Fiche d’analyse Dossier : La formation des volontaires de paix

Cluj, Roumanie, 2007

Travail de paix, intervention non-violente et formation des volontaires de paix : définition du champ d’étude

Le travail de paix consiste en l’activité consciente (et stratégique) dont l’objectif est la réduction ou la suppression de la violence qu’elle soit directe, structurelle ou culturelle. Il s’agit en outre de promouvoir la paix positive là où s’exerce cette violence et entre les acteurs du conflit et ce à tous les niveaux de la société (cf. Galtung, 1996 ; Galtung, Jacobsen et Brand-Jacobsen, 2002).

Mots clefs : Théorie de la non-violence | Education à la non-violence | Former des volontaires de paix | Intervention civile de paix

I. Travail de paix

Il est primordial de comprendre que la paix positive ne doit pas être qu’un but en soi mais un processus continu qui ne peut ignorer les causes profondes des conflits et les besoins primaires de tous les acteurs sociaux.

Les six objectifs du travail de paix (1) :

  • 1. Transformer les conflits de manière pacifique ;

  • 2. Prévenir et mettre fin à la violence ;

  • 3. Aborder les racines du conflit ;

  • 4. Créer et promouvoir les infrastructures consacrées au travail de paix ;

  • 5. Renforcer les capacités de la transformation des conflits ;

  • 6. Guérison, rétablissement et réconciliation post-violences.

De nombreuses professions sont liées à la paix positive sans qu’elle fasse partie de leurs objets principaux. C’est de manière implicite que les médiateurs, les activistes spécialisés dans les droits humains, les organisateurs locaux et d’autres encore jouent un rôle important dans la réalisation de la paix positive puisque celle-ci nécessite de multiples approches. Cette tendance à diffuser le débat autour de la paix et de la transformation des conflits est très encourageante pour l’avenir du travail de paix.

II. Intervention non-violente

Les conflits n’échappent pas à la mondialisation. La population mondiale est plus connectée et dépendante qu’elle ne l’a jamais été, avec tout ce que cela comporte de constructif et de négatif. Avec le nombre de marchés existants et la diversité des cultures et des diasporas, aucune zone de conflit, pour isolée qu’elle soit, ne l’est totalement de l’influence internationale et d’une éventuelle intervention extérieure.

Les intervenants de paix extérieurs impliqués dans des régions en conflit risquent de perpétuer, sans le vouloir, des schémas de contrôle et de pénétration culturelle lorsqu’ils demandent aux acteurs internes de se conformer à leur propre vision de ce qui est « juste ». Trop souvent, l’intervention extérieure s’accompagne de la mise en place de solutions non souhaitées par les acteurs des conflits. Le manque de sensibilité culturelle, l’existence de lignes de conduite politiques propres aux intervenants extérieurs et d’états d’esprit et de comportements irréfléchis risquent d’aggraver les cycles de violence au lieu de les transformer (cf. Bendaña, 2003).

Le mot « intervention » lui-même est connoté de manière négative pour ceux qui y ont déjà subi son caractère violent. Voilà pourquoi il est nécessaire de définir ce que l’on entend ici par intervention. Il s’agit de l’action d’agents extérieurs qui s’impliquent de manière non-violente et collaborent avec les acteurs locaux de manière à offrir à ces derniers de plus grandes capacités de transformation constructive des racines des conflits dont ils sont les victimes. L’objectif est de rétablir la paix durablement dans le respect de la dignité et de la légitimité de tous les acteurs. Pour qu’une intervention ne soit pas perçue comme violente, les organisations de construction de la paix ne doivent intervenir dans un conflit que si des organisations locales en expriment le désir et ne pas rester sur le terrain si leur présence n’est plus souhaitée.

L’intervention présente de multiples facettes. L’accent est mis ici sur l’intervention non-violente d’un tiers (TPNI) ou l’intervention d’acteurs extérieurs aux conflits qui s’efforcent de rester neutres et qui tentent d’avoir une influence positive sur les conflits.

Leur rôle est :

  • D’accompagner et soutenir les acteurs locaux ;

  • De surveiller les évènements dans les zones de conflits, tels que les violations des droits humains, et les rapporter à la communauté internationale ;

  • De Dialoguer avec les acteurs aux conflits afin de créer les conditions favorables à la réalisation de leurs objectifs de paix ;

  • De Garantir les lois et valeurs internationalement reconnues qui protègent les droits essentiels des acteurs en conflit ;

  • De Favoriser l’enclenchement des processus de paix ou soutenir les dynamiques et résultats des processus déjà en cours (2).

Dans les domaines de l’intervention civile dans la gestion des crises, de la prévention de la violence, de la construction de la paix et de la transformation des conflits, l’importance de la formation visant à accroître les compétences professionnelles des intervenants n’est plus vraiment contestée. S’il est certain que la formation n’est pas garante du succès d’une intervention, la préparation des intervenants extérieurs à la construction de la paix et à la transformation de conflits peut-être très utile au travail sur les conflits et à l’action directe sur le terrain.

