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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche d’expérience Dossier : Du désarmement à la sécurité collective

, Grenoble, mai 1996

Les investissements de George Soros pour une société ouverte

Mots clefs : Proposer un nouveau projet de société | Europe | Ex-yougoslavie | Afrique du Sud

Au début de cette année, le financier George Soros a exposé à Moscou son nouveau projet qui prévoit la mise en place de centres serveurs Internet dans trois grandes villes russes : Moscou, Saint-Pétersbourg et Novossibirsk. Ils devraient être les premiers éléments d’« un système unifié qui constituera le noyau du réseau international Internet en Russie ». L’objectif est de relier au « réseau des réseaux » (le « Web ») les hôpitaux, les bibliothèques, les écoles et les instituts scientifiques à travers le pays. G. Soros aurait précisé à l’un des responsables de l’Académie russe des sciences, qu’il a l’intention de créer une fondation internationale Internet dont la vocation serait de parrainer des groupes d’utilisateurs (scientifiques, lycéens, enseignants, médecins, etc.) financièrement incapables de se connecter à Internet.

Cette information, qui précise également que c’est un budget de 22 millions de dollars que Soros consacrera à la Russie en 1996, a été l’occasion de rappeler ce que le milliardaire a déjà apporté à ce pays. En particulier, en 1992, avec la création de l’International Science Foundation, destinée à aider les scientifiques de haut niveau ayant massivement perdu leur emploi depuis la fin de l’Union soviétique. Plus de 30 000 chercheurs auraient reçu une bourse de 500 dollars, supérieure à leur salaire annuel.

C’est en 1979, dix ans après avoir créé le « Quantum fund », son fond d’investissement sur les marchés des capitaux qui fera sa fortune, que Soros a décidé d’exercer sa philanthropie au moyen de l’« Open Society Fund » et de commencer en distribuant des bourses à des étudiants noirs en Afrique du sud. En 1984, était créée, en Hongrie, la première des 25 Fondations Soros dont la plupart seront localisées dans les Etats d’Europe de l’Est nouvellement libérés de la tutelle soviétique. En 1991, était fondée à Budapest la Central Europe University à laquelle sont consacrés actuellement 10 millions de dollars par an. Dans le même temps, vitale a été la générosité de Soros pour la Bosnie, où 70 millions de dollars ont été dépensés pendant la période de la guerre, ainsi que pour la Macédoine, littéralement sauvée par une aide qui aurait atteint 120 millions de dollars pour la seule année 1994.

Ce qui distingue George Soros des autres philanthropes américains tels les Rockefeller, Ford et Carnegie, c’est, d’une part, le fait qu’il distribue ainsi son argent à la fleur de l’âge et au sommet de sa fortune, là où les autres le font pour la plupart à titre posthume à travers des fondations profitant d’une fiscalité favorable, d’autre part, la nature même de son ambition qui n’est rien moins que de sauver le monde ! Il s’est organisé pour pouvoir y consacrer 300 millions de dollars par an et ce, bien au-delà de la fin de ce siècle.

La philosophie de George Soros reste marquée par le souvenir de la guerre puis du totalitarisme communiste en Europe centrale. Plusieurs traits principaux peuvent en être soulignés :

  • ouvrir la société ( « J’ai toujours été préoccupé par les différences entre les sociétés fermées que j’ai fuies et les sociétés ouvertes dans lesquelles j’ai choisi de vivre.") et privilégier le savoir (« Dans une société ouverte doit être donnée la possibilité de penser et de créer.") ;

  • saisir des opportunités (« L’effondrement du communisme a été une véritable révolution, et une révolution crée des opportunités. » ou, à propos de la nouvelle situation mondiale ainsi créée, « Nous avons manqué une occasion et maintenant nous allons avoir quarante ans de traversée du désert.") ;

  • être réaliste face au monde (« La philanthropie ne va pas de soi. Notre civilisation est fondée sur la recherche de l’intérêt personnel et non sur une quelconque considération pour les intérêts des autres."). Dans un récent article publié par le Times de Londres, il résumait, en quelque sorte sa méthode : « Je ne cherche pas de profit en Europe de l’Est et je n’agis pas en tant qu’institution philanthropique sur les marchés financiers. »

Commentaire

George Soros ne peut laisser indifférent ! En 1995, le Time Magazine lui consacrait une couverture avec le titre : « Le milliardaire qui voudrait sauver le monde… et peut presque se le permettre », et le présentait également comme « investisseur et philanthrope ». En même temps, sa réputation de spéculateur est bien établie et suscite d’importantes réserves.

Pourtant, l’intérêt que lui manifestent nombre d’organes de presse est aussi le reflet de l’importance des activités philanthropiques de ce financier. Il m’a été donné en plusieurs lieux de rencontrer des bénéficiaires de cette aide, d’en constater les effets concrets en même temps que l’éclectisme. Considérer son auteur comme un « Plan Marshall » à lui tout seul n’est pas faux si l’on en juge par ce qu’il réalise dans ce registre, parfois à la place des gouvernements, tandis que des spécialistes et des observateurs de la situation à hauts risques des pays de l’Est, et de la Russie en particulier, recommandent que des efforts proportionnés à l’enjeu soient consentis !

Demeurent pour beaucoup la question de l’origine de cette manne que dispense George Soros, et pour certains celle des intérêts que sert une telle pratique ! La manière dont sont générés ces revenus fait incontestablement partie du paysage économique d’aujourd’hui et nourrit la contestation d’une certaine mondialisation. Comment une telle logique financière et une telle logique de solidarité peuvent-elles cohabiter ? La réponse ne peut-elle être qu’affaire de « morale » lorsque c’est à la fois une telle utilisation du « nerf de la paix » et l’efficacité de politiques qui sont en cause ?