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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Guatemala, janvier 2005

Le Traité d’Esquipulas pour une paix durable en Amérique latine : la réunification de la région centre-américaine pour un nouveau positionnement géopolitique.

Les relations entre l’Amérique centrale et les États-Unis : leur adéquation aux nouveaux enjeux internationaux à la fin du XXIe siècle.

Mots clefs : Concertation politique pour la paix | La démocratie, facteur de paix | Traité de Paix | Traité d'Esquipulas | Gouvernement des Etats-Unis | Gouvernement salvadorien | Administration Reagan | Administration Carter | Gouvernement guatémaltèque | Gouvernement hondurien | Gouvernement nicaraguayen | Gouvernement costaricien | Oscar Arias | Administration Bush I | S'opposer à l'échelle internationale à la poursuite d'une guerre | Etablir le dialogue entre les acteurs et les partenaires de la paix | Elaborer des propositions pour la paix | Proposer un plan de paix | Mener des négociations politiques pour rechercher la paix | Signer un Traité de paix | Amérique Centrale | Guatemala | El Salvador | Honduras | Nicaragua | Costa-Rica

Réf. : Traité "Esquipulas II. Procédure pour une paix ferme et durable en Amérique Centrale".

Langues : espagnol

Type de document :  Traité

L’objectif officiel du Traité d’Esquipulas concernant l’unification politique de l’Amérique centrale

Le Traité d’Esquipulas abordait de façon officielle le projet d’unification politique de la région centre-américaine. Il se fondait sur une appréciation sous-jacente : l’Amérique centrale était composée de plusieurs États, mais elle ne formait qu’une seule nation.

La première expression de cette unification était la création d’un Parlement centre-américain. Il s’agissait d’établir une institution à l’échelle régionale qui serait un instrument de délibération, d’analyse et de dialogue en vue de rechercher des solutions politiques d’ensemble aux défis régionaux. Ce Parlement assurerait l’élaboration de la loi centre-américaine. La Réunion des Présidents assurerait son application. L’exécutif et le législatif installés, se profilait déjà la possibilité de créer une Cour de Justice centre-américaine, en formant ainsi trois pouvoirs et, pour l’équilibre « le pouvoir arrêtera le pouvoir ».

Le Parlement serait l’expression institutionnelle fondatrice d’une unification qui se voulait plus large. Une fois le domaine politique engagé dans l’unification de la région, les autres domaines pourraient suivre à leur manière. L’ouverture économique des frontières et l’installation d’une zone de libre marché centre-américain étaient aussi envisagées.

L’objectif géopolitique recherché via la réunification politique régionale

Au-delà de ce principe, un objectif plus important était recherché. Offrir à l’Amérique centrale une position géopolitique précise dans un monde en recomposition.

« Les gouvernements s’engagent à impulser [...] le respect [...] de la souveraineté, de l’intégralité territoriale des États et du droit de toutes les nations à déterminer librement et sans ingérences externes d’aucune manière, leur modèle économique, politique et social [...] » (3). Si le principe de l’autodétermination n’avait pas compté parmi les plus respectés dans le passé politique des États centre-américains, il émergeait avec force dans le document d’Esquipulas. Il s’agissait du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à choisir librement leur régime. Ici, les mandataires affirmaient l’idée d’un peuple se prenant démocratiquement en charge plutôt que d’un peuple soumis aux vicissitudes des puissants.

Pour quelles raisons fallait-il formuler ce principe ? D’une part, au moment de l’élaboration du document, la région était aussi un champ de bataille international : des militaires et des armes d’origines différentes (reproduisant et localisant l’affrontement USA-URSS), s’affrontaient en Amérique centrale. La pacification de la région ne pouvait aboutir sans la coopération des gouvernements étrangers impliqués dans les conflits armés centre-américains. Il s’agissait d’une situation très délicate pour les autorités de ces petits États situés « dans l’arrière-cour des États-Unis ». Les cinq États s’engageaient à empêcher l’usage de leur propre territoire et à ne pas donner ni permettre d’appui militaire aux personnes, organisations ou groupes qui tentaient de déstabiliser les gouvernements des États de l’Amérique centrale. Il serait insensé d’amorcer une dynamique de dialogues pour la paix entre les forces internes en conflit si les puissances internationales intéressées à se faire la guerre en territoire centre-américain ne respectaient pas ces nouvelles dispositions politiques : « Les gouvernements des cinq États solliciteront les gouvernements […] qui, ouvertement ou de manière voilée fournissent de l’aide militaire […] de cesser cette aide [...] » (5).

