Fiche d’expérience Dossier : Les Organisations Non-Violentes en France

Guillaume Gamblin, Paris, janvier 2007

MAN : un mouvement intégré dans la société civile

Le MAN - Mouvement pour une Alternative Non violente - est engagé depuis bientôt trente ans dans la promotion et l’expérimentation de la non-violence politique, sociale et culturelle. Il constitue un pôle de dynamisme unique au sein de l’ensemble des organisations non-violentes en France.

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I. Un réseau de partenaires non-violents

Le MAN entretient des relations privilégiées avec un certain nombre d’organisations non-violentes qui sont issues à divers niveaux du mouvement :

  • Après une coopération étroite avec la FEDO, Fedération Des Objecteurs - que le MAN avait contribué à créer durant les années 70, et qui n’existe plus aujourd’hui - le mouvement a connu une collaboration non moins étroite avec le magazine mensuel Non-Violence Politique, fondé en 1978 et devenu en 1988 Non-Violence Actualité (NVA). Créé au départ pour diffuser les idées et les initiatives du MAN, le journal a trouvé petit à petit son autonomie par rapport au mouvement, et s’est transformé en 2000 en Centre de Ressources sur la résolution non-violente des conflits. En parallèle à cette redéfinition de son objet, NVA a vécu une rupture avec le MAN et s’en est définitivement autonomisé. Cela n’empêche pas une poursuite des relations entre les deux organisations, notamment à travers une réunion annuelle.

  • L’Institut de recherche sur la Résolution Non-violente des Conflits (IRNC) est créé en 1984, à l’initiative d’adhérents du MAN actifs dans la réflexion sur le thème de la défense. L’IRNC est créé avec le soutien des autorités politiques, notamment la Fondation pour les Etudes de la Défense Nationale. Ses recherches se poursuivent dans une concertation et une synergie constantes avec le MAN, l’institut de recherche faisant office de pôle de réflexion jouant un rôle important pour l’orientation des actions et campagnes de celui-ci; y compris dans la campagne actuelle sur le Proche-Orient.

  • Les Instituts de recherche et de Formation du MAN (IFMAN) sont créés à partir de 1992 dans différentes régions de France, afin de distinguer une activité de formation professionnelle, et l’activité de formation proprement militante qui est effectuée au sein du MAN. Mais ces instituts souhaitent garder un lien éthique et pratique fort avec le mouvement duquel ils sont issus, la plupart des formateurs étant également adhérents actifs de celui-ci. Les IFMAN constituent en somme des structures autonomes mais gardant un lien de filiation fort et direct avec le MAN.

  • La dernière née des organisations issues du MAN est l’ONG Equipes de Paix dans les Balkans (EpB), qui a été créée en 1999 par des membres du réseau Kosovo du MAN, afin de relayer en France l’action d’intervention civile de l’organisation européenne Balkan Peace Team. Un partenariat très fort est là encore entretenu entre les deux organisations non-violentes. Les principaux animateurs d’EpB sont par ailleurs membres actifs du MAN.

Au nombre de ces organisations, on peut mentionner le Comité pour l’Intervention Civile de Paix (Comité ICP), né en 1996 sous l’impulsion du MAN - qui en assure le secrétariat, et regroupe en son sein plusieurs mouvements non-violents, d’envoi de volontaires, ou de la société civile :

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    • l’IRNC ;

    • EpB ;

    • le Collectif Guatemala ;

    • Brigades de Paix Internationales (PBI) ;

    • le CCFD ;

    • Pax Christi.

Le MAN est l’un des membres de ce comité, et dans les faits son principal animateur. Le Comité ICP développe une politique de promotion et d’institutionnalisation de stratégies d’intervention civile, en France ; et organise depuis 2000 une formation annuelle à l’intervention civile de 154 heures - la Formation ICP, dans le cadre de laquelle plus de 50 stagiaires ont déjà pu être formés.

Au bilan de cette formation et des activités du Comité ICP en général, on peut mentionner 19 volontaires partis en mission ou en instance de départ, de nombreux soutiens comme la Fondation Un Monde Par Tous, la Fondation pour le Progrès de l’Homme, et depuis 2002 la fondation Non-Violence XXI, fond associatif pour une culture de paix et de non-violence au XXI° siècle. Le Ministère des Affaires Etrangères a apporté une aide financière en 2001, le Ministère de la Défense en 2001 et en 2002.

