Ficha de exposision y debate Atelier : "Quels défis majeurs pour la transformation des conflits et la construction de la paix dans la Région des Grands Lacs et le Sud de l’Afrique ?"

Johannesburg, Mai 2007

Rwanda après le génocide : comment reconstruire la société par l’élaboration d’une mémoire commune et par l’établissement de la justice et du droit ?

L’exemple du processus des tribunaux de Gacaca, forces et faiblesses.

Exposicion

Depuis 1994, le Rwanda tente de sortir du gouffre oh combien énorme dans lequel le génocide l’a jeté. Cette tragédie qu’a traversée le pays a entraîné des conséquences énormes, à tous niveaux. Face à la grandeur de l’épreuve, les institutions et la justice ordinaire ne pouvaient pas s’en sortir : une multitude de victimes attendait d’être réhabilitée et des milliers de prisonniers parfois sans dossier attendaient que justice soit faite… Une justice plutôt populaire a donc été instaurée en vue de palier aux carences des institutions judiciaires ordinaires et faciliter l’instruction des dossiers.

Cette justice transitionnelle est prise en charge par les « Gacaca ». Le 26 janvier 2001 les discussions ont abouti à la loi portant création, organisation et fonctionnement des « Juridictions Gacaca ». Traditionnellement, la Gacaca s’occupait des petits problèmes, souvent d’ordre familial. En 2001, elle s’est donc vue institutionnalisée comme processus d’une justice réconciliatrice, chargée de s’occuper du jugement des actes criminels dont le poids n’avait jamais été mesuré sur le territoire rwandais : « les actes constitutifs du crime de génocide et des crimes contre l’humanité ».

La vocation principale d’un tel processus était de marier la dimension réconciliatrice et rétributrice au sein de la justice de l’après génocide. En réalisant un travail appelé à :

  • Etablir la vérité des faits du génocide.

  • Faire preuve de rapidité dans les procès afin de désengorger les prisons.

  • Favoriser l’unité et la réconciliation des Rwandais.

  • Prouver la capacité des Rwandais à résoudre leurs problèmes.

  • Trouver le moyen d’éradiquer la culture de l’impunité.

Au mois d’octobre 2001, les premières élections des juges ont débouché sur une liste de plus de 250 000 hommes et femmes pour la prise en charge de :

  • 9 081 juridictions de Cellules (compétentes pour la phase pré-juridictionnelle ou d’instruction).

  • 1 545 juridictions de Secteurs (devant lesquelles a lieu la procédure des plaidoiries).

  • 106 juridictions de Districts.

  • 12 juridictions de Provinces.

Ces élus étaient décidés à œuvrer de façon bénévole pour venir à bout du processus juridique classique.

Il existe 3 catégories de crimes :

  • Les grands criminels : ceux qui appartenaient au groupe des planificateurs du génocide.

  • Les criminels : les criminels mais qui ne faisaient pas partie du groupe des planificateurs.

  • Les infractions contre les biens : vols, destruction de maison, meurtre de vaches….

La 1ère catégorie est jugée au niveau des juridictions ordinaires par des juges professionnels. La 2ème catégorie est jugée au niveau du secteur. La 3ème catégorie est jugée au niveau de la cellule. Les juges de la 2ème et de la 3ème catégorie, ne sont pas des juges professionnels.

Les juridictions Gacaca se saisissent d’office de toutes les affaires liées aux crimes de génocide et autres crimes contre l’humanité définis par la LO n°16/2004 du 19 juin 2004. Au sein du Gacaca, la personne est présumée génocidaire (pas de présomption d’innocence) : c’est au présumé coupable de prouver son innocence au moment du jugement.

Les peines prévues par la LO Gacaca peuvent avoir des fonctions différentes :

  • Punir le délinquant.

  • Intimider les tendances criminelles.

  • Resocialiser le délinquant.

  • Réconcilier la société rwandaise.

  • Eliminer le délinquant.

  • Réhabiliter les innocents aujourd’hui présumés criminels.

TIG = Travaux d’Intérêt Général : peine pour les délits mineurs mais aussi pour les génocidaires. Ex : sur 30 ans de prison, le condamné pourra être amené à faire la moitié en prison et l’autre dans les TIG.

Aujourd’hui au Rwanda, celui qui n’est pas considéré comme rescapé du génocide sait qu’un jour ou l’autre il sera jugé. Condamnation sans réhabilitation. Politiquement il n’y a pas de volonté de trouver de véritables solutions, or ce sont les politiques qui guident ces juridictions.

Lacunes procédurales de la LO Gacaca (de 2004) :

  • La LO de Gacaca met davantage l’accent sur la répression que sur la réparation et la resocialisation. Selon Anastase Barinda : « Mieux vaut appliquer des peines moindres à plusieurs personnes que des peines sévères à un nombre très réduit ». Mais une telle stratégie est-elle réellement efficace ?

  • Problème de légitimité des compétences par rapport au pouvoir qui est conféré aux juges Gacaca. Les Gacaca ont le pouvoir de prononcer des peines de perpétuité. Un tel pouvoir inquiète dès lors que les juges Gacaca ne sont pas formés en droit…

  • Quid de l’échange d’information pour un cas de révision, si la juridiction saisie constate que le procès est encore en cours.

  • Quid du suivi de l’exécution des décisions de justice : le juge Gacaca ne s’occupe pas de l’exécution des peines qu’il prononce.

  • Quid de la procédure applicable quand un délinquant doit comparaître à plusieurs endroits.

  • Quid des enquêtes dans les milieux où il n’y a pas de rescapés qui contredisent les faux témoignages ou même les fausses accusations.

  • Quid des procès groupés et de la comparution des auteurs et de leurs complices.

  • Quid d’une procédure qui n’en finit pas si pour des raisons d’intérêt de la justice n’importe qui peut procéder à un recours en instance.

Notas

Institutionnalisation des « Gacaca » pour palier aux carences de la justice ordinaire. Vocation à marier les dimensions réconciliatrice et rétributrice au sein de la justice de l’après génocide. Problème des lacunes procédurales de la LO Gacaca (2004). Davantage de répression que de réparation. Les liens entre justice et droit : la justice peut ne plus dépendre du droit mais d‘enjeux locaux, voire d’intérêts personnels.