Silvia Gurrieri, Paris, October 2005
T comme Tchétchénie. Auteur : Hélène Blanc.
Analyse par une spécialiste de la Russie et des Républiques de l’ex-URSS, de l’histoire du peuple tchétchène depuis le XVIIIe siècle jusqu’en 2005, en particulier des quatorze dernières années de guerre russo-tchétchène, des dérives de la présidence Poutine et de l’avenir du « géant en agonie » qu’est la Russie.
Ref.: Auteur: Hélène Blanc, Ginkgo éditeur, Montreuil 2005
Languages: French
Document type:
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Chapitre 1
Le premier chapitre retrace la longue histoire d’antagonismes et de haines entre le pouvoir russe et les peuples caucasiens, notamment les Tchétchènes. En 1783, commence la résistance organisée des Tchétchènes à la conquête russe. Pendant le XXe siècle, les soulèvements de ce peuple contre l’empire soviétique se succèdent. De 1943 à 1945, au moins deux cent mille Tchétchènes sont déportés, sous prétexte d’avoir collaboré avec l’envahisseur, mais la vraie raison est leur résistance au régime.
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Chapitre 2
Le deuxième chapitre analyse la première guerre de Tchétchénie, son origine et son déroulement. Cette première campagne marque avant tout un conflit économique entre mafias russes et tchétchènes (ces dernières veulent cesser de partager la rente du pétrole avec Moscou), mais présente aussi le caractère d’une revendication populaire d’indépendance, cimentée par un sentiment anti-russe.
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Chapitre 3
Le troisième chapitre a pour objet la deuxième guerre de Tchétchénie, dans laquelle la Russie se lance avec l’appui de l’opinion publique. L’opportunité de relancer la guerre est donnée par les incursions tchétchènes au Daguestan et les attentats sanglants à Moscou et en province aux mois d’août et de septembre 1999. Ces mêmes attentats fournissent au Kremlin un prétexte pour justifier une deuxième guerre aux yeux de l’opinion russe et internationale. L’auteur identifie plusieurs facteurs responsables du déclenchement du deuxième conflit : il s’agit d’une guerre coloniale pour garder l’unité fédérale, d’une guerre de revanche, d’une guerre visant à préserver les intérêts économico-mafieux dans la région, d’une guerre de diversion pour détourner l’attention de l’opinion russe des problèmes nationaux, d’un atout dans la stratégie électorale de Poutine et d’une lutte anti-terroriste et anti-islamiste. Surtout après le 11 septembre 2001, la propagande du Kremlin présente la lutte indépendantiste tchétchène comme une guerre religieuse et les indépendantistes tchétchènes comme des terroristes radicaux.
L’auteur évoque enfin une proposition de paix, le plan d’Ilias Akmadov, ancien ministre tchétchène des Affaires étrangères, qui prévoit la mise en place d’une administration internationale temporaire en Tchétchénie et l’évacuation des troupes russes, remplacées par une force militaire internationale. Ce plan, comme d’autres offres de négociation, n’a jamais été pris en considération par le pouvoir russe.
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Chapitre 4
Le quatrième chapitre est consacré à la deuxième guerre de Tchétchénie sous la présidence Poutine. L’auteur passe également en revue les différences et les ressemblances entre les deux guerres : le deuxième conflit est caractérisé par la composante terroriste wahhabite, par l’apparition des femmes kamikazes dans les combats et les actes terroristes et par une moindre importance de l’enjeu pétrolier. L’élément commun entre les deux conflits est constitué par la désobéissance militaire et les désertions au sein de l’armée russe.
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Chapitre 5
Dans le chapitre « poutinocratie, une société en guerre », la carrière de Poutine est parcourue, en particulier sa relation avec le KGB et les traits qui le distinguent de ses deux prédécesseurs, Gorbatchev et Eltsine : la volonté de tout contrôler, de restaurer la puissance russe en reprenant ou en conservant le contrôle de certaines républiques ex-soviétiques. Avec la présidence de Poutine on assiste à une re-soviétisation de la Russie, caractérisée par une re-militarisation de la société, un rôle accru des services secrets, un contrôle de tous les moyens d’information et de la société civile.
Face au refus de la Russie de négocier même avec les séparatistes modérés, l’ONG des Mères de soldats russes s’est engagée en première ligne pour entamer des négociations de paix avec l’aile modérée tchétchène, notamment avec le représentant de l’ex-président Maskhadov, Akhmed Zakaev.
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Chapitre 6
Le dernier chapitre présente de façon critique la relation entre la Russie et l’Occident. L’Union européenne a longtemps toléré la politique russe à l’égard de la Tchétchénie, considérant le conflit une affaire intérieure de la Russie. L’Union européenne est responsable d’avoir produit des résolutions sur la Tchétchénie, qui même en condamnant les exactions de l’armée russe, reconnaissait au président le droit de lutter contre le terrorisme et pour garder l’intégralité des frontières.
Hélène Blanc présente en outre la nouvelle idéologie de l’État russe, le tchékisme, selon laquelle celui qui se proclame contre l’État est un ennemi de la Russie. Cette idéologie dérive de la Tchéka, la « Commission extraordinaire pour combattre la contre-révolution et le sabotage » créée en 1917. Le président Poutine lui même se proclame tchékiste, faisant partie de l’élite de la nation qui défend les intérêts supérieurs du pays.
Commentary
Ce livre a le mérite de porter au premier plan la question tchétchène, souvent oubliée par les médias et l’Occident, complices de la propagande et de la désinformation russe.
Il nous offre également une image sans voile de la Russie contemporaine, une Russie en pleine dérive autoritaire. La politique russe envers la Tchétchénie n’est qu’un des exemples dans le panorama contemporain où le terrorisme sert de prétexte pour restreindre progressivement les libertés.
L’auteur fait une analyse du conflit russo-tchétchène à partir des travaux scientifiques et des témoignages de plusieurs politologues, historiens et acteurs en jeu.
Après onze ans de guerre, le problème tchétchène est encore loin d’être résolu et la haine séculaire entre Russes et Tchétchènes ne fait que se consolider. Pour sortir de ce conflit sans fin, il faut que la Russie recherche des solutions politiques, en négociant avec des éléments modérés de la résistance tchétchène comme Maskhadov, et en les isolant des extrémistes.
La prise d’otages des enfants de l’école de Beslan en 2004 qui a bouleversé le monde entier, pourrait entamer une nouvelle réflexion internationale sur le conflit russo-tchétchène. Il faudrait commencer par considérer la Tchétchénie non pas comme un facteur interne russe, mais comme une question d’importance internationale qui exige une solution, et pousser les deux parties à s’asseoir à la table des négociations.
L’Union européenne pourrait jouer un rôle important dans ce conflit aux marges de l’Europe, tentant une médiation de paix dans l’intérêt des deux parties.