Fiche de notion

, Paris, 2008

Art de la paix

Intimement lié aux questions d’éthique et de responsabilité, l’« Art de la paix » ne se réduit pas à la simple absence de conflits. « Une société pacifique étant à la fois une société responsable, respectueuse de sa diversité et solidaire (1) », il n’est pas concevable de définir l’Art de la paix uniquement par opposition à la guerre : « la paix n’est pas la non-guerre (2) ».

Il s’agit d’un projet bien plus complexe renvoyant à la nécessité du « vivre ensemble » à l’échelle planétaire et par là-même au défi de parvenir à gérer les différences, la diversité et l’hétérogénéité intrinsèques à l’espèce humaine.

Cette complexité s’explique aisément : par définition l’« Art » de la paix n’est pas une science. En tant qu’ « Art », il renvoie non seulement au subjectif mais également à la sensibilité de chaque individu, à la perception que chaque être a d’autrui. Construire un Art de la paix suppose de « concevoir des modalités pacifiques de gestion des contradictions et des différences… », car, « même s’il est radicalement, irréductiblement différent de soi (3) », l’on ne peut d’aucune façon envisager de paix véritable sans tenir compte des contradictions et du droit de l’Autre à exister. En ce sens, l’Art de la paix concerne « les modes de gestion responsable de la violence dans les relations des hommes entre eux et avec leur environnement (…) et non pas directement la guerre ou la non-guerre. (4) »

L’Art de la paix pourrait être entendu comme le défi de parvenir à un juste équilibre entre une multitude de forces opposées, un idéal à atteindre mettant en œuvre des moyens extrêmement variés. Des moyens traduisant un savoir-faire fondé sur la subjectivité individuelle (c’est l’individu qui en est le seul agent.)

La paix et bien plus encore l’« Art » de la paix, est un concept, c’est-à-dire « une idée ou une représentation de l’esprit qui abrège une multiplicité de données par abstraction et généralisation de traits communs identifiables. » Il ne suffit pas d’opposer la paix à la guerre, comme on opposerait le Bien au Mal, mais d’avantage de comprendre que l’idée de paix dépend du jugement de chaque être. « Une chose peut être vraie sans être bonne (5) » ; la vie est un mélange de Bien et de Mal, elle est tension, elle est conflit. C’est en ce sens que l’Art de la paix ne saurait être concevable sans la prise en compte préalable de ces différents paradoxes afin d’être capable ensuite de les gérer, de les endiguer, de les exprimer….

Enraciné dans l’expérience humaine et son lot de subjectivité, l’Art de la paix n’est que peu palpable. Telle est certes la raison pour laquelle il est si difficile d’en donner une définition aux contours clairs et précis. Il s’agit d’un « processus » et non d’un « état », la paix n’est et ne sera jamais figée tel un moment que l’on peut décrire, caractériser et analyser pour ensuite l’expliquer. Cette réalité est représentative de l’immense fossé qui sépare l’Art de la paix à celui de la guerre : en effet, alors que la forme et les effets de la seconde sont on ne peut plus visibles et ne laissent place à aucun doute, c’est quand elle ne fait pas parler d’elle que la première est la plus réelle. A l’image de l’écrivain dont le génie ne saurait être plus évident que lorsqu’il exprime un immense mal être, les atrocités de la guerre sont plus faciles à décrire tant le spectacle qui en résulte est pitoyable. Les faits sont là, les statistiques parlent d’elles-mêmes, « tant de morts en tant de temps » : car si l’on peut parler d’un art de la guerre celle-ci n’en est pas moins une science, or la science se démontre. Au contraire la paix est un Art, l’Art s’enseigne.

Notes

  • (1) : Pierre Calame, Mission possible. Penser l’avenir de la Planète, Editions Charles Léopold Mayer, Paris, 2003, p. 177.

  • (2) : Idem p. 178.

  • (3) : Pierre Calame, Construire la paix, Introduction, dossier 56, éditions Charles Léopold Mayer.

  • (4) : Henri Bauer, D’un site ressources pour un Art de la Paix à la proposition d’une Alliance entre Artisans de Paix, site web [1].

  • (5) : Henri Bauer, D’un site ressources pour un Art de la Paix à la proposition d’une Alliance entre Artisans de Paix, site web irenees.net>.