III. la formation à la paix

La formation à la paix repose donc sur une riche tradition fondée sur l’éducation pour la paix et l’expérience des experts qui travaillent, depuis des décennies, à réduire la violence et à promouvoir la paix positive aux niveaux local et international. La formation à la paix a aujourd’hui tout à apprendre des leçons du passé. Au moment où les possibilités d’interventions civiles à plus grande échelle sont de plus en plus importantes, il est nécessaire de développer des formations globales et de veiller à ce que les différents acteurs du domaine s’accordent sur les normes auxquelles ces formations doivent répondre.

Il existe cinq propositions qui permettent de mieux expliquer la formation à la paix et de mettre en évidence certains des éléments clef du secteur.

  • La formation à la paix est respectée en tant que moyen pertinent pour préparer efficacement les individus à avoir une influence positive sur le conflit.

  • L’objectif de la formation à la paix est de préparer les individus à avoir une influence positive sur le conflit.

  • La formation à la paix met en œuvre différentes méthodes d’apprentissage afin de préparer avec plus d’efficacité les individus à avoir une influence positive sur le conflit.

  • La formation à la paix met l’accent sur les compétences relationnelles (qualités personnelles), car c’est un élément essentiel pour les individus qui souhaitent avoir une influence positive sur le conflit.

  • La formation à la paix doit être évaluée en continu, mise à jour et adaptée afin d’avoir une influence positive sur le conflit.

La réflexion sur la manière de répondre aux besoins des participants de façon à promouvoir leur capacité à avoir une influence positive sur le conflit et à répondre aux exigences du terrain est au cœur de la formation à la paix. La formation à la paix reste un domaine nouveau et il y a encore de nombreuses améliorations qui peuvent être apportées aux méthodes employées.

Dans l’ensemble, la plupart des institutions recommandent des moyens similaires dans le processus de formation à la paix. Ces moyens sont :

  • L’établissement de théories généralement admises ;

  • La participation à des « mises en pratique virtuelles » sous la forme d’exercices (jeux de rôle et simulations reproduisant des situations que les participants peuvent être amenés à rencontrer) ;

  • L’évaluation de l’impact des actions mises en œuvre.

Paradoxalement, les différentes expériences des organisations travaillant dans le domaine de la formation à la paix clarifient et compliquent à la fois l’identification du savoir et des compétences personnelles et professionnelles qui sont nécessaires au travail de paix.

Les principales organisations et ouvrages présentent les mêmes exigences pour la réussite des interventions non-violentes :

  • Savoir dresser la carte d’un conflit et l’analyser ;

  • Connaître le contexte culturel et sociopolitique des conflits ;

  • Etre capable de déterminer les causes profondes d’un conflit ;

  • Adhérer au principe de non-violence ;

  • Savoir gérer le stress afin de pouvoir réaliser un travail sur le long terme ;

  • Savoir travailler en équipe ;

  • Savoir collecter des fonds, etc.

Cependant, les domaines de la construction de la paix et de la transformation des conflits variant considérablement selon les contextes, il est très difficile d’établir une liste universelle et définitive des compétences nécessaires à tout travail de paix. Il est bien plus facile de déterminer quelles sont les aptitudes indispensables à chaque type de mission, car les intervenants doivent répondre à certaines caractéristiques en fonction de la mission à laquelle ils sont destinés.

Ainsi, la plupart des organisations insistent sur le fait que les intervenants doivent étudier attentivement la dynamique des conflits au sein desquels ils travaillent, l’intérêt et les capacités opérationnelles de leurs propres projets et les liens entre les deux. Cela nécessite d’apprendre à acquérir une connaissance profonde de soi et de l’organisation pour laquelle on travaille et à développer des techniques d’observation afin de s’assurer que les interventions correspondent aux besoins du terrain. Les méthodologies et pédagogies de formation à la paix doivent rester fidèles aux objectifs de la formation en elle-même de façon à garantir une préparation aiguë des intervenants de paix aux nombreuses exigences du terrain.

Notes

  • Tiré de l’ouvrage : « Formation à la paix, Formation des adultes au travail de paix et à l’intervention civile de paix lors de conflits » ; Auteurs :Robert Rivers, Giovanni Scotto, Jan Mihalik et Frode Restad. Ouvrage réalisé dans le cadre du projet ARCA. Le projet ARCA (Associations and Resources for Conflict Management Skills) a été mis en place afin de contribuer directement à l’amélioration de la qualité, contenu et méthodologies des formations à la paix et à la transformation de conflits. Le projet, financé par la Commission Européenne, Socrates/Grundtvig1, comptait avec la participation 13 organisations originaires de 11 pays européens, dont le MAN (Mouvement pour une Aternative Non-violente), France.

  • (1) : Kai Frithjof Brand Jacobsen a développé ces six objectifs du travail de paix lors de la formation PATRIR sur la construction de la paix en mai 2006.

  • (2) : Ces éléments sont définis dans un papier du FEWER, d’International Alert et de Saferworld (2004).