Une coopération très régulière est par ailleurs entretenue avec la revue Alternatives Non-Violentes (ANV), qui est fondée en 1973, un an avant la création du MAN. On peut estimer qu’ANV a joué un rôle non-négligeable dans celle-ci, en constituant un tremplin de réflexion et d’échanges préludant à la constitution du mouvement. La revue s’est voulue depuis sa création un lieu ouvert aux divers courants de pensée non-violents et aux divers mouvements : le MAN a donc pris toute sa place dans l’animation et l’orientation de la revue, ainsi que dans l’apport de contributions écrites régulières à celle-ci. Plusieurs membres du MAN sont membres du conseil d’administration ou du comité d’orientation d’ANV.

Le MAN a entretenu, surtout par le passé, des relations suivies de coopération et de dialogue contradictoire avec les deux autres grands mouvements historiques engagés pour la non-violence en France : le MIR, et l’Arche. Des rencontres ont pu avoir lieu entre les animateurs de ces mouvements, ainsi surtout qu’une coopération pratique des militants locaux dans la mise en œuvre d’actions diverses. La lutte du Larzac est un exemple majeur de cette coopération entre mouvements. Dans le cadre de cette lutte, une coopération importante a été établie également avec le Cun du Larzac, qui a été créé en 1975, et avec lequel des relations militantes continuent à être entretenues. En tant que pôle d’expérimentation et de recherche sur la non-violence, le Cun est un allié « naturel » du MAN. Les relations avec ces mouvements non-violents se poursuivent jusqu’à aujourd’hui et se formalisent en particulier à l’intérieur de deux collectifs : la Coordination Française pour la Décennie de promotion d’une culture de non-violence et de paix au profit des enfants du monde, dans laquelle le MIR exerce en particulier des responsabilités importantes pour l’organisation et l’animation, et Non-Violence XXI, fond associatif pour une culture de non-violence au XXI° siècle. C’est essentiellement au niveau des militants, au niveau local, qu’une coopération fructueuse peut avoir lieu pour des actions de promotion d’une culture de non-violence, comme c’est le cas à Manosque par exemple avec le MIR dans le cadre de la Décennie.

II. Agir au sein de la société civile nationale et internationale

Au niveau local, on a vu que des relations multiples sont entretenues avec nombre de collectifs (contre la guerre, de solidarité avec le Kosovo, avec la Palestine, pour le soutien aux sans-papiers, etc…), desquels des groupes locaux sont membres, mais aussi avec des associations locales (comme Témoins ou le CDRPC à Lyon), ou des groupes locaux d’organisations nationales (Survie, Attac, Confédération Paysanne…).

Au niveau national et international, au-delà des seuls mouvements non-violents déjà cités, des liens sont entretenus avec d’autres organisations de la société civile. Le MAN est membre des réseaux Sortir du Nucléaire, Stop-Essais, Abolition 2000, du collectif Transferts d’Armes, ou encore du Réseau d’Action Internationale sur les Armes Légères (RAIAL). Sur ce thème, un partenariat existe avec la Maison de Vigilance de Taverny.

Le mouvement est partie prenante de nombreuses campagnes du réseau Agir-Ici, qui relaie sa campagne sur le Proche-Orient, et est partenaire également d’organisations d’origine confessionnelle comme le CCFD (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement), le Secours Catholique, et Pax Christi.

Le MAN est membre du Comité de Solidarité avec les Communautés de Paix en Colombie.

Un soutien stratégique conséquent a pu être apporté à des mouvements tels que les Démo (Démocratie pour le Pays-Basque), groupe luttant de manière non-violente pour le respect des droits du peuple basque, ou encore de manière plus ponctuelle à des mouvements tels que celui des intermittents du spectacle, qui a demandé des formations à l’action et aux stratégies non-violentes.

Au niveau international, des relations sont entretenues également avec les Non-violent Peaceforces, réseau international de promotion de l’intervention civile, qui envoie des volontaires au Sri Lanka ; avec l’Université de Paix de Namur, en Belgique ; ou encore avec le Centre Martin Luther King de Lausanne, en Suisse. Le mouvement est affilié à l’Internationale des Résistante à la Guerre (IRG/WRI). Il réfléchit actuellement à une éventuelle adhésion à l’International Peace Bureau.

Dans le cadre de la campagne Proche-Orient pour l’envoi d’une force d’intervention civile en Israël-Palestine, des partenariats nombreux sont en train de se nouer :

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    • en France, avec des organisations comme le Secours Catholique, le Service Civil International (SCI), l’association Israël-Palestine, le GUPS (étudiants palestiniens), ou le Comité de Coordination pour le Service Civil-Volontaires pour la Paix ;

    • au niveau européen, avec Droits de l’Homme sans Frontières (Belgique), EICCC-Allemagne, International Forum for Justice and Peace in Palestine (Hollande), CONEDIS (ONG italienne), Justicia y Pau (Espagne), etc… ;

  • au Proche-Orient, avec Coalition of Women for Peace, Gush Shalom, International Palestinian Youth League, Israeli-Palestinian Center for Research and information, Rabbis for Human Rights, Shalom Akhshav (La paix maintenant), Galilee College, Seruv (courage to refuse), etc… .

