Fiche de document Dossier : Des savoirs pour la paix issus de pratiques de paix. Présentation d’un ensemble de publications.

, décembre 2005

Violences en Colombie, le défi aux idées reçues. Document réalisé à partir des recherches du Cinep par Elsa Blair et Jean-Michel Rosner

Le Cinep de Bogota (centre de recherche et d’éducation populaire) se situe à l’interface entre recherche et de action : ainsi, au cours des années 1980, le centre a entrepris une recherche sur les fondements de la violence en Colombie afin de proposer des stratégies de réduction de cette violence et de construction d’une paix durable dans le pays. Le président de la FPH et le responsable du service Amérique Latine au CCFD ont souhaité publier les résultats des enseignements des recherches et actions afin de valoriser ce travail et d’encourager la réflexion et l’action sur cette problématique. Elsa Blair et Jean-Michel Rosner ont rédigé, à partir de documents originaux de partenaires colombiens, un ensemble de fiches sur les origines et les fondements de la violence en Colombie. Ces fiches proposent une analyse synthétique et rigoureuse des phénomènes de violence en Colombie et replacent ces manifestations dans un contexte social, économique et historique dont on ne saurait les extraire. Dès lors, les auteurs bousculent les clichés et appellent les acteurs du développement, les acteurs politiques colombiens et les colombiens eux-même, à prendre acte, dans leurs projets et programmes de promotion de la paix, mais aussi au quotidien, toute la dimension et les implications d’un ensemble de données sociologiques et historiques.

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Réf. : Documents de travail, Fiches réalisées à partir des recherches du Cinep par Elsa Blair et Jean-Michel Rosner. Mars 1994., Dialogues et documents pour le progrès de l’homme, Fondation pour le progrès de l’homme

Langues : français

Type de document : 

Au cours des années 1980, la société colombienne s’est enfoncée dans une crise économique, politique et culturelle sans précédent, dont l’expression la plus manifeste a été le développement des violences physiques (assassinats, tortures, terrorisme, répression…). Aujourd’hui, la Colombie est notoirement connue du monde entier pour son niveau de violence dans la société et pour le narco-trafic. Malheureusement, on sait moins que ce pays est une vivante interpellation à ceux qui croient que démocratie, indépendance et développement suffisent à construire la paix . En effet, la Colombie est, en Amérique latine, le pays le plus anciennement indépendant, le plus constamment démocratique, et n’est pas le plus pauvre et le plus inégalitaire. En analysant plusieurs aspects des origines de la violence en Colombie, l’ouvrage de la Fondation pour le Progrès de l’Homme propose une réflexion sur les fondements de la paix.

Les fiches présentent plusieurs paramètres de la violence en Colombie. Les chercheurs montrent en effet comment la violence est devenue un mode d’action du politique et combien cette modalité s’est généralisée à l’ensemble de la société.

Le contexte international, relayant les rivalités idéologiques entre les deux grandes puissances de la Guerre Froide, fournit une première explication à la situation actuelle de la Colombie. Mais le conflit armé colombien a peu à peu débordé la sphère institutionnelle de l’Etat sous sa forme la plus classique (pour la défense de l’Etat : les militaires et pour chercher à avoir le pouvoir, la guérilla). Progressivement, et bien que les logiques et les mobiles d’après lesquels les groupes paramilitaires agissent et que les différentes scènes où se déroule leur action diffèrent, le croisement de leurs stratégies avec d’autres acteurs armés engendre des effets indéniables sur la "rétroalimentation" de la violence et d’une grande capacité destabilisatrice sur la vie sociale et politique du pays.. Le conflit est aujourd’hui situé et ancré dans d’autres secteurs sociaux, également armés et acteurs de la guerre, mais qui n’ont que peu ou rien à voir avec le pouvoir de l’Etat : paramilitaires, milices populaires, délinquants, armées privées au service du trafic de la drogue, ou au contraire, au service de groupes privés contre le trafic de la drogue… Au sein même des périodes de paix, le recours à la violence comme moyen de règlement des différends est demeuré un réflexe : des narco-trafiquants aux groupes para-militaires, la violence est devenue un langage, reconnu comme tel. En dépit de politiques d’apaisement, de pacification nationale et de réformes économiques et sociales, le pouvoir politique colombien n’est pas parvenu, affaibli, de facto, dans son rôle de "détenteur de la violence légitime", et se heurtant aux velléités de différents groupes d’intérêt de maintien d’un statut quo instable, à installer durablement en Colombie un climat de paix.

Mais la violence colombienne trouve aussi des raisons d’explication dans l’intolérance propres à la culture colombienne, une culture où sont prédominantes des visions dogmatiques de la réalité qui ne permettent pas ou peu de nuances. Le passé colonial, notamment, a exporté d’une part une logique d’exclusion/inclusion dans la société (notamment dans la répartition des terres entre grands propriétaires fonciers et petits paysans autonomes) et d’autre part un fait religieux basé dichotomie entre le Bien et le Mal. Il en résulte qu’un imaginaire social s’est élaboré au sein de la population faisant le la violence un guide d’action.

Commentaire

L’ouvrage de la Fondation pour le Progrès de l’homme souligne la complexité des ressorts de la violence en Colombie et engage le lecteur à refuser une lecture trop simpliste de la situation colombienne. Au delà du cas colombien, l’ouvrage met l’accent sur la capacité de la violence à s’auto-alimenter et donc la difficulté à sortir de ce cercle vicieux. Dès lors, l’ouvrage attire l’attention de tout un chacun sur les signes précurseurs de cette violence et sur la nécessité de conserver une société pacifiée, en prenant conscience à sa juste mesure du caractère précaire de la paix sociale.