nationaux et européens, des décideurs économiques que dans les écoles professionnelles, à travers les médias et par une participation active à tous les niveaux aux rencontres et conférences.

La Charte préconise aussi la création d’un réseau européen pour promouvoir ses objectifs et leur mise en application. Pour initier cette constitution en réseau, il est paru un catalogue recensant soixante-six projets en Europe ou au Canada qui illustrent concrètement les points abordés par la Charte.

Notes

Contact : Monique MINACA, Groupe cadre de vie, 60 avenue Jean Jaurès, 92190 Meudon, France. Tél. : 01 45 34 27 17. Fax : 01 46 23 18 68