Par le passé, des partenariats très forts ont été tissés avec les mouvements d’objecteurs de conscience comme le MOC, ou avec des mouvements ou réseaux internationaux comme Kanaky-Solidarité, l’Association Sociale Culturelle Libanaise, et l’Assemblée Européenne des Citoyens d’Helsinki.

Des contacts poussés ont été noués durant la première décennie d’existence du MAN avec des organisations syndicales (CFDT) ou politiques (PSU). Le mouvement a depuis longtemps cessé de s’engager explicitement dans la vie politique « traditionnelle » du pays et dans des logiques électorales ; néanmoins des relations particulièrement importantes existent avec le parti écologiste des Verts en particulier, en raison de l’intérêt de ce dernier pour les stratégies d’intervention civile et pour les formes non-violentes d’exercice du pouvoir notamment.

Dans le cadre d’un engagement politique international, le MAN intègre son action dans le cadre des rassemblements pour une autre mondialisation, en étant présent par exemple lors du rassemblement du contre-G8 d’Evian, ou, massivement, sur le plateau du Larzac en Août 2003. Il participe également au Forum Social Européen de St Denis, par un atelier conjoint avec le comité ICP et un autre dans le cadre du Forum permanent pour la Paix, dont il est l’un des initiateurs, autour du thème du rôle de la non-violence dans l’altermondialisation, et s’implique dans l’organisation du Salon International des Initiatives de Paix, à la Cité des Sciences en Juin 2004.

Coordonnées :

  • Adresse : MAN, 114, rue de Vaugirard, 75006 PARIS

  • Tel. : 01 45 44 48 25

  • E-mail : man@nonviolence.fr

  • Site web : www.non-violence.fr

Commentaire

Le MAN joue un rôle moteur au sein des organisations non-violentes françaises, et un rôle d’initiateur auprès d’un certain nombre d’entre elles qui sont nées sous son impulsion, au fil des besoins et des défis sociaux, politiques ou culturels. Force d’initiative et de propositions, pôle de ressources nombreuses au niveau de la réflexion, de la formation et de l’action locale ou internationale, le MAN reste cependant fragile financièrement, et au-delà, au niveau de sa dynamique : il connaît certaines difficultés de renouvellement. On peut considérer que le MAN constitue une matrice pour une non-violence politique, sociale ou culturelle, privilégiant la diffusion de ses idées et pratiques dans la société sur son renforcement en tant que mouvement.

Conjuguant une dynamique nationale cohérente, basée en particulier sur la promotion de l’ICP, et une grande diversité liée à une autonomie d’initiative locale, le mouvement est également présent sur le terrain de la société civile mondiale, même s’il n’a pas les moyens de participer activement aux forums sociaux mondiaux par exemple. On peut regretter un manque de réactivité du mouvement face à certaines sollicitations liées à l’actualité internationale (guerre en Irak…) ou issues d’autres acteurs de la société civile ; lenteur liée aux modalités concertées de prise de décision en son sein.

Un certain nombre d’orientations du dernier Congrès n’ont pu être mises en pratique faute de ressources humaines suffisantes, et restent encore largement à réaliser :

  • notamment la mise en place régulière de formations internes à l’action non-violente, pour une meilleure transmission des savoir-faire entre « générations » d’adhérents ;

  • l’organisation de rencontres avec les autres mouvements de la société civile engagés dans une dynamique d’altermondialisation, afin d’évaluer leurs besoins en formation à la non-violence ;

  • un travail de capitalisation et d‘analyse des pratiques de pouvoir, à partir des expériences associatives et professionnelles des membres du MAN ;

  • la création de nouveaux outils de promotion militante : autant de chantiers à mettre en œuvre dans les prochaines années !

Notes

Sources :

  • Entretiens avec N’Zinga Verdier du 16 Juin et du 6 Novembre 2003.

  • Numéros du MAN-Infos.

  • Numéros de Perspectives Non-Violentes et de la Lettre du MAN de Haute-Normandie.

  • Livret d’accueil 2003.

  • Mémentos de 1992 et 2003.

  • « Histoire du MAN », par Cyril Hauland Groneberg.

  • Rapport d’activité et rapport financier 2002.

  • Projet de 4 pages de la campagne « Proche-Orient ».