Experience file Dossier : À la rencontre d’artisans de paix en Amérique latine, juillet-août 2003.

, Quito, Equateur 2003-07

Le combat pour la justice et pour la démocratie de la CONAIE (Confederacion de Naciones Indigenas del Ecuador)

À partir des années 1980, la société civile équatorienne, composée d’une diversité importante de mouvements et de groupes sociaux : paysans, écologistes, femmes, organisations de défense des droits de l’homme, Église catholique, militaires, etc. a entamé une démarche commune de construction d’une société politique plus démocratique et plus participative.

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À partir des années 1980, la société civile équatorienne, composée d’une diversité importante de mouvements et de groupes sociaux : paysans, écologistes, femmes, organisations de défense des droits de l’homme, Église catholique, militaires, etc. a entamé une démarche commune de construction d’une société politique plus démocratique et plus participative. Cette société civile, portée en grande partie par le mouvement indien organisé au sein de la « Confederacion de Naciones Indigenas de Ecuador » (CONAIE), a organisé depuis 1990 plusieurs soulèvements socio-politiques de désobéissance civile non-violente. La CONAIE s’est dotée d’un bras politique aujourd’hui très important : le Pachakutik Nuevo Pais (« le retour des bons temps, nouveau pays »). Ces soulèvements non-violents ont réussi à renverser le gouvernement en 1997 et en 2000.

Le mouvement indien équatorien serait-il une véritable alternative politique ? Mouvement local nouveau, la société civile équatorienne est orpheline de modèles : elle refuse d’être associée à des mouvements révolutionnaires armés, aux FARC colombiennes, à l’armée zapatiste mexicaine ou autres. Elle ne se reconnaît pas non plus dans les idéologies de gauche qui, dit-elle, agissaient plus au service de modèles dogmatiques utilisant des conceptions abstraites des « classes populaires », qu’au service de la richesse et de la diversité des populations latino-américaines. D’autre part, tout en reconnaissant les héritages du passé et les continuités historiques, cette société civile se révèle assez lucide pour se rendre compte qu’elle se trouve face à des défis nouveaux.

Un exemple concret chargé de sens : en janvier 2000, alors que le pays entrait dans une crise économique et politique importante, la société civile, avec la CONAIE, a non seulement utilisé des techniques classiques de désobéissance civile : bloquages de routes, manifestations de rues, etc. mais elle est allée beaucoup plus loin. Des représentants de toutes les organisations sociales et politiques d’opposition ont constitué le « Parlement national des peuples de l’Équateur », un parlement citoyen alternatif. N’est-ce pas un geste citoyen d’une grande portée symbolique ? N’est-ce pas d’ores et déjà une bonne illustration des nouveaux sentiers que pourrait emprunter une société civile mondiale en gestation ?

En 2003, ce mouvement connaît une disjonction importante : d’une part, ses concrétisations politiques sont l’objet des ambiguïtés du pouvoir depuis qu’il a commencé à participer au gouvernement : elles sont démantelées les unes après les autres. D’autre part, l’alliance constituée par la plupart des organisations citoyennes équatoriennes demeure vivante et pertinente en tant que mouvement. Ceci montre bien qu’il ne s’agit pas de prendre le pouvoir aujourd’hui pour gouverner avec les institutions et les méthodes d’hier, mais qu’il s’agit plutôt d’inventer des modalités alternatives de gouvernance.

C’est dans ce sens que la société civile équatorienne est porteuse d’une initiative innovante pour la mise en place de modalités alternatives de gouvernance allant du local au global.

Commentary

La richesse de la société civile équatorienne ne concerne pas uniquement le domaine politique. De par la pratique de ses différents composants, notamment de la population indienne, cette société civile est porteuse de véritables alternatives dans d’autres domaines tels que les relations avec l’environnement et la protection de la biosphère, l’invention de nouveaux modèles de développement durable, l’élaboration de symboles et de valeurs porteurs d’une éthique de responsabilité et de solidarité…