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En librairie

Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Bruxelles, janvier 2005

Les femmes dans la guerre, les femmes contre la guerre : une approche politique

Parmi les acteurs de la société civile les plus …actifs dans le domaine de la construction de la paix figurent les femmes et les organisations de femmes.

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Trop souvent présentées comme victimes dans les conflits, les femmes se retrouvent exclues de la table des négociations. Ironie de la politique : ceux qui se retrouvent le plus souvent en situation d’autorité à faire la paix sont ceux-là même qui avaient choisi les voies des armes tandis que celles qui militaient pour la paix n’ont pas leur place et leur expérience est jugée insignifiante.

Double combat à mener, l’un lié à la culture et la structure sociale traditionnelle qui excluent généralement la participation des femmes aux processus de décisions et l’autre lié à la non moins traditionnelle façon de faire de la guerre ou de la paix, une affaire d’homme.

Face aux situations de guerre, les femmes peuvent subir en silence, être contraint de choisir ou choisir un camp, préparer leurs enfants à la guerre, y participer directement, soutenir les combattants… ou bien encore résister activement à la machine de guerre.

Dans ce dernier cas, le conflit est perçu « comme quelque chose qui échappe totalement à leur contrôle, une lutte pour le pouvoir à un niveau qui les dépasse. Lorsque les femmes ne s’identifient pas aux objectifs de la guerre, ou se sentent mises à l’écart des mécanismes de la guerre, son apparente irrationalité et ses conséquences destructrices éclipsent facilement ses avantages potentiels, ce qui entraîne un désir en faveur de sa cessation immédiate et d’un retour à la stabilité ». Les responsabilités dont elles ont la charge, même en guerre, les amènent à réagir et à agir, et cela concerne leur responsabilité familiale, l’héritage culturel, les engagements socio-économiques…

Elles résistent alors par des activités informelles d’édification de la paix, souvent entreprises au plus fort des atrocités. Mais ces activités sont souvent cataloguées comme charitables ou sociales sans caractère politique.

Elles s’organisent comme les Mères de soldats en Russie qui manifestent dans la rue, font pression sur les hauts fonctionnaires et s’appuient sur le droit pour préserver les jeunes de l’armée russe avant qu’ils ne soient embrigadés dans la culture de violence notoire de l’armée, Elles favorisent la réconciliation entre les peuples comme en Inde et au Pakistan, elles luttent contre l’impunité en Argentine, pour la fin de la guerre en Colombie, pour les échanges de prisonniers en Somalie, pour la reconstruction de leur pays au Soudan, pour aider les victimes à faire valoir leur droit…

Actions concrètes et discrètes, à peine relayées par les médias locaux, elles reflètent le caractère global de l’approche des mouvements de femmes, approche qui refuse la haine, qui dépasse les frontières et cherche à combattre les conséquences des conflits mais aussi ses causes, ses racines.

Cette approche globale se traduit par exemple par la prise de conscience des « liens étroits entre la socialisation des enfants et les réactions des peuples aux conflits naissants. » Ainsi des femmes somaliennes de Mogadishu organisent des cours d’éducation pacifiste destinés aux femmes. Dans ce programme, les femmes sont tout d’abord sensibilisées aux valeurs et aux normes culturelles qu’elles transmettent à leurs enfants dans leurs interactions quotidiennes, et à la manière dont celles-ci peuvent contribuer à un comportement discriminatoire et violent. Elles étudient ensuite des formes de socialisation différentes qui mettent l’accent sur l’équité et la justice sociale et sur les moyens non violents de régler les tensions et les conflits. Aux philippines, la Coalition pour la paix ont tenté d’utiliser la santé comme incitation à la paix lorsqu’elle a demandé aux parties en guerre de déposer les armes durant une campagne d’immunisation des enfants de la région.

Le fait que les femmes reconnaissent le lien entre les domaines domestiques et publics, ou entre « le front domestique » et « le front de guerre » peut intensifier leur stress mais il peut aussi être employé d’une manière active et puissante par les femmes dans le cadre de leurs efforts pour amener la paix. En effet, l’importance des activités menées par les groupes de femmes va bien au-delà du soulagement des blessures personnelles ; elles peuvent contribuer à restaurer la confiance à l’égard des autorités et à recréer un sens de communauté, de solidarité et de dialogue pour contrecarrer les stéréotypes dominant. C’est un travail éminemment politique qu’il est temps de reconnaître.

Notes

Sources :

  • « Les femmes et la reconstruction après un conflit, enjeux et origines » par Birgitte Sørensen

  • Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social (IRNUDS) et Programme des études stratégiques et de sécurité internationale (PESSI)

  • « Femmes contre la guerre », Marlène Tuininga chez Desclée de Brouwer