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Entre urgence et développement - Pratiques humanitaires en questions : réflexions sous la direction de Bernard Husson

Les réflexions menées par les acteurs de paix autour de leur intervention dans une situation de guerre.

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Réf. : Entre urgence et développement - Pratiques humanitaires en questions, Ouvrage collectif sous la direction de Bernard Husson, Karthala, 1997, 237 p.

Langues : français

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Le discours selon lequel les crises et les conflits contemporains supposent à la fois des analyses et des réponses nouvelles, sous-entendu par rapport à la guerre froide, est désormais un classique, parfois même un poncif, pour ceux qui s’intéressent aux questions internationales. Il n’en est pas moins le révélateur d’une certaine vérité.

La décennie 1990 a révélé combien étaient complexes les conflits actuels, qu’il s’agisse de l’Afrique des Grands lacs, du Proche-Orient ou encore des Balkans. Du point de vue des acteurs, dont la responsabilité est parfois d’agir au cœur de ces situations difficiles, intervenir relève d’un art délicat, consistant à gérer un faisceau de contraintes géographiques, chronologiques, politiques, sociales… Autour de ces questions doivent s’engager des débats et des réflexions. C’est l’objet de l’ouvrage collectif que propose le groupe de travail URD (Urgence – Réhabilitation – Développement), Entre urgence et développement – Pratiques humanitaires en question, paru aux éditions Karthala.

La mise en perspective de la réflexion, en plusieurs temps, s’articule autour de quatre thèmes, qui représentent autant de chantiers à mettre en œuvre ou à approfondir :

  • Le premier touche à la compréhension des crises, de leurs causes, de leurs ressorts, de leurs caractéristiques et de leur impact. Sans une lecture raisonnée, cernant avec justesse les problèmes posés (gravité, conséquences sur l’organisation sociale, dynamique propre…), les acteurs humanitaires prennent le risque de répondre de manière décalée, quand ce n’est pas contre-productive aux enjeux sous-tendus par la crise. Les acteurs de l’humanitaire ne peuvent plus ignorer que leurs interventions elles-mêmes sont parfois, sur le terrain, source de tensions et se heurter à des oppositions d’intérêt. Un décryptage affiné de la crise, de ses acteurs, est donc nécessaire afin que les stratégies mises en œuvre pour y faire face soient fécondes.

  • Le deuxième consiste à sortir du strict et habituel découpage chronologique de la gestion des crises. Le temps est évidemment un facteur primordial, essentiel de l’action sur le terrain. Mais un schéma trop figé sur une approche cyclique (un temps pour la paix, un temps pour la reconstruction, un temps pour le développement) ne permet pas de cerner les dynamiques transversales. Il s’agit donc pour les différents acteurs, les « urgenciers » comme les « développeurs », de combiner leurs analyses et leurs compétences. Car leurs difficultés et leurs interrogations sont bien souvent similaires : pertinence de leur action, partage des responsabilités, relations avec les médias ou les pouvoirs publics…

  • Le troisième a trait aux réponses à apporter et à l’intervention sur le théâtre extérieur. Dans la logique des remarques précédentes, cette dernière suppose une combinaison d’activité. Il en va à ce titre de la responsabilité des acteurs de redéfinir leurs objectifs et leurs méthodes afin d’améliorer la qualité et l’impact de programmes d’aide. Le premier impératif est la bonne connaissance du terrain et des ressources des populations locales, afin de valoriser autant que possible, une solution endogène : la coopération, le partenariat voire le contrat constituent ainsi le moyen d’agir à bon escient. A ce titre, la souplesse et le suivi-évaluation sont nécessaires.

  • Le dernier consiste pour le secteur humanitaire à toujours approfondir les débats qui l’agitent et qui posent question, que cela concerne l’éthique de son action ou bien la relation qu’il entretient avec les pouvoirs publics, les militaires, les médias ou encore le secteur privé et marchand. Dans tous ces domaines, les interrogations qui subsistent ouvrent un vaste champ de réflexions : la prévention des crises peut-elle être efficace ? la dénonciation publique est-elle un moyen d’action, ou au contraire nuit-elle à la légitimité de l’intervention ? quelles sont les relations qui peuvent être crées avec les autres acteurs (Etats, militaires, guérillas, rebelles…) ?

La volonté de ceux qui ont contribué à la rédaction de ce livre est ainsi de créer un espace commun de délibérations et d’échanges pour « débattre du sens profond et du rôle de tous dans l’aide internationale », y compris en y impliquant les acteurs autres que non-gouvernementaux. Chacun est ainsi appelé à interroger son mode d’intervention, son fonctionnement, ses valeurs. De la même manière, les débats ne peuvent se cantonner aux seuls acteurs du “Nord” mais doivent s’élargir à ceux du “Sud” et de “l’Est”. Car les questions auxquelles tous ceux-ci sont confrontés et auxquelles ils devront tenter de répondre sont nombreuses.

Commentaire

Comment appréhender les crises ? C’est finalement l’enjeu de cet ouvrage que de s’intéresser à la question. Pour tenter d’apporter des éléments de réponse à cette interrogation essentielle, toutes les voix doivent se faire entendre, y compris lorsqu’elles empruntent des chemins divergents.

Le ton du livre n’est pas polémique, au sens où celle-ci resterait gratuite et stérile. Il interpelle néanmoins sur les enjeux et les débats qui entourent l’action en situation de crise. Les problèmes sont en général bien cernés, de bonnes analyses sont proposées, rompant avec les confusions habituelles. Des exemples précis et des cas concrets illustrent aussi bien les résultats obtenus que les difficultés rencontrées. Bien entendu, tous les sujets ne sont et ne pouvaient pas être approfondis, et l’on aimerait que les débats se poursuivent, notamment ceux qui agitent les organisations non-gouvernementales. Celles-ci font de leur indépendance politique et financière, de leur neutralité et de leur impartialité, des éléments constitutifs de leur identité ; mais les contingences auxquelles elles ont à faire face, tant sur le terrain que dans les liens qu’elles entretiennent avec les autres acteurs, ne complexifient-elles pas la donne ?

Le champ du questionnement est ouvert, les interrogations qui demeurent sont nombreuses.

Notes