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Florence DA SILVA, January 1996

Le gouvernement rwandais fait le ménage parmi les ONG

Les ONG dont les noms suivent…

Le 6 décembre 1995 un communiqué de presse signé du Ministre de la Réhabilitation et de l’Intégration Sociale (MINIREISO) provoquait au sein des ONG indignation et surtout incompréhension : les autorités voulaient mettre de l’ordre et plusieurs ONG se voyaient signifier leur expulsion du Rwanda. Le communiqué était accompagné d’une lettre adressée directement aux représentants des ONG au Rwanda expliquant la signification des trois listes qui se trouvaient en annexe.

Trois listes d’ONG pour trois types de situations possibles :

  • 1. « Les ONG de la liste A ont été enregistrées et légalement autorisées à opérer au Rwanda ». Parmi les plus connues on pouvait trouver « Action Internationale contre la Faim (AICF) USA », « Action Nord-Sud », « Care International », « Concern World Wide », « Save The Children », « Solidarités ». En tout 102 0NG étaient reconnues par le gouvernement.

  • 2. « Les ONG dont le nom figure sur la liste B sont sommées de cesser leurs activités au Rwanda ». Sur cette liste des « 38 », « ACF France », « Association pour l’Action Humanitaire », « Terre des Hommes », « Médecins sans Frontières France et Suisse », « Médecins du Monde », « SOS Racisme »…

  • 3. Quant aux ONG de la liste C, elle devaient « suspendre leurs activités au Rwanda et s’adresser au Ministère de la Réhabilitation pour que leur cas soit examiné individuellement avant qu’une décision ne soit prise à leur égard ». C’était le cas de 18 ONG, dont « Aide et Action », « La Croix Rouge de Belgique », « Food For the Hungry ».

L’impact de ce communiqué et des trois listes ne s’est pas fait attendre, d’autant plus qu’il avait également été transmis à Radio Rwanda, la radio nationale. Le matin même chaque ONG était soupçonnable d’avoir négligé les directives gouvernementales, d’avoir échoué dans leurs programmes par manque de moyens, insuffisance de clarté dans les objectifs ou par manque d’expérience. C’était les trois explications possibles pour l’opprobre jetée sur 56 ONG. Le soir, la télévision rwandaise couvrait largement l’événement, faisant défiler la liste des ONG expulsées.

Pour donner plus de poids encore à cette décision, la lettre du Ministre de la Réhabilitation et ses listes annexes étaient transmises pour information au Président de la République Rwandaise, au Vice-Président, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, au Vice-Premier Ministre et Ministre de l’Intérieur, à tous les Ministres d’Etat, à toutes les Ambassades et aux représentants des Nations Unies.

Les ONG de la liste A avaient sept jours pour quitter le pays. Sept jours pour clore les comptes, liquider les affaires courantes, licencier le personnel, trouver un billet d’avion et partir. Elles devaient laisser tout leur équipement, en particulier leurs véhicules. Leurs comptes bancaires avaient été bloqués et leurs lignes téléphoniques coupées.

Il était difficile de saisir les critères logiques sur la base desquels les listes avaient été établies. En effet, on comptait parmi les ONG expulsées certaines qui avaient déjà signé l’agrément avec le gouvernement, comme Médecins du Monde. Parmi les ONG françaises le bruit circulait que c’était plus une opération politique, une réponse aux déviances diplomatiques de la France à l’égard du Rwanda. Il est vrai que les autorités rwandaises auraient pu se débarrasser des ONG moins brusquement, en leur laissant un délai raisonnable pour quitter le pays, avec moins de tapage médiatique et dans un climat moins propagandiste. Mais nul doute que l’objectif final n’aurait pas été atteint : celui d être entendu au niveau international, celui d’affirmer haut et fort la souveraineté du Rwanda. Car enfin il est difficile de reprocher à un gouvernement de se sentir étouffer avec plus de 160 ONG sur un territoire d’une surface équivalente à celle d’un département français.

Le 6 décembre, donc, tous les représentants des ONG des listes B et C se ruaient avec inquiétude et colère contenue vers les bureaux de la Cellule de Coordination Humanitaire (HACU) du Ministère de la Réhabilitation. Chacun voulait des explications et espérait la clémence pour son association. On trouvait aussi au Ministère ce jour là des ONG qui, ne figurant sur aucune liste mais dont le cas relevait du « Nota Bene » de la dernière page du communiqué, se demandaient ce que signifiait vraiment « dossier en cours d’analyse ».

Seule « Médecins du Monde », l’une des premières ONG à avoir signé avec le gouvernement rwandais le contrat d’agrément établissant les droits et les devoirs de chaque partie semble avoir réussi à plaider efficacement sa cause, en agissant au plus haut niveau politique. Le Président de la République en personne, son Excellence Pasteur Bizimungu, aurait déclaré au journal télévisé de TF1 qu’il s’agissait d’un « malentendu ». MDM débute un programme « médico-psychologique pour les enfants et les adolescents en situation de vulnérabilité psyco-sociale de la préfecture de Cyangugu » et les activités peuvent en principe démarrer puisqu’elle a obtenu la lettre officielle du Ministère de la Réhabilitation concernant sa réintégration parmi les associations agréées et autorisées à rester.

Pour les ONG relevant du Nota Bene, la situation n’a pas évolué depuis ce 6 décembre. Elles continuent à travailler, mais l’analyse de leur dossier et toutes les procédures d’agrément sont suspendues jusqu’à nouvel ordre. Inutile de dire que la crédibilité de ces dernières est entamée et que leur situation est branlante vis-à-vis de leurs différents partenaires, y compris les bénéficiaires directs de leurs actions.

