Fiche d’expérience

Le rôle de la communauté internationale dans la reconstruction du Liban

La contribution française à la réhabilitation du système électrique libanais, de 1993 à 1997

Mots clefs : L'infrastructure au service de la paix | Partenariats économiques pour la paix | Conflit israélo-arabe | Union Européenne | Entreprise | Gouvernement libanais | Reconstruire l'économie | Reconstruire l'infrastructure | Liban | Proche Orient

Résumé : Après des années de guerre, la société libanaise était en état de déliquescence avancée. Aujourd’hui, si l’on ne peut toujours pas parler de paix globale, la reconstruction des infrastructures et du système économique a été largement entamée. La communauté internationale a joué un rôle important dans ce processus en fournissant au Liban l’aide matérielle, financière et technique dont celui-ci avait besoin pour sortir de la ruine dans laquelle le conflit l’avait plongé. La France, notamment, s’est largement impliquée à travers l’action d’EDF, de Bouygues, de Gec-Alsthom, et le soutien apporté par son gouvernement à l’effort de sortie de crise.

Durant les années 1990 et après une longue période de guerre ayant entraîné une lente décrépitude de son pays, le gouvernement libanais s’est engagé dans un vaste projet de reconstruction économique, d’autant plus nécessaires que les signaux de déliquescence du système étaient nombreux : chute des revenus individuels et du produit national, Etat et administrations déstructurés, climat social tendu, dommages et destructions matériels très importants… Il s’agissait donc d’engager un programme visant une réhabilitation générale de la société. La coordination de la reconstruction est alors réalisée par le Conseil de Développement et de la Reconstruction (CDR), institution publique autonome sous tutelle du conseil des ministres, qui a reçu pour ce faire l’appui de plusieurs entités complémentaires : un bureau d’études français (Oger international), une structure de contrôle et de coordination anglo-hollandaise (KPMG) et une unité d’assistance financée par l’Union Européenne. Cette multiplicité des acteurs a complexifié le processus de reconstruction mais l’a surtout rendu plus efficient, l’a fiabilisé et pérennisé. Parmi tous les domaines touchés, le secteur électrique est primordial puisque constituant un préalable à une remise sur pied plus générale du pays. Or, en 1992, d’une part la puissance disponible était insuffisant et imposait de sérieuses restrictions aux populations, et d’autre part les réseaux de transport et de distribution avaient subi de graves dommages. C’est dans le cadre d’appels d’offre internationaux que le reconstruction électrique s’est engagée. Celle-ci supposait une action dans trois domaines :

  • la réhabilitation des centrales électriques, exécutée par l’entreprise italienne Ansaldo ;

  • la réhabilitation des lignes de transport à haute tension et des sous-stations, réalisée par la société coréenne Hyundaï ;

  • la réhabilitation du réseau de distribution, assurée par les Français Clemessy et Bouygues.

Pour y parvenir, le Liban a pu bénéficier de l’investissement de plusieurs bailleurs de fonds étrangers, qui ont par ailleurs exigé la nomination d’un contrôleur unique des travaux. Cette mission a échu à Electricité De France (EDF), qui a assuré l’ingénierie complète du projet de réhabilitation. L’entreprise française a également contribué à ce que le Liban se situe dans une perspective de développement en aidant son homologue libanais EDL à se restructurer, et en pourvoyant à la mise en place de nouveaux moyens de production, d’un réseau très haute tension, d’un système de gestion de clientèle… Le gouvernement français a lui-même joué un rôle important, à travers la Direction des Relations Economiques Extérieures (DREE), l’Ambassade de France et le poste d’expansion économique, comme soutien financier, ou encore par la réalisation de plusieurs d’audit et de contrôle de l’avancée de la reconstruction. De la même manière, c’est à sa demande qu’EDF et Gec-Alsthom ont réuni dans les délais les plus brefs les moyens humains et matériels nécessaires pour rebâtir les postes électriques de Bsalim et Jamhour (détruits par les bombardements de l’armée israëlienne en 1996), et acheminés de Toulon à Beyrouth par la marine nationale. A l’arrivée, c’est donc la conjonction des efforts du ministère de la défense, d’une entreprise publique et d’une entreprise privée qui a permis le succès de cette opération, et entraîné pour l’industrie électrique française des retombées économiques loin d’être négligeables.

Commentaire

S’inscrivant dans le contexte des nouvelles relations internationales où la communauté internationale est renvoyée, peut-être plus qu’auparavant, à ses responsabilités dans le domaine de la construction de la paix, l’exemple de la reconstruction du système électrique libanais est l’illustration des partenariats mutuellement avantageux qui peuvent se mettre en place lorsque les volontés politiques et économiques s’accordent. Il convient cependant d’être lucide sur les difficultés, et de préciser à quelles conditions ce type d’action peut réussir :

  • le projet doit tout d’abord être légitime et relever d’un consensus unissant les parties concernées (prestataires et bénéficiaires). La paix durable ne peut être une construction imposée unilatéralement de l’extérieur ;

  • il doit faire l’objet d’un support solide, en termes de gestion et de contrôle, assurant le suivi et l’efficacité des réalisations ;

  • il est important que les programmes de travaux soient effectuées par des entreprises compétentes ;

  • par ailleurs, le projet doit s’inscrire dans une double dynamique de reconstruction et de développement, c’est à dire qu’il ne doit pas se contenter de réhabiliter l’existant mais mettre en place de nouvelles structures et assurer le passage de relais aux acteurs locaux ;

  • enfin, la reconstruction est un ouvrage globale qui doit avancer dans les différents secteurs (eau, téléphone, électricité, assainissement…) à un rythme uniforme.

Une dernière remarque consiste à souligner la dimension économique de l’aide apportée par un pays à un autre. La sortie de crise nécessite une stratégie plus large que la seule dimension altruiste, incluant la recherche d’une rentabilité par la captation de marchés, l’ouverture de débouchés ou encore l’implantation d’entreprises ou de personnels. Le but premier, qui reste la construction de la paix et la perspective du développement, n’en sera atteint que plus aisément.

Notes

Source : La gestion des sorties de crise: actions civilo-militaires et opérations de reconstruction