D’autre part, selon les autorités politiques centre-américaines, la puissance des États-Unis reaganien de l’époque semblait regarder l’Amérique centrale uniquement comme arrière-cour. Les relations Amérique centrale - USA des dernières années faisaient l’objet de graves critiques à l’époque d’Esquipulas.

Au sujet de la politique extérieure des États-Unis pour l’Amérique centrale, malgré les divergences mises en avant par les élites politiques américaines, une unité d’approche existait. Le point de départ était du domaine de la géopolitique. Il consistait à affirmer que les États-Unis avaient le droit d’intervenir dans leur arrière-cour. À l’intérieur de ce cadre théorique fondamental se développaient deux approches qui divergeaient dans leurs méthodes d’action mais qui convergeaient dans leurs objectifs.

Dans le discours prononcé par le Président Reagan le 27 avril 1983 devant les deux Chambres réunies, il proposa que l’aide américaine à l’Amérique centrale soit destinée à contribuer à la démocratisation politique et à soutenir le développement économique de la région. Ces objectifs seraient atteints par le renforcement des armées qui, grâce à la supériorité de moyens, empêcheraient les communistes de continuer à allumer des tentatives révolutionnaires. Les dirigeants du parti démocrate américain affirmaient qu’ils partageaient ces objectifs, mais que l’utilisation de la force comme moyen pour les atteindre n’était pas le plus convenable. Ils affirmaient qu’il fallait s’attaquer aux « causes » de la rébellion par la voie de réformes profondes d’un système injuste qui aux États-Unis ne serait pas toléré.

Ces deux approches, dont la différence tenait surtout à l’utilisation ou pas de la force comme moyen de résolution des conflits, étaient aussi mises en avant en Amérique centrale par les quatre groupes les plus importants à l’époque : l’élite militaire de l’armée et celle des commandants guérilleros, qui affirmaient que seule la défaite militaire de l’adversaire pouvait amener la paix. Les élites politiques et économiques, qui privilégiaient la voie des réformes sociales et de la pacification par le dialogue. La méthode de « la paix par la force » et la méthode de « la paix par les réformes » s’opposaient. Cependant, il ne s’agissait pas de deux dynamiques distinctes à frontières bien définies. Des liens se tissaient entre les tenants de chacune des deux méthodes.

La paix par des réformes démocratiques - la paix par la force : deux modèles divergents

  • Le modèle la paix par des réformes démocratiques. Ce modèle peut être illustré par la politique des États-Unis pour l’Amérique centrale mise en place par l’administration Carter. Les relations avec l’Amérique centrale étaient alors encadrées dans une lecture géopolitique à perspective « Nord – Sud ». La politique Carter se plaçait sous le signe du respect des droits de l’homme et de la mission des États-Unis d’être le défenseur de la démocratie.

L’équipe du gouvernement Carter affirmait que, dans les années à venir, la guerre froide n’allait plus être la première source de conflits pour les États-Unis. Que par rapport aux pays de l’Amérique centrale il fallait faire basculer la bataille militaire sur d’autres terrains, par l’application des moyens suivants : vis-à-vis des gouvernements centre-américains, il s’agissait d’exercer une certaine pression économique tout en gardant une certaine distance, pendant qu’une nouvelle élite politique était formée selon les principes démocratiques et libéraux et préparée professionnellement pour gouverner. Vis-à-vis des mouvements révolutionnaires, les combattre avec des moyens militaires exagérés faisait de leurs leaders des « martyrs » tout en nourrissant l’ardeur des combattants et en faisant monter la température du conflit. Il fallait les combattre par l’idéologie en présentant le socialisme comme un contre modèle afin que les mouvements armés perdent le soutien de la population et qu’ils tombent d’eux-mêmes. Vis-à-vis de la population, il fallait une politique de communication professionnelle pour convaincre la société civile de l’inutilité de l’opposition violente et de la non pertinence du modèle socialiste, et pour lui montrer que l’élection des autorités via les élections était le meilleur chemin, sinon le seul accepté, pour réaliser les réformes politiques recherchées.

