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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Etats-Unis, 2005

Vers un nouvel axe dans les relations internationales du début du 21ème siècle ? L’intensification des relations économiques et politiques entre l’Amérique Latine et la Chine 1980-2005

L’intensification des relations entre l’Amérique Latine et la Chine, cherchée et voulue des deux côtés, exprime-t-elle la création d’un nouvel axe dans les relations internationales ? Et par là même, un bouleversement des enjeux de la sécurité et de la paix internationale ?

Mots clefs : Coopération Nord-Sud | Le libre échange peut-il aider à la paix ? | Partenariats économiques pour la paix | Etats-Unis | Amérique Latine | Chine

Introduction

L’Amérique Latine et la Chine, deux joueurs majeurs dans le jeu de la mondialisation du début du 21ème siècle, sont en train d’intensifier leur relations au niveau économique et politique depuis les années 1980. Dans cet article, je vais analyser la coopération économique et politique avec des exemples précis, afin de donner une image détaillée et élaborée de cette relation. Nous examinerons les échanges économiques entre l’Amérique Latine et la Chine et leurs besoins, les enjeux actuels dans la politique étrangère de ces deux parties, et la question de Taiwan. Au cours de ces dix dernières années, la valeur économique et commerciale des échanges entre la Chine et de l’Amérique latine a été multipliée par six, ce qui montre non seulement la portée de la coopération économique et commerciale, mais aussi les perspectives et les potentialités en chantier.

La croissance économique de la Chine, 9 % en moyenne annuelle depuis plus de 20 ans, est la plus forte au monde. En 2004, le PIB de la Chine est 1.65 trillions USD, le sixième du monde, des échanges totaux - importation et exportation - de 1.15 milliards USD, qui est le troisième du monde. La Chine est aussi une destination majeure d’investissement direct étranger. Le pays a capitalisé sur plus de vingt ans des réformes pour se hisser en un temps record au rang de puissance commerciale aussi importante que le Japon. En même temps la Chine est face à un problème de redistribution de son PIB, dont le taux par personne est très faible pour sa population de 1.3 milliards : 1.290 USD, ce qui est plus bas que plusieurs pays de l’Amérique Latine. Des entreprises chinoises multiplient leurs investissements en Amérique Latine depuis l’entrée de la Chine à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) en 2001. En Amérique du Nord seulement, elle a ravi au Mexique sa position de deuxième fournisseur de l’économie américaine et pourrait même, si la tendance se maintenait, surpasser le Canada au cours des prochaines années.

L’Amérique Latine, quant à elle, se développe avec une croissance positive ces dernières années. Grâce à son territoire très vaste, à son sol fertile et à ses ressources naturelles tellement riches. Le taux de croissance en 2004 était 5.5 %, le plus élevé depuis 20 ans. L’Amérique Latine a aussi a des problèmes comme une basse d’économie fragile, une dépendance aux exportations de matière première, une très mauvaise distribution de la richesse, etc.

Cette intensification des relations entre l’Amérique Latine et la Chine, cherchée et voulue des deux côtés, exprime-t-elle la création d’un nouvel axe dans les relations internationales ? Et par là même, un bouleversement des enjeux de la sécurité et de la paix internationale ?

I. La coopération économique

Pendant les dernières années, le commerce entre la Chine et l’Amérique Latine s’est développé avec une croissance de 38 % par an. En 2004, le commerce total était d’un montant de 40 milliards de dollars, l’importation de la Chine était de 22 milliards de dollars et l’exportation de 18 milliards de dollars. La Chine est devenue le troisième partenaire de coopération commerciale de l’Amérique latine. Les échanges économiques et commerciaux continuent à se diversifier et à s’intensifier et les investissements dans les deux sens se multiplient.

Si jusqu’à une époque récente, les investissements directs à l’étranger (IDE) sont toujours majoritairement orientés du Nord vers le Sud, les sources d’investissement tendent à se diversifier avec l’émergence de flux de type Sud-Sud. La Chine émerge comme pays d’origine de flux d’IDE Sud-Sud. Si les pays développés, comme les Etats-Unis et l’Australie, ont été les premières destinations des flux d’IDE originaires de Chine, les pays en développement d’Asie et d’Amérique Latine ont pris le relais dans la seconde moitié des années 1990. L’aspect le plus inattendu est que, en 2004, l’Amérique latine soit devenue la première destination des émissions chinoises d’IDE en recevant près de la moitié de ces dernières.

