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, Paris, enero 2004

Violence et non-violence dans la lutte tibétaine

« Votre ennemi et vous dépendez étroitement l’un de l’autre. Dans une telle situation, détruire son ennemi revient à se détruire soi-même » (S.S. le Dalaï Lama).

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Si aujourd’hui la communauté tibétaine s’est engagée dans une lutte non-violente pour l’affirmation de ses droits, il ne faut cependant pas oublier que le peuple Tibétain n’a pas toujours été pacifique et non violent. Au fil de son histoire, les luttes ont été nombreuses entre le peuple tibétain et ses voisins. Le royaume tibétain a même pendant longtemps été un conquérant redouté par les autres royaumes de la région. Ainsi relèvent-t-on quelques grands conflits de l’histoire tibétaine, et quelques grands moments de résistance, comme celle que la tribu guerrière des Khampas opposa aux troupes chinoises qui entrèrent au Tibet en 1950.

Mais malgré ses caractères parfois combattants, le peuple Tibétain puise dans sa ferveur religieuse sa non-violence. Venu d’Inde au VIIème siècle, le bouddhisme tibétain a été imprégné dès ses origines du principe hindouiste d’ahimsa, de non-violence. Le principe de l’ahimsa n’émane pas d’un milieu d’indiens oppressés, mais plutôt d’un milieu d’ascètes hindouistes ayant poussé au plus profond la réflexion sur la violence, ses origines et les moyens de lutter contre elle.

La notion de karma implique que les actes commis dans une vie verront leurs conséquences apparaître dans la vie suivante. Ainsi un homme qui commet de mauvaises actions dans une vie payera le prix de ses actions dans sa prochaine vie, qui sera alors plus misérable, plus dure. Peut-être même cet homme ne renaîtra-t-il pas sous forme humaine. La notion d’ahimsa, de non-violence, est entièrement liée à ce principe de karma. Il s’agit d’éviter au maximum de commettre des actes violents afin de ne pas en subir plus tard les conséquences. Ainsi, pratiquer l’ahimsa, la non-violence, n’a pas seulement pour objectif le bien-être des autres mais aussi son propre salut individuel. Il est primordial de bien comprendre cette distinction lorsque l’on parle de non-violence dans le bouddhisme.

Dans le bouddhisme, la violence est provoquée par la soif, tanha, le désir qui mène les hommes à chercher leur bonheur dans des objets limités et dont l’existence n’est qu’éphémère. La séparation de l’homme d’avec ces objets provoque chez lui une grande souffrance qui le pousse à commettre des actes violents ou avoir des pensées violentes, dans le simple but de ne pas être séparé de ce pourquoi il éprouve de l’attachement. Ainsi, la non-violence est un travail personnel, qui doit d’abord être effectué dans le cœur des hommes pour ensuite imprimer chacun de leurs actes. Mais si le bouddhisme est une religion offrant un chemin vers la non-violence, il ne condamne cependant pas systématiquement l’usage de la violence lorsque celui-ci est justifié. Ainsi contre un malfaiteur ou un oppresseur, la violence peut être employée.

Depuis 1950, le peuple tibétain est engagé dans une lutte non violente pour le respect de ses droits. Sa Sainteté le Dalaï Lama est le représentant de ce peuple et de cette lutte. Il est également le plus fervent apôtre de la non-violence, en héritier de la lutte de Gandhi en Inde quelques années plus tôt. Dans son autobiographie « My land, my people », il nous raconte pour quelles raisons et dans quelles circonstances il fit le choix de la non-violence comme moyen de lutte pour la pacification du Tibet. Peu de temps après l’invasion du Tibet par la Chine et la signature de l’« Accord en 17 points », une dispute opposa le gouvernement chinois au premier ministre tibétain Lukhangwa. Ne trouvant d’autre moyen de rétablir la situation, le Dalaï lama dû se séparer de son premier ministre : « La crise était arrivée à son maximum, et j’étais face à une décision extrêmement difficile. J’admirais le courage de Lukhangwa, mais je devais choisir entre le laisser continuer son travail ou satisfaire les chinois [qui exigeaient sa démission]. Deux considérations entraient en jeu : la sécurité de Lukhangwa, et le futur de notre pays. Il était évident que Lukhangwa avait déjà mis lui même sa vie en danger [par son opposition aux chinois], et si je refusais de le démettre de ses fonctions, il y avait de grandes chances pour que les chinois se débarrassent eux-mêmes de lui. Ma vision des choses a grandement évolué pendant cette période de tension. Je pensais que si nous continuions à nous opposer aux autorités chinoises et à les mettre en colère, cela ne pourrait que nous enfermer dans le cercle vicieux de la répression et du ressentiment populaire. Et finalement, on en arriverait certainement à des violences physiques. La violence était inutile. Nous ne pouvions pas nous débarrasser des chinois par des moyens violents. Ils gagneraient toujours si nous les combattions, et c’est notre population désarmée et désorganisée qui serait la première victime. Notre seul espoir était de persuader les chinois de tenir pacifiquement les promesses qu’ils avaient faite dans l’Accord en 17 points. Il n’y avait que la non-violence qui pouvait nous ramener un peu de cette liberté que nous avions perdu, mais peut-être après des années de patience. Et cela signifiait la coopération dès que possible, et une résistance passive pour toute chose impossible à accepter. L’opposition violente n’était pas seulement impraticable mais aussi non-éthique, immorale. C’était là non seulement une de mes croyances profonde mais aussi un des enseignements du Bouddha, et en temps que leader spirituel du Tibet je devais m’y soumettre. Nous pouvions être humiliés, et nos possessions les plus chéries sembler être perdues pour un moment, nous devions malgré tout rester humbles. J’étais sûr de cela. J’acceptais donc avec tristesse les recommandations du Cabinet et demandait au premier ministre Lukhangwa de quitter son poste ».

Aujourd’hui la lutte non violente des Tibétains est exemplaire. Cependant, elle ne fait pas toujours l’unanimité au sein de la communauté tibétaine. Si il a toujours soutenu le Dalaï Lama, le Congrès de la jeunesse tibétaine ne voit pas moins une limite à la non-violence. Tseten Norbu, Président du Congrès, explique sa position en ces termes : « La vraie paix, celle à laquelle nous aspirons, exige que nous sachions faire des sacrifices, autrement dit, nous battre si il le faut pour elle. (…) Si la paix, c’est le futur, et si nous gardons comme référence la non-violence, il faut que de vrais succès viennent couronner cette politique. A cette condition seulement, les générations futures à travers le monde pourront voir dans la non-violence une méthode fiable et efficace et reprendre cette stratégie à leur compte pour résoudre d’autres conflits. »

La classe politique tibétaine est aujourd’hui tiraillée entre la continuation de cette politique non violente qui n’a eu jusque là que de faibles résultats, ou l’adoption d’une politique de lutte plus ferme et acceptant la possibilité d’actes violents commis en son nom. La mobilisation du peuple tibétain, celle de la communauté internationale, mais également l’attitude future de Pékin décideront de l’avenir de cette lutte pacifique mais également de l’espoir que peuvent placer des peuples entiers dans les moyens non violents de lutte pour la défense de leurs droits.