Ficha de desafío Dossier : Les défis de la paix dans la région africaine des Grands Lacs après les massacres de 1994

, Goma, Nord-Kivu, marzo 2010

Femmes violées dans les conflits de la région africaine des Grands Lacs

De l’exclusion communautaire à la réhabilitation socio-économique.

Keywords: Trabajar la comprensión de conflictos | Conocimiento de la historia del otro | Representaciones mentales y paz | Ayudar a las víctimas de guerra | Respeto de los derechos de las mujeres | Oponerse a la impunidad | | Mujeres y paz | Reformar las relaciones sociales para preservar la paz | Actuar localmente para ayudar a las víctimas de la guerra | Sostener reparaciones morales de los efectos de la guerra | Región de los Grandes Lagos | República Democrática del Congo

Introduction

Le long du conflit armé qui a ensanglanté la région des Grands Lacs et surtout la partie orientale de la République Démocratique du Congo, la violence sexuelle envers les femmes a atteint des proportions inimaginables, touchant aussi bien les enfants, les adultes comme les vieillards jusqu’à se demander si le viol n’est pas devenu une arme psychologique de guerre.

Au-delà de l’acte lui-même qui est exécrable, la barbarie par laquelle il a été commis dans plusieurs cas (viol en collectivité, usage des objets durs et tranchants, etc.), traduit la déchéance dans laquelle les bandes armées ont plongé la femme et son corps, jusqu’au plus profond de ce qu’elle représente en tant que génitrice et garante de la reproduction d’une communauté humaine.

Mais cette violence vis-à-vis de la femme n’est pas que liée au conflit. Elle est aussi domestique au sein de la communauté, de la famille (cas de femmes battues ou humiliées) et plus anodine, dans le langage sexiste ordinaire, quotidien. L’organisation socio-culturelle ne laissant souvent à la femme qu’une position de subordination sur laquelle s’enracine toute cette violence.

Les défis de la paix expérimentés au sein de l’ONG Simama-Développement, basée à Kibumba dans le Nord Kivu, permettent de mettre en évidence deux points qui me paraissent essentiels à intégrer dans la compréhension et la reconstruction d’une société post-conflit. Il s’agit d’une part l’exclusion communautaire dont sont objet ces femmes et d’autre part leur réhabilitation socio-économique.

I. Violées, indésirables et exclues de la communauté

La subordination culturelle des femmes – plus particulièrement en milieu rural - constitue le socle sur lequel se greffent la violence et les souffrances que subissent les femmes dans le milieu rural.

En raison de cette position de subordination, les violences qu’elles subissent le sont en silence. Car le viol les stigmatisent, les marquent à vie. Et elles portent une honte profonde qui les empêche de dénoncer ou de porter plainte. Outre la honte intérieure, le viol installe la femme violée et violentée dans l’inertie et la paralysie qui les rendent inaptes à prendre une quelconque initiative pour s’émanciper.

Les conséquences immédiates sont morales, psychiques, physiques voire psychiatriques. Les foyers, la communauté clanique et la communauté toute entière en souffrent.

Outre ces conséquences qu’on peut qualifier d’exclusion sociale structurelle suite à cette organisation sociale qui place la femme dans une position de subordination, on a des conséquences plus discriminatoires liées à la gestion de cette position dans un contexte de conflit armé où les femmes sont devenues les premières victimes civiles. Ainsi, violée, ces femmes deviennent victimes de discrimination, de stigmatisation, de rejet et d’exclusion car considérées comme LA HONTE, comme des « RIEN ». Et pire si elles portent le virus du SIDA, conséquence de viol.

La peur et la honte d’être rejetée de sa famille ou de sa communauté est inhérent au tabou qui entoure toute discussion à caractère sexuel dans ces cadres sociaux. Ceci explique l’existence de nombreux cas de viol tus et cachés avec comme conséquence plusieurs victimes vivant par exemple avec des infections sexuellement transmissibles et non traitées et d’autres séquelles physiques et le VIH/SIDA. C’est souvent à la suite d’un examen clinique complet que le médecin découvrira le problème. Cette découverte fortuite par le médecin, l’infirmier ou le psychologue clinicien, si elle est mal gérée, entraînera des questions de la part des membres de la famille ou des communautés qui voudront chercher l’origine de la maladie. Sous pression, la femme ou la petite fille avouera peut être qu’elle a subi un acte de viol. Mais malheureusement dans la majorité de cas, ironie du sort, elle en sera tenue responsable par son propre mari, sa famille et la communauté qui la discriminera jusqu’à l’exclure.