La raison principale de cette croissance d’échanges économiques et commerciaux est que les autorités politiques chinoises s’inquiètent de plus en plus de la dépendance du pays aux importations de matières premières. Elles sont également conscientes que le succès du nouveau centre manufacturier mondial qu’elles administrent ira de pair avec une hausse tendancielle des prix. Afin de sécuriser les approvisionnements futurs tout en tirant bénéfice de la hausse des prix, la meilleure stratégie consiste à investir directement là où se trouvent les matières premières. Ce n’est donc pas la totalité des surplus de la balance des paiements chinoise qui prend le chemin du financement du déficit budgétaire américain. Une part importante est destinée à l’investissement direct dans d’autres pays, soit dans le secteur des ressources naturelles ou dans les infrastructures de transport et de communication, notamment des pays qui sont ses principaux fournisseurs de matières premières.

Pour ce faire, le gouvernement chinois utilise deux leviers principaux : l’investissement de ses sociétés publiques (notamment celui du géant sidérurgique mondial Baosteel) et celui de sa grande société d’investissement, la China International Trust and Investment Corporation, mieux connue sous l’acronyme de CITIC. En décembre 2004, le président de Venezuela Hugo Chavez a effectué une visite à Pékin, où il a signé des contrats qui vont faire monter les investissements chinois dans le secteur de pétrole au Venezuela et augmenter des échanges commerciaux. Pour sa part, lors d’une visite d’État effectuée du 11 au 23 novembre 2004 dans quatre pays d’Amérique latine (Brésil, Argentine, Chili et Cuba), le Président chinois Hu Jingtao a conclu des accords permettant de débloquer des investissements de plus de 30 milliards de dollars en Argentine et au Brésil au cours des prochaines années.

Au Brésil, le Président Lula flirte publiquement avec l’idée d’une « alliance stratégique » sino-brésilienne. En Argentine, les autorités politiques espéraient jusqu’à tout récemment s’affranchir de l’examen périodique de ses politiques par les fonctionnaires du Fonds monétaire international (FMI) grâce à un prêt de Pékin qui lui permettrait de rembourser d’un seul coup tout ce que le pays doit à l’institution financière internationale. Quant au Chili, champion latino-américain du libre échange, les pourparlers visant à libéraliser le commerce avec la Chine sont déjà en cours : actuellement, la Chine est déjà pour le Chili un partenaire au moins aussi important que les Etats-Unis.

L’objectif principal de la visite de Hu Jintao au Brésil, en Argentine, au Chili et à Cuba était de diversifier et consolider les sources d’approvisionnement de l’économie chinoise, dont l’expansion accroît la dépendance par rapport aux matières premières et aux produits énergétiques, industriels et agricoles venus de l’extérieur.

Le Brésil, l’Argentine et le Chili viennent en outre de reconnaître à la Chine le statut d’économie de marché. Pékin recherche une telle reconnaissance auprès de ses principaux partenaires commerciaux pour mieux résister à d’éventuelles procédures anti-dumping de l’OMC. Au Brésil, la Chine veut s’approvisionner notamment en soja et en acier. En Argentine, en soja, viande, laine, fer et acier. Au Chili, en cuivre. A Cuba, en nickel. Dans ces pays et dans d’autres, tels le Venezuela et la Colombie, un financement chinois contribuera à la recherche de sources additionnelles de minerais et d’énergie et au développement d’infrastructures -routes, voies ferrées, ports, gazoducs, oléoducs- visant en dernier objectif à faciliter l’approvisionnement de la Chine. Pendant sa tournée, le président Hu Jintao a signé au Brésil des contrats d’investissement dans l’extraction du fer, dans la fabrication d’aluminium et dans le transport ferroviaire. La coopération spatiale a aussi été développée, le Brésil étant le pays d’Amérique latine le plus avancé dans la technologie de satellites et de lanceurs.

