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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, octobre 2007

L’Euphrate et le Tigre : Hydrologie historique, problèmes et perspectives (2ème Partie).

L’« hydro-diplomatie » bilatérale entre les trois pays riverains du Tigre et de l’Euphrate est passée en revue. Elle commande la paix dans la région.

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Réf. : Yahia Bakour et John Kolars « The Arab Mashrek : Hydrologic history, problems and perspectives », p.121- 145, in « Water in the Arab world. Perspectives & Prognoses », edited by Peter Rogers and Peter Lydon, Harvard University Press, 1994.

Langues : anglais

Dans le contexte actuel – où une coopération réussie reste hors de portée des parties en présence - on peut prédire que les Turcs continueront à développer le GAP tant que leurs ressources financières seront à la hauteur. Le barrage Ataturk sera mis en eau et rempli. Il fournira à la Turquie de l’électricité et ses eaux permettront d’irriguer de nouveaux périmètres. Ankara continuera à s’octroyer la part du lion des eaux de l’Euphrate. La demande en électricité ne cessera de croître et le prix des hydrocarbures pourrait avoir un impact sur l’économie turque.

La Syrie essayera de porter à 600 000 ha au moins ses périmètres irrigués. Les eaux de retour turques dans le Balikh et le Khabour augmenteront le débit de ces cours d’eau, provoquant un déséquilibre environnemental. Comme la croissance démographique syrienne est forte, l’alimentation en eau sera insuffisante. Le pays portera alors plus son attention sur le Yarmouk et les eaux de fonte des neiges sur les hauteurs du Golan. Or, ces dernières sont aux mains des occupants israéliens qui les intègrent à leur capital hydrique.

Quant à l’Irak, ses efforts de reconstruction seront gênés par une eau d’amont chiche et polluée. Ce qui empêchera de mener à bien le drainage des sols en vue de les débarrasser des sels et des autres polluants. Les eaux du Tigre pourraient être transférées vers la Dépression du Tartar en vue de faire face au manque d’eau de l’Euphrate.

Comme les besoins varient dans le temps, dans le cadre de cette diplomatie bilatérale ( Syrie-Turquie, Irak-Turquie et Syrie-Irak), les alliances vont se faire et se défaire conduisant, sur le court terme, à des arrangements relativement au partage des eaux du Tigre et de l’Euphrate mais ils n’empêcheront pas les tensions car l’eau ne cessera de se raréfier. Et même si les eaux du Tigre étaient transférées dans la partie ouest de l’Irak, cela pourrait se révéler insuffisant face à l’augmentation des demandes de l’agriculture.

Des solutions au coup par coup pourraient bien être trouvées mais elles demeureront instables et fragiles et, au final, apporteront peu de chose, sur le long terme, aux trois pays en présence.

Le Moyen–Orient continuera probablement à être l’arène où se déploieront les manipulations des grandes puissances.

Il est probable aussi que le développement des projets turcs s’étirera dans le temps, ce qui fera que ses effets ne seront pas immédiatement ressentis à plein.

Il n’en demeurera pas moins que la Syrie souffrira de la pénurie d’eau et devra affecter des moyens à la réutilisation et au recyclage de l’eau.

Par dessus tout, les arrangements bilatéraux séparés et éphémères des diverses combinaisons d’acteurs entre les trois pays riverains du Tigre et de l’Euphrate sont de nature à empêcher vraisemblablement une planification continue et raisonnable de longue haleine.

Commentaire

Il est clair que la situation a peu évolué dans l’ensemble, et le contexte actuel ne prête guère à l’optimisme avec le bruit des bottes turques et kurdes qui remplit présentement les médias. Pour ne rien dire de la guerre qui se déroule aujourd’hui dans un Irak dévasté et où la question de l’eau devient un enjeu fort entre les insurgés d’une part et le gouvernement Maliki et l’armada des Etats Unis d’autre part.

En effet, on ne voit guère se mettre en place les prémisses de « la planification continue et raisonnable » que les auteurs appellent de leurs vœux. Mais, il va de soi – c’est un truisme - que celle-ci ne sera possible qu’avec l’aval et les encouragements des grandes puissances étant donné l’exceptionnelle charge géostratégique du Moyen–Orient.

Cependant, sur le plan technique, les auteurs ont raison d’évoquer la réutilisation et le recyclage de l’eau, des notions qui ont du mal à se faire admettre dans la région comme ils ont raison de pointer les déséquilibres environnementaux qui mettent en péril la population et la biodiversité. Comme ils ont encore raison de mettre en exergue le problème démographique et ses effets sur l’agriculture et donc l’irrigation. Par contre, il faut relever que les transferts d’eau d’une région à l’autre se font rarement sans dégâts (Cf, exemples entre mille, en Europe le cas de l’Ebre en Espagne ou, au Maghreb, celui des eaux des Mogods vers le Sahel en Tunisie).

Il est donc crucial que le Moyen–Orient réalise qu’il doit permettre l’avènement d’une « société économe » en eau.

Mais, à notre humble avis, cela ne suffira pas à écarter les menaces de conflits.

En effet, l’irrigation et l’industrialisation réalisées en Turquie par la grâce du barrage Ataturk et des autres retenues du GAP arrivera chez les Syriens et les Irakiens polluée par les engrais, les pesticides de l’agriculture et la kyrielle de contaminants chimiques issus des industries (métaux lourds, solvants, pigments, monomères de polymérisation des plastiques …).

Se pose donc ici un problème majeur pour l’avenir : outre la quantité, la qualité de la ressource va être primordiale.

Société économe en eau ? Oui, mais en eau de qualité acceptable pour les pays d’aval.

Tel est le défi qui commande les relations entre les Etats riverains du Tigre et de l’Euphrate et, partant, la paix dans la région voire dans la Méditerranée et le monde, étant donné la position stratégique et l’immense réservoir de pétrole sous le sol de l’Irak.