Audrey Morot, Grenoble, France, mars 2006
L’ethnoéducation
Texte source : Forum Ethnoéducatif, Riosucio du 10 au 12 octobre 2005
Aux origines de l’Ethnoéducation
L’ethnoéducation afrocolombienne est née dans le Choco, impulsée par les Conquistadors au XVIe siècle. L’ethnoéducation américaine commence à travers le travail des missionnaires qui afin de se faire comprendre des natifs, ont abordé la traduction des prières, des sacrements et du catéchisme avec l’aide d’interprètes et s’apparente donc plus à une ethnoévangélisation.
Dans les années 80 apparaît un courant pédagogique renovateur, nourri des propositions éducatives centraméricaines (notamment de l’expérience sadiniste au Nicaragua) ainsi que des théories de l’éducation libératrice de Paulo Freire. Ces théoriciens de l’Education Populaire ont travaillé avec de nombreuses communautés de base, de syndicats d’enseignants et d’organisations paysannes, les postulats d’une éducation basée sur les savoirs traditionnels répondant à la culture populaire en assumant ses manifestations, ses goûts et ses aspirations.
Dans le Choco, l’organisation paysanne ACIA a soutenu dans le Medio Atrato des expériences d’éducation populaire et a produit entre 1988 et 1994 un mémento courageux d’alphabétisation pour adultes permettant d’appréhender l’alphabet à partir d’une lecture ethnique et sociale des communnautés atrateñas.
Fruit des luttes portées par les nords américains noirs pour rompre le guetto et la discrimination raciale, les droits civils conquis dans les années 60 se propagent aux groupes et leaders nois d’Amérique Latine et des Caraïbes qui commencent dans les années 70 à lancer des groupes organisés de prise de conscience et de revendication. Dans les années 80, l’Eglise catholique répond avec des propositions de pastoral afroaméricaine apparues aux abords de Buenaventura, San Juan et Esmeraldas en Equateur.
Le flambeau a ensuite été repris par le Choco en 1989 et la première rencontre nationale d’éducation afrocolombienne a été organisée à Quibdo.
Le développement de diverses initiatives dans ce domaine a conduit au Cinquième EPA (Equipes de Pastorale Afrocolombienne) célébré à Quibdo en juin 1991. Cet événement international dont le thème central était l’éducation permit des apports critiques et théoriques courageux concernant la construction du concept d’ethnoéducation, un terme qui fit alors sont apparition.
De nouvelles lois: L’Article Transitoire 55 et la Constitution de 1991
La Constitution de 91 reconnaît pour la première fois la diversité ethnique des colombiens. Elle crée un nouvel espace pour les communautés noires et indigènes du pays, en reconnaissant leurs droits ethniques et territoriaux. Cette loi entraîne de nouvelles relations entre l’Etat, les communautés noires et le reste de la société colombienne en présentant des réels défis à la politique et à l’éducation, ce qui exige de développer des contenus et des méthodologies appropriées à la réalité afro colombienne. Ce succès permet aux communautés de renforcer leur identité culturelle et de participer davantage aux décisions qui guident leur destin.
L’Article Transitoire 55 a constitué une porte d’entrée légale par laquelle les peuples afro colombiens ont commencé à avoir une reconnaissance légale. Un processus d’organisation intense suivi pendant deux ans représente la principale action ethnoéducative des années 90 entre afrocolombiens.
La formation et l’ethnoéducation dans les écoles
La loi 70 de 1993 consacre son chapitre VI aux mécanismes pour la protection de l’identité, la culture et l’éducation des comunautés noires. La Loi Général d’Education de 1994 introduit légalement et pour la première fois le terme d’ “Ethnoéducation” et le définit comme l’éducation propre aux groupes ethniques.
En parrallèle avec les dispositions constitutionnelles, la Loi des Communautés Noires, la Loi Génerale d’Education et son Décret Réglementaire 804 de 1995, le ministère de l’Education Nationale avec l aparticipation des représentants des communautés, ont contruit les grands axes de l’éducation de ce groupe ethnique et ont établi réglementairement la mise en marche de la formation à l’ethnoéducation dans les établissements éducatifs de la nation, en commençant par les territoires des communautés noires. Cependant, cette initiative rencontre de nombreuses difficultés pour se rendre effective.
Les projets de vie des peuples indigènes du Choco
Le Plan de Développement de la OREWA (Association de conseils indigènes Embera, Wounaan, Katio, Chami y Tule du Département du Chocó) correspond à un projet de vie des peuples indigènes et par conséquent un projet éducatif des communautés indigènes
Ce plan tend à maintenir en vie les Jauri, wãtra, chimia qui composent les mondes indigènes, leur territoire et la nature dans son ensemble pour soutenir les processus de socialisation, la langue maternelle, la sécurité alimentaire basée sur le Jaibaná (médecin traditionnel) en rétablissant l’équilibre de l’écosystème, qui garantissent la prévention des maladies, la conservation et l’usage rationnel des forêts, l’existence de lieux sacrés religieux et philosophiques. Le Projet de Vie ou de Développement comprend la productivité des travaux d’OREWA, les événements quotidiens forgés par les mythes et les rites, des valeurs de solidarité, d’unité et de respect, la tranquilité et le bien-être des communautés.
Le Forum Ethnoéducatif en 2005
Le Forum Ethnoéducatif tenu à Riosucio du 10 au 12 octobre 2005 part de deux constats :
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L’éducation dans le département du Choco et en particulier dans le Bas Atrato et au nord du département est confrontée à de grandes difficultés en terme de qualité et de couverture ;
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Cette zone se trouve habitée dans sa totalité par des populations indigènes, afro colombiennes et métisses auxquelles le gouvernement national a concédé des « réserves » (resguardos) et des titres de propriété.
A partir de ces éléments, l’etnoéducation affirme la nécessité de participer à la construction d’un modèle éducatif cohérent avec les formes de construction et de transmission des connaissances qui ont prédominés historiquement entre ces peuples et qui reflètent leurs pratiques et leurs traditions culturelles basées sur des modèles de vie caractérisés par la durabilité et la gestion rationnelle des ressources naturelles.
Cet effort requière donc la participation active de tous les secteurs sociaux, et en particulier ceux qui d’une manière ou une autre réalisent des actions à caractère éducatif et formateur tant dans la zone concernée que dans d’autres régions du pays. Le forum ethnoéducatif symbolise un espace de réflexion, de débat et d’échange d’expériences d’éducation formelle ou informelle qui déterminent en grande partie le présent et éfinnissent le future des communautés afroatrateñas et des peuples indigènes Embera, Waunan, Katío, Chamí y Tule.
L’objectif général du forum visait à favoriser des espaces de réflexion entre les institutions et les organisations sociales qui contribuent au renforcement des processus éducatifs de la zone du bas Atrato et du nord du Choco et à la consolidation des réseaux de travail pour l’élaboration de propositions ethnoédicatives qui soient reconnues et avalisées par les Secrétariats à l’Education au niveau municipal, départemental et national.
Conclusion
Après 11 ans de législation, le développemen de l’ethnoéducation est minime. L’Education colombienne n’a pas été influencée de manière significative par cette philosophie fondamentale pour les cultures nationales. Ni le contexte régional, ni le contexte national ne se sont positionnés suffisamment pour dépasser les expériences isolées. Pour la suite, affronter la diffussion et le renforcement de la proposition ethnoéducative semble être l’un des défis les plus significatifs pour l’éducation dans le Choco.