Scénario semblable en Argentine. Le président chinois s’y est engagé financièrement dans les transports, les mines, l’agroalimentaire, les hydrocarbures et la technologie spatiale non militaire

Au Chili, le président Ricardo Lagos et son homologue chinois ont fait une annonce spectaculaire : le lancement de la négociation d’un accord bilatéral de libre-échange. S’il était conclu en 2005, il s’agirait du premier accord de ce type souscrit par la Chine depuis son adhésion, en 2001, à l’Organisation mondiale du commerce (OMC)

Quant à son étape cubaine, Hu Jintao l’a mise à profit pour signer seize accords de coopération. Le principal prévoit la construction d’une usine d’extraction et de production de nickel. Cuba possède les plus importantes réserves mondiales de ce métal.

Il faut noter, cependant, que l’engagement économique de la Chine a une différence fondamentale par rapport à celles des Etats-Unis et de l’Europe. L’exportation de la part de la Chine provoque une compétition rigide pour certains pays de l’Amérique Latine. L’observation par Napoléon au 19ème siècle que « le géant endormi va faire trembler le monde », devient une réalité, parfois cruelle pour certains.

Le Mexique, malgré sa participation dans l’ALENA, a perdu 300,000 postes à la ligne d’assemblé des usines en 2003 et 2004. En Chine, on fabrique les mêmes produits pour 35 % moins cher. Le Chili et le Brésil sont maintenant plus prudents quant à l’ouverture de marché domestique à la Chine parce que la menace est évidente et la compétition est fatale pour des industries locales : textiles, chaussures, jouets, etc. Le Conseil de commerce international de Brésil a demandé en octobre 2005 des contrôles sur l’importation chinoise pour que l’économie domestique du Brésil ne soit victime d’un « choc chinois ».

Entre 1993 et 2003, les exportations de la Chine et de Hong Kong vers le Mexique sont passées de 1,12 % des importations mexicaines totales à 5,8 %. Depuis 2003, la Chine est devenue le plus important partenaire commercial du Mexique après les Etats-Unis. En effet, le déficit commercial du Mexique avec la Chine a atteint 9 milliards de dollars en 2003. Au cours du deuxième trimestre 2004, les exportations chinoises vers le Mexique ont augmenté de 67 %, tandis que les exportations du Mexique vers la Chine ont chuté de 1,3 %.

Ces changements ont eu également un impact majeur sur les échanges entre le Mexique et les Etats-Unis. Bien que les exportations latino-américaines et chinoises vers les Etats-Unis aient toutes deux connu une croissance phénoménale depuis 1990, la Chine a devancé le Mexique en 2003 en devenant le deuxième exportateur vers les Etats-Unis en termes de valeur après le Canada.

La concurrence entre le Mexique et la Chine sur le marché américain s’est intensifiée, particulièrement dans le domaine de la fabrication légère (essentiellement le textile et l’électronique). En Amérique Centrale et au Mexique, la production textile est un facteur essentiel qui génère 400 000 et 600 000 emplois, respectivement, et constitue le cœur des maquiladoras (zones de libre-échange) d’Amérique Centrale qui représentent plus de 70 % des exportations régionales vers les Etats-Unis. La perte de ce secteur de l’économie au profit des Chinois hyper-compétitifs sera un coup dur, les exportations de textiles constituant souvent une marche dans l’échelle du développement local.

Quant aux autres produits, y compris les ordinateurs, les produits fabriqués en Chine commencent à remplacer massivement la production mexicaine. Les soi-disant sociétés « du sud de la Silicon Valley » du Mexique, implantées à Guadalajara, ont, selon leurs propres estimations, déjà perdu plus de 500 millions de dollars de projets et environ 20 000 emplois au profit de l’Asie, particulièrement la Chine, et cette tendance se poursuivra sur le court terme.