  • Le modèle de la paix par la force. Ce modèle peut être illustré par la politique des États-Unis pour l’Amérique centrale mise en place par l’administration Reagan. Les relations avec l’Amérique centrale étaient alors encadrées dans une lecture géopolitique à perspective « Est – Ouest ». Pour l’administration Reagan, il ne s’agissait pas d’une lutte de la société pour la justice sociale ou pour aboutir à des réformes à l’intérieur du régime. Les centre-américains étaient manipulés par le communisme international. Le conflit était le produit d’une stratégie soviético-cubaine en vue d’imposer un régime communiste dans la région.

Les dirigeants républicains soutenaient que l’entente avec l’Union soviétique n’était qu’une mascarade du Kremlin destinée à jouer un tour à la Maison blanche. Pendant que les USA négociaient avec l’URSS, le PC soviétique perçait l’Amérique centrale via le sandinisme, au pouvoir au Nicaragua, et soutenait les mouvements de guérilla au Salvador et au Guatemala. Le soutien politique, financier, militaire et logistique fourni par le Pentagone aux gouvernements centre-américains amis avait permis à ceux-ci d’imposer un système de répression militaire en toute impunité. Bien que des pratiques utilisées couramment, comme la torture, les massacres, etc. allaient à l’encontre des principes démocratiques fondamentaux reconnus et acceptés officiellement par les uns et par les autres, les militaires se justifiaient en disant que c’était le prix à payer pour la « normalisation » de la société. Pour les États-Unis, il s’agissait d’empêcher le communisme de s’emparer de ces pays.

  • Ces deux modèles permettent de comprendre les divergences d’approches au sein de l’administration américaine. Ils dévoilent aussi une unité fondamentale : les États-Unis étaient persuadés qu’ils avaient l’autorité légitime d’intervenir dans les affaires politiques internes de l’Amérique centrale, ce qui donnait aux luttes centraméricaines une dimension géopolitique. De nombreux politologues et historiens ont privilégié le fait analyser les différences entre la politique de l’administration Reagan et celle de l’administration Carter par rapport à l’Amérique centrale. Il me semble intéressant de dévoiler aussi les continuités et les articulations de l’une par rapport à l’autre. Les théories qui soutiennent que les années Reagan ont été les plus meurtries pour l’Amérique centrale alors que les années Carter avaient été les plus heureuses peuvent s’ouvrir à une autre perspective d’analyse en mettant en lumière des nuances importantes.

Le Plan de Paix Arias - le Plan de Paix Reagan

Après la signature du document « Esquipulas I » en 1986, le président du Costa Rica, Oscar Arias, présenta aux gouvernements centre-américains un plan de paix pour la région. Les arguments ici développés s’inspirent du « Plan Arias » ainsi que d’un ouvrage publié par M. Arias où il développe les fondements théoriques de ses approches : O. ARIAS, El camino de la paz, Editorial Costa Rica. San José 1989. Le « Plan Arias » proposait un chemin politique : la pacification de la région exigeait sa démocratisation. La paix n’était pas le produit de la victoire militaire des uns sur les autres. La signature des accords de paix n’était pas non plus suffisante. Il fallait entamer une réorganisation des régimes politiques des pays pour qu’un État de Droit soit effectivement en vigueur. Il fallait aussi réaliser une véritable réforme des rapports sociaux à l’intérieur des pays pour canaliser pacifiquement les conflits internes.

Paix et démocratie étaient indissociables. Tant qu’il y aurait des régimes autoritaires, de droite ou de gauche, favorisant les phénomènes d’exclusion, de manipulation ou d’oppression politique des populations, la violence trouverait ses sources. Le plan Arias proposait aux dirigeants centre-américains de s’investir dans les mécanismes de construction de la paix et de s’attaquer aux causes de la violence. Cette approche révélait une originalité en ce qui concernait les rapports entre les autorités centre-américaines et celles des États-Unis de l’époque. Le discours officiel de l’administration Reagan laissait entrevoir l’existence de ce qui en Amérique centrale était appelé à l’époque « le Plan Reagan ». La Maison blanche avait des intentions précises afin de régler, à sa façon, la crise centre-américaine.

