Fiche de défi Dossier : La formation des volontaires de paix

Cluj, Roumanie, 2007

Défi d’efficacité dans la formation à la paix: effet et évaluation de la formation

Tous les défis (politiques, éthiques, culturels, didactiques) se fondent dans cet ensemble final de défis clefs concernant le lien entre la formation et la pratique – un lien qui, en fin de compte, illustre l’efficacité de la formation pour transformer de manière positive les conflits.

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L’estimation de l’efficacité des formations mène à un domaine très complexe d’évaluation. Il inclut la compréhension de la « théorie du changement » d’une action particulière et l’importance de la contribution de l’action à la réalisation des objectifs fixés. Ces dernières années, tout le secteur de la construction de la paix a réalisé des efforts dans le but d’améliorer les pratiques d’évaluation de projets et de programmes (cf. Church et Rogers, 2006).

L’évaluation est le pont reliant la pratique de la paix, les besoins du terrain et la formation. L’évaluation permet d’estimer le degré d’efficacité et l’incidence des interventions sur le conflit et d’analyser à la fois les conséquences qui étaient recherchées et celles qui ne l’étaient pas. On pratique aussi bien des évaluations internes, c’est-à-dire effectuées par les organisations intervenantes et les équipes elles-mêmes, que des évaluations externes, c’est-à-dire menées par des évaluateurs indépendants ou des équipes d’évaluation (Schmelzle, 2006, p. 8). Aujourd’hui, les éléments d’évaluation sont généralement considérés comme une partie intégrante du cycle du projet de formation.

Deux niveaux d’incidence de la formation sont à distinguer :

  • 1/ L’impact direct sur les participants ;

  • 2/ L’impact indirect sur le conflit dans lequel les participants interviennent après leur formation.

Comme nous l’avons mentionné dans le chapitre deux, la conséquence immédiate perçue et rapportée par les participants est généralement évaluée pendant ou à la fin de la formation. C’est, pour les participants, une occasion importante d’apporter un retour d’informations quant à l’influence perçue de la formation sur leurs connaissances, leurs qualités humaines et leurs compétences professionnelles.}} Cependant, le défi inhérent à de telles évaluations est qu’elles ont tendance à être orientées par les sentiments primaires du participant plus que par de véritables changements et peuvent ainsi ne pas fournir les meilleures indications.

Des indicateurs d’une formation efficace ?

Tim Wallis, projet Peaceworkers :

« Je ne pense pas que des formateurs puissent « garantir » quoi que ce soit. Le mieux qu’ils puissent faire, c’est bien préparer les personnes et espérer qu’elles utiliseront ce qu’elles ont appris une fois sur le terrain. Naturellement, nous devrions dans l’idéal contrôler l’efficacité de la formation en fournissant des moyens de mesurer les retombées du travail d’une personne sur un conflit et vérifier si ces retombées ont été ou pourraient être améliorées par une formation. Mais ceci est extrêmement difficile, sinon impossible, à réaliser, car l’influence d’une personne est aussi incommensurable qu’est l’effet d’un unique cours de formation sur la manière dont une personne se comporte alors. »

Ouyporn Khuankaew présente les choses légèrement différemment :

« Pour moi, si quelqu’un vient pour une formation de cinq jours et qu’il est en conflit à l’extérieur, c’est-à-dire avec son ou sa partenaire ou sa famille, je veux qu’il se sente confiant et qu’il s’engage à rentrer à la maison pour transformer ces conflits. Je parle ici du plan personnel car bien souvent, nous attendons d’un membre d’équipe de terrain qu’il soit capable d’avoir une influence sur le conflit sur le terrain, mais il arrive bien souvent que cette personne n’ait même pas la capacité de transformer le conflit existant dans son propre foyer. Au dernier jour d’une formation de cinq jours, je recherche deux choses : 1/ que les personnes prennent conscience qu’il existe un conflit et qu’elles ne le nient pas et 2/ qu’après avoir suivi la formation, elles sachent quand elles sont bloquées et qu’elles aient les compétences, le courage et la motivation pour transformer le conflit. Ici, dans notre centre en Thaïlande, nos formations ont une base spirituelle. Par conséquent, deux indicateurs nous permettent de déterminer quelles sont les personnes motivées pour transformer des conflits : 1/ la sagesse de savoir comment transformer le conflit (connaissances et compétences) ; et 2/ la compassion nécessaire pour le faire. »

La collecte d’informations sur la manière dont la formation a influencé les pratiques d’un participant est un processus à long terme. Les organisations assurant la formation pourraient également en mener le suivi. Pour cela, il faut clairement expliquer aux participants et aux organisations qui envoient des participants à des formations qu’on leur demandera d’évaluer la formation et ses conséquences sur leur travail plusieurs mois, voire un an après la fin de la formation. Une fois ce temps écoulé, les participants et les organisations dont ils font partie pourraient remplir des questionnaires pour que pouvoir suivre, au moins de manière approximative, les changements de qualité induits par la formation. Cette méthode présente également ses difficultés car elle demande du temps à tous ceux qui sont impliqués et aux participants de s’auto-évaluer.

L’évaluation des conséquences d’une formation sur le conflit lui-même est source de difficultés encore plus importantes. Pour que ces évaluations soient dans tous les cas révélatrices, elles doivent être très complexes et sont généralement assez coûteuses. Pourtant, au niveau de la communauté, on dispose d’études montrant comment les formations peuvent influencer positivement les situations de violence. Dans ces cas-là, les formations peuvent influencer la transformation des conflits si elles sont utilisées de manière stratégique, c’est-à-dire si elles s’inscrivent dans un projet plus étendu (CDR Associates et Centre Berghof, 1999, p. 28-29). Pour ce qui concerne les intervenants externes, il n’existe quasiment aucune étude connue établissant un lien entre la formation et la qualité des actions des intervenants de paix sur le terrain. Cette perspective pourrait être très enrichissante pour ce terrain.

Comme dans le domaine de la transformation des conflits, les véritables experts en matière d’efficacité des formations à la paix sont les acteurs internes au conflit qui peuvent discerner immédiatement quelles parties de la formation sont utiles dans une situation et un contexte socioculturel particuliers. C’est pourquoi nombre de leçons utiles pour la formation peuvent provenir des formations qui sont élaborées à partir de et conformément à des projets de dialogue et des initiatives locales de renforcement des capacités.

Notes

  • Tiré de l’ouvrage : « Formation à la paix, Formation des adultes au travail de paix et à l’intervention civile de paix lors de conflits » ; Auteurs :Robert Rivers, Giovanni Scotto, Jan Mihalik et Frode Restad. Ouvrage réalisé dans le cadre du projet ARCA. Le projet ARCA (Associations and Resources for Conflict Management Skills) a été mis en place afin de contribuer directement à l’amélioration de la qualité, contenu et méthodologies des formations à la paix et à la transformation de conflits. Le projet, financé par la Commission Européenne, Socrates/Grundtvig1, comptait avec la participation 13 organisations originaires de 11 pays européens, dont le MAN (Mouvement pour une Aternative Non-violente), France.