Si l’Amérique Latine ne parvient pas à négocier avec son nouveau concurrent, les pays de la région perdront des emplois et les occasions de continuer à se développer comme ils le font maintenant. Mais les gouvernements et les hommes d’affaires d’Amérique Latine savent aussi qu’ils ont un autre intérêt pour se rapprocher de la Chine : ils ont des leçons à apprendre auprès des chinois, concernant notamment l’intelligence économique ainsi que la pensée stratégique.

II. La relation politique

La Chine est pays membre permanent de « Conseil de Sécurité des Nations Unies », un membre de OMC, actif dans la Banque Mondiale et FMI. La vitesse de son développement a attiré l’attention du monde et son influence sur la politique et l’économie mondiale commence à être perçue comme évidente. Le gouvernement chinois a toujours attaché de l’importance à sa relation avec l’Amérique Latine. Cheng Siwei, président de China-Latin America friendship Association, indique en décembre 2005 que la coopération politique entre la Chine et l’Amérique Latine est fondée sur 3 éléments :

« First, both belong to the developing world and have identical or similar views on many issues. Second, both have a history of striving for national independence. I have seen in many Latin America and the Caribbean countries monuments to their heroes fallen in the fight for independence. Third, both China and Latin America and the Caribbean countries share the aspiration for maintaining world peace and promoting common development. » (Organization of American States)

Selon Cheng, la Chine a des relations diplomatiques avec 95 % de l’Amérique Latine au niveau de surface et de population. En particulier, la Chine a établi des associations stratégiques avec le Brésil, le Mexique, et l’Argentine, aussi des associations de développement stratégique commun avec le Venezuela.

Si on regarde ces deux parties dans une approche géostratégique, on peut dire que les rapprochements semblent évidents. La Chine et l’Amérique Latine ont toutes les deux le besoin de diversifier leurs relations internationales et de diminuer leurs dépendances des Etats-Unis. Leurs besoins de la matière première, de marché, d’investissement, et des allies diplomatiques sont critique pour leurs propres développements économiques. Comme la plupart du tiers-monde, les deux ont peur de l’hégémonie et du protectionnisme dans la politique étrangère des Etats-Unis et de l’Europe. A partir de la fin de Guerre Froide, l’Amérique Latine a cherché de nouveaux partenaires, comme la Chine. La relation entre les deux est certainement renforcée par la mondialisation du marché et des investissements.

L’expansion des relations mutuelles a des raisons domestiques et internationales. Dans les années 90s, la Chine et l’Amérique Latine avaient des intérêts semblables importants : la Chine a soutenu l’intégration à APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation Organization) du Chili, du Mexique et du Pérou, alors que l’Amérique Latine a soutenu vigoureusement l’entrée de la Chine à l’OMC.

En novembre 2004, le président chinois Hu Jintao a effectué une visite d’Etat dans quatre pays d’Amérique Latine et a signé une série d’accords de coopération avec Cuba, le Brésil, l’Argentine et le Chili dans le domaine économique, commercial, touristique, des investissements, de l’aviation, de la navigation spatiale et de l’éducation. Les chefs d’Etat et les dirigeants du Brésil, d’Argentine, du Vénézuéla, de Colombie, de Cuba et du Pérou ont également effectué des visites en Chine pour promouvoir la coopération et les relations entre les deux parties.

Entre 1990 et 2004, les relations politiques entre la Chine et l’Amérique latine ont été renforcées. Jingle Shixue, directeur de l’institut de Recherches de l’Amérique latine relevant de l’Académie des Sciences de Chine a indiqué qu’ « à l’heure actuelle, les relations entre la Chine et l’Amérique latine se trouvent dans leur meilleure phase depuis le début des échanges bilatéraux. » Le Congrès National de Peuple de la Chine a maintenu des contacts proches avec beaucoup de parlements de l’Amérique Latine. La Chine est maintenant un observateur de OAS et PARLATIMO, elle participe à la communauté Andine, au CARICOM et au MERCOSUR.

Avec l’Américain George W. Bush, le Russe Vladimir Poutine, le Japonais Junichiro Koizumi, le Mexicain Vicente Fox et autres chefs d’Etat ou de gouvernement de l’APEC, le président chinois Hu Jintao s’est penché à Santiago sur les dossiers du libre-échange, de la lutte contre le terrorisme et des menaces nucléaires que représenteraient à terme, selon George W. Bush, l’Iran et la Corée du Nord.

