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, Paris, février 2009

Les défis d’une paix globale au 21ème siècle à partir du « Nouveau rapport de la CIA », présenté par Alexandre ADLER.

Indiquer aujourd’hui comment penser la paix au 21ème siècle, au regard de la configuration et de l’état actuel du monde, est loin d’être une tâche aisée.

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Parler de la paix dans ce nouveau siècle semble être un exercice et une pratique ardus, tant les défis sont énormes, tant les risques et les menaces qui guettent la planète toute entière sont multiples. En revanche, puisqu’il semble plus autorisé d’utiliser la rhétorique de la menace, du risque et de la crise, la question de « comment penser la paix au 21ème siècle », tout en recouvrant tout son sens, mérite incontestablement d’être posée avec insistance.

Puisque le risque, la menace et la crise sont la consécration d’une absence de précaution et d’une agrégation de dysfonctionnements non régulés, il est évident que « penser la paix » vienne à identifier les axes problématiques qui les sous-tendent. Il n’est pas question, dans cet exercice, de lutter contre ceux-ci mais de promouvoir la paix, même s’il semble délicat d’y parvenir sans se livrer à la lutte acharnée contre ces derniers. Notons au passage que le 21ème siècle s’inscrit, avec certes beaucoup d’acuité, dans la continuation de la situation du monde durant les siècle précédents. Le siècle qui a précédé a été marqué par de grandes guerres mais aussi, par la suite, par ce que Raymond Aron qualifie de « guerre improbable, paix impossible ». Cet état de fait serait plus inquiétant durant ce siècle si des mesures significatives ne sont pas rigoureusement prises.

Aucun des ensembles géopolitiques du monde aujourd’hui et dans les années à venir n’est épargné de cette situation d’instabilité qui se profile à l’horizon de la planète. Avec une crise financière internationale sans précédent, un réchauffement de la planète unanimement constaté, la crainte de bouleversements biopolitiques dans des domaines aussi variés que l’eau, l’énergie, l’agriculture ou même les épidémies, les risques liés à la prolifération nucléaire et à la course aux armements sophistiqués, notre monde actuel ne nous incite pas à un optimisme béat (Alexandre Adler). (1)

Si tous ces risques, menaces et crises sont des facteurs de blocage structurel de la paix dans le monde, aggravés par les déséquilibres spatiaux et territoriaux du globe, comment, dès lors, envisager de parvenir à la paix globale de la planète en ce 21ème siècle? A cette question, plusieurs autres interrogations peuvent s’y coller : de quelle paix s’agit-il ? Est-ce une paix pour tout le monde quand on observe une forte tendance à une multitude « d’arts régionaux» de la paix en parlant d’art de la paix en Europe, en Afrique, en Asie, en Amérique… ? Ou alors s’agit-il d’une agrégation de ces « paix régionales » à l’échelon mondial ? Par ailleurs, doit-on s’adresser à un « gain des paix de sorties de guerres », c’est-à-dire stabiliser, pacifier, apaiser, reconstruire les territoires du post-conflit et permettre leur réintégration sur la scène internationale? (2) Le spectre du concept de paix est trop large et c’est pour cette raison qu’il faut l’aborder dans sa globalité et sa complexité en essayant de préciser les défis liés à chacun des éléments qui forgent cette complexité. La présente réflexion tente d’apporter des réponses à ces questions à la lumière des hypothèses établies par Alexandre Adler sur les risques de conflits dans les quinze à vingt années à venir.

Vers une paix mondiale au 21ème siècle?

Il est difficile de parler ou de penser une paix mondiale ou globale au 21ème siècle, tant les déséquilibres spatiaux sont énormes, tant les instabilités connues par chacune des régions sont spécifiques et particulières et dont les outils applicables pour la construction de la paix dans chaque cas sont différents les uns des autres. Les régions concernées par l’arc d’instabilité qui est souvent dessiné ont chacune des défis qui leur sont propres. Les risques d’instabilité ou de conflit en Afrique subsaharienne, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, dans les Balkans, le Caucase, l’Asie du Sud et centrale et en Amérique latine ne sont pas les mêmes, même si on peut tout de même observer que chez certains les contextes qui ont présidé à l’instabilité sont quasi identiques. (3)

En ce qui concerne le Moyen-Orient, l’un des défis de la paix les plus prononcés aujourd’hui est celui de la course aux armements nucléaires. Le développement du programme nucléaire iranien suscite des inquiétudes dans la région. En effet, chacun des Etats de la région pour assurer sa propre sécurité, aura besoin de se doter de l’arme nucléaire. Cette arme devient dès lors un enjeu de « stabilité nationale et régionale » et sa possession une garantie de « sécurité » (4). Mais comment assurer la pérennité d’une pareille stabilité par les armes les plus fatales de la planète quand on sait que, dans la région, les risques pour que les mouvements extrémistes et terroristes s’en approprient pour atteindre leurs objectifs politiques sont énormes ? « L’augmentation de la capacité nucléaire iranienne est déjà en partie responsable d’un surcroît d’intérêt pour l’énergie nucléaire au Moyen-Orient, ce qui fait monter d’un cran les inquiétudes concernant une éventuelle course aux armements.» (5). Comment construire la paix dans un climat aussi hostile ? La Turquie, les Emirates arabes unis, Bahreïn, l’Arabie Saoudite, l’Egypte et la Libye ont déjà commencé à construire de nouvelles centrale nucléaires, ou ont l’intention de le faire.