A ces discriminations et exclusions sociales, s’ajoute une autre liée cette fois-ci au stéréotype de victime permanente que véhiculent à tort ou à raison la plupart des analyses et de programmes destinés à soutenir la cause féminine et qui font donc de la femme une personne incapable d’être actrice de sa sécurité et de la prise de décision sur la sécurité collective.

Dans ce même ordre d’idée l’exclusion de la femme violée se manifeste dans les mécanismes de négociation de paix où si elles ne sont pas absentes, elles sont en tout cas minoritairement voire marginalement représentées. C’est le constat formulé par le REJUSCO, un programme de réforme de la justice au Congo, lors de son colloque organisé à Goma (R.D.Congo) en mars 2010.

Comment donc préparer les femmes victimes de violences sexuelles dans un contexte de conflit à prendre le leadership de leur réhabilitation, de la paix et de la sécurité collective ?

II. La réhabilitation sociale et économique

Corriger cette HONTE et tous les déséquilibres qu’elle entraîne est important pour reconstruire la société autour de cette femme mise à mal pendant les conflits. Dans ce cadre, l’expérience de Simama-Développement s’organise autour de quatre secteurs : l’aspect médical, la dimension de santé mentale (ou psychologique), le volet judiciaire et la dimension de réintégration ou de réhabilitation socio-économique. Quelques leçons apprises.

Remettre debout la femme violée est un des défis majeurs de la reconstruction humaine. Il faut donc commencer par la création des structures et d’infrastructures d’accueil (avec un personnel qualifié et équipé) pour bien répondre aux nombreuses exigences d’une réhabilitation morale, sociale, physique et économique.

Un counselling (service d’assistance psycho-sociale) avec une attitude d’écoute, de l’acceptation de l’autre, de l’absence du jugement, d’empathie… sont un socle pour la mise en confiance et à niveau de la femme victime de viol. De là découle un esprit de convivialité entre personnel soignant et cette dernière puis suivra l’acceptation de son état et la facilité par le médecin de lui adjoindre un traitement médical ou une cure psychologique pouvant conduire à remettre l’équilibre psychologique et à la correction médicale des problèmes de santé physique telles que fistule recto vaginalis, ulcération vaginalis.

A. L’Assistance judiciaire et légale

Au-delà de l’impunité dont jouissent les nombreux auteurs de violences sexuelles dans les conflits de l’Est de la RDC, le défi majeur est de faciliter l’accès des victimes à la justice. L’aide des avocats ou l’assistance légale est primordiale mais ceux-ci doivent faire face aux limites du système judiciaire lui-même et à la peur des victimes à la fois d’être stigmatisée et de dénoncer leurs agresseurs. Et trop souvent, recourir à la justice est non seulement un parcours de combattant impossible pour des femmes souvent analphabètes et illettrées et devient un exercice plus périlleux que le mutisme. Car les auteurs de viols – impunis ou protégés – sont des responsables ou toujours armés, prêts à se venger.

Faut-il compenser ces « lacunes » par des voies alternatives ? Lesquelles ? Avec quelle efficacité ? Ainsi les structures coutumières et les leaders traditionnels ou communautaires sont-ils souvent mis à contribution.

Mais l’absence d’un système clair de poursuite et de compensation et surtout l’impunité dont jouissent les auteurs ne motivent pas les victimes à s’engager dans une voie où elles ne pensent qu’elle aboutirait à leur réhabilitation.

B. La réhabilitation et la réinsertion socio-économique

A Kibumba, dans le Territoire de Nyiragongo les viols que Simama-Développement a dénombrés se passent souvent dans la journée, lorsque les femmes sont en plein travaux agricoles ou recherchent du bois de chauffe. Donc en pleine activité économique de soutien à leurs familles.

La réhabilitation socio-économique est une des voies de relèvement qui redonne un statut à la femme violée dans la communauté, dans la famille. Abandonnée, exclue, elle retrouverait grâce à un revenu des capacités à redevenir actrice de la société. Ainsi, apprendre à lire, à écrire, à compter, à gérer un microprojet ou toute autre initiative qui éloigne du terrain de viol et générer un revenu sont des étapes de réhabilitation. Etapes qui redonnent de la fierté, de la confiance et de l’humanité.