Dans le domaine de la politique internationale, il y a pour la Chine un objectif très important : l’isolation de Taiwan. Depuis la guerre civile de 1949, lorsque Taiwan a été séparé de Chine, cette dernière le trait comme un ‘renegade province’ qui va être réunifié avec le reste du pays. Dans les années 1950s, beaucoup de pays d’Amérique Latine avaient des relations diplomatiques avec Taiwan. Une des motivations premières de la politique de la Chine est d’empêcher Taiwan d’avoir une présence diplomatique dans la région.

Aujourd’hui, 7 des 25 pays qui reconnaissent l’Etat diplomatique de Taiwan sont des pays d’Amérique Latine, dont les 6 pays de l’Amérique Centrale : Guatemala, Costa Rica, El Salvador, Honduras, Nicaragua, Panama, et Paraguay. Taiwan met en œuvre une politique de coopération assez développée avec ces pays, en échange de cette reconnaissance : des investissements, des assistances pour les catastrophes, du soutien financiers aux gouvernements, de développement économique. Certains pays d’Amérique Latine jouent le jeu stratégique entre Taiwan et la Chine, recevant des investissements de la part des deux.

En Amérique Centrale, où il y a moins d’engagement de la Chine, Taiwan a très bien effectué sa « diplomatie de dollar » parce que là, on ne se pose pas en premier la question de « deux Chines », on cherche d’abord des avantages économiques. Tous les pays de l’Amérique Centrale ont des relations diplomatiques avec Taiwan. Chen Shuibian, le président de Taiwan, avait fait un tour de 12 jours en Amérique Centrale en Septembre 2005. Dans ces conditions, la Chine est en train de renforcer ses relations avec ces pays et cherche d’autres politiques pour contrer cette présence/influence de Taiwan. Par exemple, en 2004 la Chine a donné à la République Dominicaine une aide deux fois plus importante que celle que la République Dominicaine avait demandé à Taiwan. La République Dominicaine a abandonné sa reconnaissance de Taiwan. Les investissements de la Chine en Amérique Centrale se poursuivent, se diversifient et s’intensifient, surtout depuis 2002, dans une démarche autant économique et commerciale que politique : si l’approche des pays ce l’Amérique Centrale est d’abord économique, l’approche chinoise est aussi géopolitique.

Conclusion

La montée de la Chine en tant que puissance économique et commerciale à l’échelle mondiale n’a pas fini de surprendre et de faire sentir des implications globales. Parmi les retombées de cette montée figure le relèvement de l’importance géostratégique de l’Amérique Latine, région qui, à l’exception de Cuba, n’avait pas fait partie des grands courants d’investissement internationaux chinois. Pour la Chine, l’Amérique Latine présente deux atouts importants : ses matières premières et son agriculture, qui sont en mesure de lui fournir, par exemple, les tonnes de soya qu’elle ne peut plus produire seule.

Il est révélateur que ce resserrement significatif des liens économiques mais aussi politiques entre la Chine et les pays latino-américains survienne au moment même où l’idée d’une zone de libre-échange des Amériques piétine. Occupés sur d’autres fronts que l’Amérique Latine, les États-Unis se sont grandement désintéressés de l’Amérique latine au cours des dernières années.

Afin de s’assurer des approvisionnements continus et sûrs tout en tirant bénéfice de la hausse tendancielle des prix, la Chine est prête à y investir quelques dizaines de milliards de dollars au cours des prochaines années, tout particulièrement en Argentine et au Brésil. Après s’être profilée comme l’un des principaux partenaires commerciaux des pays de la région, voici que la Chine s’apprête à y devenir aussi l’un des plus grands investisseurs, concurrençant sur les deux plans la place occupée traditionnellement par les Européens et les Américains.

Notes

  • Auteur de la fiche : Zhe Zhang, jeune chercheur spécialiste des relations Chine-Amérique Latine. Middlebury College, Etats-Unis, 2005.