Fiche d’expérience Dossier : Du désarmement à la sécurité collective

Caroline Pailhe, Grenoble, France, février 1999

Le Réseau d’Action International des ONG sur les Armes Légères (RAIAL)

Mots clefs : Démilitarisation de la société | ONG et Fondations internationales | Reconvertir les armements

Depuis la fin de la guerre froide, les armes légères sont devenues les instruments de violence privilégiés dans les conflits, principalement internes et à caractère politique, économique, social, religieux et/ou ethnique. Elles tuent et blessent gravement chaque année des milliers de civils, principalement des femmes et des enfants. Si elles ne sont pas la cause première des conflits, le flux incontrôlé de ces armes et leur grande disponibilité dans les zones de tension les intensifient et les prolongent, compromettant leur résolution et les efforts de développement parfois menés depuis de nombreuses années.

Aux niveaux national, régional et international, plusieurs initiatives officielles visant à contrôler ces flux d’armements ont vu le jour et la notion de développement durable se trouve de plus en plus associée aux concepts de (micro)désarmement et de prévention des conflits sur l’agenda des décideurs politiques. La communauté internationale des organisations non gouvernementales (ONG), depuis longtemps sensible à cette question dans le cadre de la protection des droits de l’homme et de l’aide humanitaire, ne reste pas inactive.

Forte du succès de la campagne pour l’interdiction des mines antipersonnel qui a abouti à la signature de la Convention d’Ottawa en décembre 1997, la société civile commence à développer une action internationale concertée face à la prolifération des armes légères. Une interdiction pure et simple de ce type d’armements est cependant irréaliste : la détention légale d’armes à feu par les particuliers est prévue par de nombreuses constitutions nationales et le droit des Etats à se défendre en cas d’agression est inscrit dans la Charte des Nations unies.

Les objectifs d’une nouvelle campagne doivent donc être nuancés et nécessitent un agenda indépendant, d’autant plus que nombre d’Etats sont eux-mêmes producteurs et exportateurs de ces armements particuliers. Leurs actions risquent donc de rester fragmentaires. Les initiatives officielles encourageantes prises pour restreindre le trafic illicite dans le cadre de la lutte contre la criminalité, le grand banditisme et le trafic de drogue doivent nécessairement être complétées par des restrictions portant sur le trafic licite des armements qui donne lieu à un usage illicite (en violation du droit humanitaire). Or, les Etats sont réticents à ce genre de contrôle qui handicape leur politique étrangère et leur coûte des emplois sur un marché mondial de plus en plus compétitif. Un effort émanant de la société civile est donc essentiel pour inspirer, soutenir et compléter les actions officielles afin d’aboutir à une restriction efficace des armes légères. Comme le soulignait M. Lloyd Axworthy, ministre canadien des Affaires étrangères, "la vigilance active de la société civile constitue la meilleure garantie que les Etats assumeront les responsabilités qu’ils reconnaissent comme leurs".

Depuis la fin 1997 et en 1998, de nombreuses réunions régionales d’ONG se sont tenues en vue de mettre au point une stratégie commune de campagne. Une première réunion internationale eut lieu au Canada en août 1998 au cours de laquelle 33 ONG (de 8 pays du Nord et 10 du Sud) ont dégagé un consensus pour la création d’un "Réseau d’Action International sur les Armes Légères" (RAIAL, IANSA en anglais).

Le 14 octobre 1998, à Bruxelles, au lendemain de la conférence intitulée "Un désarmement durable pour un développement durable" organisée par le secrétaire d’Etat belge à la Coopération au développement, Réginald Moreels, une deuxième rencontre internationale organisée par Amnesty International, BASIC, le GRIP, International Alert, Oxfam, Pax Christi et Saferworld et réunissant 200 ONG du monde entier, jetait les bases de cette campagne internationale.

Lors de cette plate-forme, les participants ont notamment examiné comment les institutions de la société civile à travers le monde peuvent collaborer de manière efficace afin de promouvoir des politiques et des actions communes visant à mieux contrôler les transferts et l’usage des armes légères. Une structure de départ a été mise en place. Un Comité de suivi a entrepris le développement d’un réseau représentatif et a assuré la rédaction du document de fondation. Le Groupe de référence regroupe les membres fondateurs du RAIAL. Dès le lancement du RAIAL le 11 avril 1999, le Comité de facilitation a repris la direction journalière du réseau, aidé par un Secrétariat qui fournira aux membres les services logistiques nécessaires au développement de la campagne.

Selon Olara Otunnu, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour les Enfants et les Conflits armés et orateur à la rencontre des ONG de Bruxelles, le lancement du RAIAL est "une étape indispensable pour s’attaquer au plus grand défi humanitaire du siècle prochain". Mais, alors que les différentes composantes sont d’accord sur l’urgente nécessité de restreindre l’accumulation et le mauvais usage des armes légères, le défi majeur de la campagne résidera dans le maintien d’un équilibre entre les actions portant sur la limitation de l’offre (au sein des pays producteurs, au nord) et celles visant à la réduction de la demande (au sein des pays en développement, au Sud).