Les différences des deux approches, Arias - Reagan, peuvent être résumées comme suit :

Le plan Reagan affirmait que les conflits centre-américains étaient très différents les uns des autres et que chaque pays avait besoin d’une solution adéquate et à des vitesses différentes. Le Plan Arias privilégiait les causes communes et les phénomènes transversaux. Selon ce plan, la mise en application des dispositions devait être faite dans les cinq États et de façon simultanée. Il était hors de question d’envisager des procédures de pacification et de démocratisation qui favoriseraient la division de la région.

Le plan Reagan affirmait que les sandinistes n’étaient que des agents du communisme international et que leur gouvernement était un ennemi de la démocratie, qu’il fallait donc le démanteler. Le plan Arias reconnaissait la légitimité de tous les gouvernements centre-américains, y compris du gouvernement sandiniste. C’était au peuple nicaraguayen de soutenir son gouvernement ou de l’évincer, par le biais des élections démocratiques.

Le plan Reagan affirmait que, pour évincer du pouvoir les sandinistes, il fallait soutenir la CONTRA, le mouvement armé rebelle nicaraguayen, véritable représentant de la démocratie au Nicaragua. Le plan Arias ratifiait l’illégitimité de tous les mouvements armées subversifs en Amérique centrale : l’URNG (Guatemala), le FMLN (Salvador) et la CONTRA (Nicaragua). Par là même, l’interdiction de tout soutien à un quelconque mouvement subversif armé de la part de n’importe quel État.

Le plan Reagan affirmait qu’il fallait réformer en profondeur le système politique nicaraguayen pour y introduire la démocratie jusque là inconnue, alors que ceux des autres pays pouvaient continuer à évoluer doucement vers davantage de démocratie. Le plan Arias affirmait que tous les régimes centre-américains devaient se réformer pour avancer dans la voie de la démocratisation.

Il ne s’agit pas uniquement d’oppositions sur des questions techniques. Il s’agit de la proposition de deux plans de paix différents se reliant chacun à deux approches géopolitiques divergentes.

Plan Reagan - Plan Arias

Procédure ajustée à chacun des cinq pays - Rejet de la division de l’Amérique centrale

Illégitimité du gouvernement sandiniste - Légitimité des cinq gouvernements

Soutien à la "Contra" nicaraguayenne - Interdiction de soutien à des groupes subversifs

Réforme du régime nicaraguayen - Démocratisation des cinq pays

Droit d’intervention des États-Unis dans les pays centre-américains - Respect de la souveraineté de chaque État de l’Amérique centrale

Comment était-il possible que le « Plan Arias » ait reçu le soutien des autorités centre-américaines alors que celles-ci étaient présentées comme très proches, voire dépendantes des États-Unis ? En effet, notamment les élites du Honduras et du Salvador, suivies des élites traditionnelles du Nicaragua, cherchaient à s’approcher de plus en plus des États-Unis et à « mériter » leur soutien. Cependant, les efforts de pacification de la région étaient animés surtout par les élites politiques et économiques du Costa Rica et du Guatemala. Bien qu’intéressées, elles aussi, par les relations avec les États-Unis, surtout commerciales, elles étaient opposées à l’approche mise en avant par l’administration Reagan. J’analyse ici le rôle joué par les élites centre-américaines en termes de référence symbolique, en vue de montrer comment la politique des États-Unis en Amérique centrale rencontrait des élites locales avec des intérêts politiques et économiques précis, le plus souvent divisées et en lutte entre elles. Comment ces élites, ou quelques-unes d’entre elles, intériorisaient, renforçaient et même utilisaient la stratégie des USA par des mesures d’amplification, d’interprétations, de détournement, etc. Comment, donc, les USA profitaient des divisions et des luttes internes des élites locales et comment celles-ci, à leur tour, se tournaient vers les USA pour réussir leurs objectifs. Les élites centre-américaines ne sont pas simplement des destinataires de la politique des États-Unis, souvent elles contribuent à la construire.

