Analysis file Dossier : La politique américaine et ses évolutions depuis le projet du Grand Moyen Orient

, Paris, November 2006

La relation entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite

Un pacte stratégique.

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Les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite

Après les attentats du 11 Septembre 2001, le Moyen-Orient est devenu le principal théâtre d’action de la politique étrangère américaine. Cette dernière qui reposait surtout sur deux pays - l’Arabie Saoudite et Israël - a du faire face à de nombreuses critiques concernant le premier et à une confirmation du lien unissant les Etats-Unis avec Israël. Mais malgré les nombreuses critiques à l’encontre de l’Arabie Saoudite montrée du doigt pour son lien avec le terrorisme islamiste, les Etats-Unis n’ont en aucun cas rompu leur lien avec ce pays qui reste leur allié indispensable économiquement et stratégiquement.

Nous verrons donc comment la relation entre ces deux pays a vu le jour et de quelle manière elle a traversé les épreuves pour rester toujours d’actualité.

I. Une relation historique

Au début du XXème siècle, Abdelaziz Ben Abdel Rahman Al Saoud, le fondateur du Royaume Saoudien moderne, voulant protéger l’indépendance du pays décida de prendre le premier, contact avec les Etats-Unis, seule puissance à ne pas avoir eu une démarche colonialisatrice dans la région. C’est au début des années 30, contraint par des finances publiques désastreuses que le monarque attribua à une compagnie américaine une concession de forage. Après de nombreux sondages, la Standard Oil Company of California (future ARAMCO) finit par tomber sur des puits saoudiens remplis de pétrole brut. Or, cet approvisionnement arriva à point pour les Etats-Unis dont l’économie était en plein développement, la relation entre les deux pays devient alors étroite.

Le 14 février 1945, le président Roosevelt et A.Ibn Saoud se réunirent à bord du croiseur Quincy(1), à cette occasion le Pacte de Quincy fut signé. En effet pendant 60 ans, les Etats-Unis se voyaient assurés un accès privilégié au pétrole du Royaume en échange d’une protection militaire en cas de besoin. Une forte alliance était donc scellée, avec des conséquences à venir sur la scène moyen orientale. Lors de cet entretien Roosevelt tente d’obtenir l’appui du roi pour la création d’un foyer national juif en Palestine, chose qui lui fut catégoriquement refusé. Cependant le prédécesseur de Roosevelt, Truman se passera de cet accord et votera pour la création de l’Etat d’Israël ce qui sera vécu comme une trahison par les saoudiens.

Un autre épisode a menacé la relation privilégiée entre les deux pays lors de la crise de 1973 où l’Arabie Saoudite participa à l’initiative de l’OPEP et déclara un embargo pétrolier sur les Etats-Unis ainsi qu’une augmentation des prix de 70 % pour les pays occidentaux, en réponse à l’aide massive fournie par les américains à Israël durant la Guerre du Kippour. Les nombreuses déclarations virulentes des saoudiens à l’égard de la politique américaine en Palestine n’y ont rien changé, ce qui prouve le caractère vital de la relation américano saoudienne.

Dans les années 80, l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis soutiennent officiellement l’Irak dans sa guerre contre l’Iran. En effet,les saoudiens craignent une contamination de la révolte islamique chiite à la région du Hassa qui abrite les principaux puits de pétrole et qui est peuplé à majorité de chiites. Mais en 1991, lorsque Saddam Hussein a des visées sur le Koweït,l’Arabie Saoudite se sent menacée et en appelle à la protection américaine qui n’est pas longue à se déployer. Les Américains pourront ainsi installer pour la première fois malgré l’hostilité de la population des bases militaires dans la terre la plus sainte de l’islam.

II. La prédominance du pétrole

Pour l’économie américaine, le ravitaillement en pétrole saoudien est nécessaire au bon fonctionnement de celle-ci.En effet, l’Arabie Saoudite recèle 260 milliards de barils c’est à dire les premières réserves du monde, mais c’est aussi le seul pays a pouvoir augmenter sa production de pétrole dans une courte durée.De plus, le Royaume saoudien vend à prix préférable son pétrole et offre aux Etats-Unis le prix du transport, ce qui a crée pour les américains une certaine sécurité énergétique(2).

Après le 11 Septembre 2001 et la guerre en Irak certains analystes conservateurs ont pensé qu’une réorganisation de l’approvisionnement pétrolier allait avoir lieu et que la dépendance vis-à-vis de l’Arabie Saoudite changerait. Mais la réalité ne l’a pas permis,car l’Irak depuis 2003 est loin d’être un pays pacifié et les infrastructures pétrolières du pays ont gravement été ravagées par trois guerres et 13 ans d’embargo,de plus dans le futur il paraîtra impossible à un gouvernement irakien pour sa crédibilité d’accepter un contrôle étranger sur les ressources pétrolières.

La relation avec l’Arabie Saoudite n’est donc pas prête de s’arrêter, ces deux pays sont interdépendants, l’un garantit des avantages économiques et l’autre profite d’un marché énorme et d’une sécurité militaire.

III. La protection militaire

L’Arabie Saoudite et les Etats-Unis ont de toute évidence un intérêt commun à ce que les américains assurent la sécurité du Royaume. En effet le régime saoudien a été conscient dès le début de sa vulnérabilité face à des forces externes ou internes. Durant la guerre du Golfe en 1991, le déploiement américain pour protéger le royaume a été rapide malgré la contestation de la population saoudienne. De plus,le régime en place est un régime qui depuis quelques années est fortement critiqué par les conservateurs et les islamistes pour ses excès financiers et moraux. Les Etats-Unis en accordant leur protection militaire participent à la sauvegarde du Royaume et veulent éviter une prise de contrôle éventuelle par des islamistes radicaux. En échange, l’Arabie Saoudite est un allié qui fait objectivement le jeu de l’Occident en amenant le camp arabe à se modérer.

Mais depuis le 11 Septembre 2001, la protection militaire et les relations privilégiées avec les Etats-Unis ont été soumis à une grande pression sur le régime pour qu’il se dirige vers une ouverture. Soumise à de graves contestations internes, la monarchie est perçue par la population comme corrompue et vassal des Etats-Unis(3). Ces derniers mois, le régime a mis en place un processus politique qu’il considère comme allant vers une meilleure représentativité des Saoudiens.

Le plus difficile pour la monarchie Saoud dans les années à venir va être de concilier une politique proaméricaine avec une population de plus en plus violemment hostile. Même si en 2003, la monarchie a refusé officiellement de servir de base arrière pour les opérations en Irak, la contestation monte de plus en plus au sein de la population et la présence américaine est remise en question. Les attentats au nom d’Al Qaeda dans le pays ont pour but de faire chuter les Saoud et sont de plus en plus soutenus par la population qui exprime ainsi son opposition à une politique proaméricaine.

Notes

  • (1) : La Politique américaine au Moyen-Orient », de Barah Mikaïl, p.60, Ed. Dalloz.

  • (2) : « Limites de la puissance pétrolière saoudienne », Mars 2006, Le Monde Diplomatique.

  • (3) : « L’Orient arabe à l’heure américaine », p. 360 d’Henry Laurens Ed. Armand Collin.