Dans des conditions comme celle de la situation au Moyen-Orient, la construction de la paix doit impérativement passer par :

  • La redéfinition du système et des modalités de sécurité collective, d’une part ;

  • La redéfinition du cadre de régulation des rapports entre les Etats dans leur bataille pour l’accès aux ressources énergétiques, d’autre part.

Car en fait, le système de sécurité collective tel qu’il est organisé aujourd’hui ne concerne que les Etats. Mais ces derniers se trouvent confrontés à d’intenses défis et rivalités avec des professionnels illégaux de la guerre intégrés dans des mouvements radicaux. Bien plus, les alliances stratégiques entre les Etats et certains mouvements extrémistes pour déstabiliser d’autres Etats fragilisent considérablement le système de sécurité collective. Les rapports entre l’Iran, le Hamas et le Hezbollah en sont, pour la région moyen-orientale, l’exemple le plus concret.

La régulation et une réglementation multilatérale efficace de l’accès à l’exploitation des ressources énergétiques dans des régions riches en ces matières constituent un défis stratégique majeur que la communauté internationale doit prendre en compte pour poser les bases d’une construction durable de la paix. « Les besoins énergétiques croissants de populations et d’économie en expansion seraient susceptibles de remettre en question la disponibilité, la fiabilité et le coût des approvisionnements énergétiques » (6). Cet état de fait pourrait créer significativement de nouveaux conflits sur les ressources naturelles et pourrait faire monter des tensions entre des Etats en concurrence face à des ressources limitées. Les Etats disposant de ressources énergétiques insuffisantes pourront utiliser le commerce d’armes ou de technologies sensibles et des alliances politiques et militaires comme arguments pour établir des relations stratégiques avec les pays producteurs. Les zones les plus exposées à ces risques sont l’Asie centrale, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Amérique latine.

Si la paix repose sur le bien-être, la sécurité et l’absence de violence politique ou émotionnelle comme le soutiennent Koralie Bryant et Christina Kappaz, et que la réduction de la pauvreté contribue à augmenter les chances de paix en réduisant les incidences de conflits, il est indispensable, comme le précise A. Adler, pour des régions comme le Moyen-Orient et l’Afrique, d’améliorer les systèmes éducatifs de manière à former une force de travail plus qualifiée techniquement. L’éducation et la formation pour tous deviennent, dès lors, des leviers décisifs importants pour la construction d’une paix durable dans le monde. La régulation de ce défis majeur permet la résolution de plusieurs autres défis notamment la gestion de l’excédent démographique, des conflits profonds et anciens, l’élaboration dans des économies faibles des perspectives économiques réelles.

La paix au 21ème siècle devra aussi passer par la capacité civile et militaire des Etats à répondre efficacement aux situations insurrectionnelles. Pour cela, la réforme des secteurs de sécurité et de défense doit permettre le déploiement des dispositifs de sécurité capables de stabiliser les régions. Il n’est nullement question de nier ou d’altérer le règlement pacifique des différends mais de prendre significativement en compte la dimension réaliste de la construction de la paix.

La construction de la paix par des outils symboliques et philosophiques est la voie la plus autorisée mais à court terme, l’expérience montre que cette stratégie idéaliste est moins opérationnelle. Ceci doit être pris avec beaucoup de précaution. La quasi totalité des processus de paix enclenchés aujourd’hui sont des « paix de sortie de crise et de guerre ». De telles situations doivent passer par la transformation des aptitudes et des capacités des acteurs, à la fois, en conflit et ceux intervenants pour la résolution du conflit ou la stabilisation. Les réponses à ces situations ne peuvent être que d’ensemble, globales, nécessairement multinationales, civilo-militaires, interministérielles et interarmées (7) afin d’éviter le syndrome d’Alésia c’est-à-dire de « perdre en ayant les moyens sans la méthode, l’énergie sans la stratégie »

Notes

  • (1) : Le nouveau Rapport de la CIA . Comment sera le monde en 2025, Robert Laffont Paris 2009

  • (2) : Paul Haéri :De la guerre à la paix. Pacification et stabilisation post-conflit, Economica 2008

  • (3) : Ceci semble vérifié par Koralie Bryant et Christina Kappaz. Pour ces auteurs, la pauvreté, la violence et la guerre interagissent, générant ainsi des schémas complexes. La plupart des guerres qu’on a pu observer depuis la fin de la guerre froide ont eu lieu là où la pauvreté est plus forte. In Paix et pauvreté. Un développement équitable pour réduire les conflits. Editions Charles Léopold Mayer, Paris 2008

  • (4) : Alexandre Adler, op. Cit

  • (5) : Alexandre Adler. op. Cit. P 214

  • (6) : Alexandre Adler, op. Cit. P 215

  • (7) : Paul Haéri, Op. Cit P 257