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, Grenoble, France, October 2005

Vers un Etat : la politique économique comme outil de la redistribution

De la création d’un secteur privé à l’influence de la mondialisation.

Keywords: Economy and Peace. Combining freedom and solidarity. | | | | | | | Economic actors. Those in charge of the economy. | | | | El Salvador | Bosnia | South Africa | Ethiopia | Afghanistan | Cambodia | China

Dans le vaste champ économique, nous choisissons d’étudier plus spécifiquement les thèmes de :

  • La création d’un secteur privé et de son organisation pour voir s’il assure les fonctions de redistribution des richesses (création d’emplois) et d’accès à un certain bien-être.

  • L’influence de la mondialisation, souvent synonyme pour les petits Etats de dépossession des politiques économiques et de problème d’accès aux marchés mondiaux.

Dans les pays étudiés, on se trouve face à des économies difficiles à définir, en pleine transition, où bien souvent le désordre domine du fait de ce processus inachevé. Par ailleurs, des phénomènes de dépendance vis-à-vis de la communauté internationale sont visibles

En Russie, Anna Politkovskaïa fait observer que l’économie russe est un “curieux hybride de libéralisme, de dogmatisme et de tout un bric-à-brac de spécialités locales”.

“La doctrine économique de Poutine, c’est l’idéologie soviétique mise au service du grand capital. Elle laisse au bord de la route des horde de pauvres, de déclassés et favorise dans le même temps la résurgence de notre bonne vieille nomenklatura, cette élite de bureaucrates qui dirigea notre pays du temps de l’URSS”(1).

Le système exigeant la loi et l’ordre, l’élite doit veiller à ce que la population des démunis ne vienne pas entraver son enrichissement. La corruption atteint des sommets inégalés par les régimes précédents. Elle agit comme une nuisance pour les petites et moyennes entreprises et laisse au contraire prospérer les grandes sociétés, les monopoles et les firmes semi-publiques qui sont les premières pourvoyeuses de pots-de-vin. Cette corruption s’explique par la volonté de Poutine de gagner les faveurs des anciens du régime soviétique :

“La nostalgie de ces gens est si forte que l’idéologie qui sous-tend le capitalisme à la sauce Poutine se rapproche chaque jour davantage de l’état d’esprit qui a régné au plus haut de la période de stagnation des années Brejnev, de la fin des années 70 au début des années 80” (2).

Dans le même temps, la société russe a été entièrement restructurée : la classe de l’intelligentsia scientifique et technique a disparu – émigrée ou déclassée dans les métiers au plus bas de l’échelle sociale. Les valeurs hier méprisées, comme le commerce, ont construit les fortunes d’aujourd’hui. Ces mutations ont des conséquences graves sur la solidarité : les individus qui ont servi l’Etat sont abandonnés dès lors qu’ils ne sont plus utiles. Ainsi le récit d’un ancien espion est particulièrement éloquent : après avoir servi les intérêts de la Russie en Asie centrale (en installant au pouvoir les actuels présidents) et en Tchétchénie, la hiérarchie militaire lui refuse une retraite et un appartement de fonction. Dans la plupart des cas, il s’agit de conflit personnel avec un supérieur hiérarchique qui, par vengeance, exerce un pouvoir de nuisance sans borne puisque aucune juridiction ne contrôle l’exercice du pouvoir. De la même manière, sont abandonnés les retraités, les vétérans de guerre, les plus vieux pour qui même les services des urgences ne font plus un geste. Les services publics sont en déshérence : ils ne fonctionnent pas, alors que les usagers versent des cotisations qui d’ailleurs augmentent régulièrement

Pour réussir dans les affaires aujourd’hui en Russie, il faut remplir 3 conditions : mettre la main sur un bien appartenant à l’Etat, et c’est pourquoi les principaux hommes d’affaires du pays appartiennent à la nomenklatura communiste (Jeunesses communistes et PC); ensuite il faut rester proche des autorités en leur versant des subsides, ou bien en se faisant élire; enfin il faut s’assurer la protection des forces de l’ordre en les intéressant aux profits (3).

En Afghanistan, on observe un timide redémarrage de la vie économique, avec notamment un réchauffement du marché intérieur ce qui s’explique par les fonds versés au titre de l’aide extérieure et à la reprise du secteur de la construction dans la capitale, due au retour des expatriés. Malgré la mise en circulation du nouvel afghani, la monnaie pakistanaise est toujours en circulation dans le Sud et l’Est du pays. Dans ce pays, on voit que la question économique empiète sur l’enjeu sécuritaire du fait de l’importance de la culture du pavot. Dans ce domaine, on constate une certaine réussite, dans de nombreuses régions les cultures ont été détruites mais ces actions restent un désastre si elles ne sont pas remplacées par des cultures alternatives. Malgré une reprise économique en 2003 entre 10 et 12% du PIB - sans compter les revenus de la drogue – l’Afghanistan se situe au 173e rang sur les 178 pays figurant dans le classement de l’Indice de Développement Humain du PNUD.

Les conflits à long terme agissent comme les plus sûrs vecteurs de sous-développement chronique et les indicateurs pourraient empirer si les priorités ne sont pas données au développement économique et social. Les nouveaux programmes de développement doivent être centrés sur l’éradication de la pauvreté et le modèle doit être questionné : une économie libérale concentrée sur l’amélioration du secteur privé comme moteur de croissance est-il le plus adapté à une situation d’après conflit ? par ailleurs, il faut prendre en considération les risques que représente un afflux soudain et très important de capitaux qui pourrait encourager la dépendance et la corruption.

L’absence de reprise économique nuit considérablement aux avancées de la transition politique au point de la faire échouer : le mécontentement des populations qui ne voient pas leur sort s’améliorer leur fait perdre toute confiance dans leurs dirigeants (l’Afrique du Sud, et dans une autre mesure la Bosnie-Herzégovine, le Cambodge et l’Afghanistan).

Inversement, l’économie peut venir au secours de la politique dans le cadre de processus d’intégration régionale. La Commission internationale sur les Balkans, présidée par Giuliano Amato, dans son rapport rendu en avril 2005 conclut qu’aucun problème de fond n’a été résolu dans cette région en dépit du calme apparent, gagné au prix d’une forte présence militaire de l’OTAN et d’une aide internationale conséquente. Il préconise, pour sortir du cercle vicieux, l’adhésion à l’Union européenne.

Dans le contexte de l’Asie centrale ex-soviétique, on observe un lien fort entre les réformes économiques et l’ouverture du système politique. En effet, au Kirghizstan et au Kazakhstan, où les réformes économiques ont conduit à une plus grande redistribution des biens étatiques, les élites politiques ont connu un plus grand renouvellement.

Notes

(1)Anna Politkovskaïa, La Russie de Poutine, éditions Buchet/Chastel, Paris, 2004: 106

(2)Ibid: 107

(3)Ibid: 143