Une autre perspective de mon analyse consiste à prendre en compte la complexité des élites dirigeantes des États-Unis. Bien que dans les présentations des relations entre les États-Unis et l’Amérique centrale, très souvent les composants de l’un et de l’autre sont unifiés pour des raisons aussi de compréhension logique, il est convenable de prendre en compte les distinctions, les divergences et les oppositions internes de l’un et de l’autre. Dans cette perspective il faut expliciter que le fait d’aborder « les États-Unis » ou « l’Amérique centrale » comme étant des unités délimitées et distinctes est aussi un travail de construction conceptuelle. Dans le cas de la présentation de « la politique des États-Unis », par exemple, même si l’analyste donne à son objet de travail une certaine unité logique, il doit montrer les convergences et les divergences entre, par exemple, la Maison blanche et le Congrès ; entre les grandes institutions nationales, telles que le Département d’État, le Pentagone, la CIA ; entre démocrates et républicains, etc. Une telle analyse permet d’approcher les USA non pas simplement dans des termes d’uniformité et de régularité, mais aussi dans des termes de différenciations, d’adaptations aux enjeux, parfois même de concurrence interne extrême. Les patrons costariciens et guatémaltèques affirmaient qu’il s’agissait d’une approche particulière liée à un groupe spécifique qui était à l’époque à la Maison blanche, donc transitoire.

C’est dans ce contexte que le plan Arias à été adopté par les autorités centre-américaines et que la portée des paragraphes sur l’unité centre-américaine a pris une telle importance.

Commentaire

Après Esquipulas II, commence à se mettre en place une évolution de la politique américaine pour l’Amérique centrale. En 1990, l’administration Bush exprima son soutien au processus Esquipulas. Malgré les fluctuations, il est possible d’établir un fil conducteur de la politique américaine pour l’Amérique centrale se fondant sur une appréciation politique précise des autorités politiques des États-Unis : elles ont un droit légitime d’intervention dans leur arrière-cour. En 1989, dans un célèbre discours devant le Congrès américain, le président Bush a bien exprimé la vision que les États-Unis se faisaient de l’Amérique centrale : « Les problèmes de l’Amérique latine et de l’Amérique centrale affectent directement la sécurité et le bien-être de notre peuple. L’Amérique centrale est beaucoup plus proche des États-Unis que beaucoup d’autres endroits problématiques du monde qui nous intéressent... El Salvador est plus proche du Texas que ne l’est le Texas du Massachussets, le Nicaragua est plus proche de Miami, de san Antonio, de san Diego et du Tucson que ces villes ne le sont de Washington ». George Bush, « Central America : Defending Our Vital Interests », discours devant le Congrès, 29 novembre 1989. Le texte est issu de : State Department Bulletin, 15 décembre 1989, pp. 36-40. Traduction de H. Bauer.

Pour sa politique vis-à-vis de l’Amérique centrale, l’administration Bush avait pris en compte un rapport élaboré pendant l’administration Reagan. Le Président Reagan avait créé en 1983 une Commission nationale sur l’Amérique centrale, composée de sénateurs des deux partis, sous la direction de M. H. Kissinger. Leur rapport proposait les bases de la politique des États-Unis envers l’Amérique centrale en quatre points. Il s’agissait de trouver une solution politique au conflit centre-américain. Pour empêcher la renaissance de mouvements armés, il était convenable d’ouvrir un processus de démocratisation de la région. Puisque la situation économique de l’Amérique centrale était pénible pour la majorité de la population, il s’agissait d’établir une coopération économique capable d’empêcher le succès des discours populistes ou des aventures révolutionnaires. Tout cela en préservant l’autorité morale des États-Unis : il faudrait signer des accords avec les gouvernements centre-américains pour qu’ils déclarent avoir demandé l’aide des États-Unis. Bien que M. Reagan n’ait pas donné suite à ce rapport, M. Bush s’en est servi. Au milieu des années 1990, il s’agissait de favoriser des modèles politiques démocratiques insérés dans le cadre de l’économie libérale. Le principal objectif des États-Unis n’était plus uniquement stratégique, il était aussi économique : ils regardaient les pays de l’Amérique centrale avec les yeux du marché.