Un mois après, la situation s’est un peu détendue. La plupart des « 38 » ont plié bagage, avec résignation ou en ayant résisté. On n’a pas vu de vaste mouvement de solidarité des ONG entre elles, mais celles qui n’ont pas pris position ne doivent pas non plus être assimilées à celles qui donnent leur aval à ce coup de force du gouvernement rwandais. La situation est complexe, toute prise de position est à double tranchant.

En tout état de cause le ton a été donné par les autorités. Le climat n’est pas favorable aux ONG et pourtant le pays semble avoir encore besoin de leur soutien pour se reconstruire. Elles sont donc momentanément tolérées et fermement contrôlées.

On ne peut guère porter un jugement définitif sur cet épisode mouvementé des relations ONG/gouvernement au Rwanda. Trop de données restent inaccessibles, en particulier dans la dimension de politique internationale. Tout au Rwanda n’est que complexité. Après le génocide de 1994, après l’opération Turquoise et le vaste déploiement des forces des Nations Unies, le soutien massif et concret de la communauté internationale se fait encore attendre. Le Rwanda est à reconstruire, à commencer par les esprits. Une période dure s’annonce sans doute pour ce petit pays d Afrique de l’Est qui n est pas épargné depuis plusieurs années par les violences internes.

Détails des « trois listes d ONG ».

  • Liste A : celles qui restent.

Action Internationale Contre la Faim USA, Action Nord-Sud, Action Technique pour le développement Communautaire, Agence Rwandaise pour le développement et la Coopération*, APIDERBU*, AEF International, Africa Evangelist Entreprise, Africa Humanitarian Action, Africa Muslim Agency, African Medical Research Foundation, Africare Rwanda, Agro-action Allemande, American Jewish Joint Distribution Committee, American Refugee Commitee, Amanda Marga Universal Relief Team, Armée du Salut, ASEAO Wihogora*, ASOFERWA*, Association Finistérienne de Solidarité avec le Rwanda, Association pour la protection et le développement de l Enfant, Association pour le développement agro-pastoral, Association of Medical Doctors of Asia, Association Rwandaise pour le Développement du Bugesera*, ACORD, ARAMET, Association Rwandaise pour le Bien-être Familial*, Association des Scouts du Rwanda*, ARDI*, Associazione Volontari per il Servizio Internazionale, AVODI, Care International, Catholic Relief Service, Children Relief, Centre Canadien d Etudes et de Coopération Internationale, Centre des Services de Coopératives

Ugama*, Centre Vétérinaire des Volcans (Morris Animal Foundation), Cooperazione Italiana Norte-Sur, Compagnie des Fontainiers du Rwanda*, Compassion International, Concern Worldwide, Cooperazione Itaiana, CWA

ACIST, Dian Fossey Gorilla Fund, Disaster Relief Agency, Action pour le Développement Rural Intégré*, Duterimbere*, Enfants du Monde**, Fondation Aide Dentaire Africaine, Fondation Barakabaho, Feed The Children Europe, Fourth Wave Mission, German Emergency Doctors, Goal Ireland, Health Aid UK, Help E.V., INADES Formation, International Hilfsfonds E.V., International Gorilla Conservation Program, International Rescue Committe, International Medical Corps, Juristes Sans Frontières, Kora, Lay volunteers International Association, Lutherian World Federation, Malteser

Hilsdienst, Médecine pour le Tiers-Monde, MSF Belgique, MSF Espagne, MSF Hollande, Medicus Mundi Espagne, Medicos en catastrofe, Memisa Medicus Mun di Hollande, Medical Emergency Relief International, Norwegian People s Aid, Nutripa, Oxfam Québec, Oxfam UK, PREFED, Pharmaciens Sans Frontières**, Population Service International, Projet Suisse-Rwanda « Enfants de Gahini », Red Barnet Danemark, Refugee Trust, Réseau des Citoyens, Réseau des Femmes oeuvrant pour le développement rural*, Salem Rwanda, Samaritan s Purse, Save The Children USA, Save The Children UK, Service Social International, SNV- Netherlands Development Organization, Solidarités, SOSChildren s Village, Tear Fund, Trocaire, Wild life Conservation Society, World Concern, World Relief International, World Vision, Young men’s Christian Association, Zoa Refugee Care.

  • Liste B : celles qui sont expulsées.

AICF France, Africa Center for Treatment and Rehabilitation Torture Victims, AIDAB Australia, American For African Adoption, Association Française de Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence, Austria Relief Program, Association pour l’Action Humanitaire, Les Enfants Avant Tout, Première Urgence, Safe Harbour International Relief, Terre des Hommes, Association Pour les Orphelins du Rwanda, MSF France, MSF Suisse, ORA International, Sustainable Agriculture Support for Orphans, Abundant Life International, Association Française des Volontaires du Progrès, Joint RELIEF Rehabilitation Service, ARDICI, Bureau Conseil d’Appui aux ONG de l’Afrique Centrale, Hôpital Sans Frontières, APACOR, Atol, Care Australia, Coopération Internationale pour le Développement et la Solidarité, ECO2TERRA International, Equilibre, Fraternité Notre Dame, Médecins Du Monde, Partage avec les Enfants du Monde, Triangle Génaration Humanitaire, east Africa Developemnt Services, RAFAD, SOS Racisme, CUAMM, Inter SOS, Terre Sans Frontières.

  • Liste C : Les cas à examiner individuellement, suspension des activités.

Aide et Action France, Associazione Solidarieta per lo Sviluppo, Christian Reformed World Relief Committee, CESAL, DELIPRO, Food for the Hungry, Initiative Humanitaire Africaine, Johanniter-Unfallhilfe E.V., Revival and restauration Ministries Rwanda, Christian Life Mission to Rwanda, Christian Unity Fellowship, Borne Fonden, Croix Rouge de Belgique, Sentinelles, Adventist Developement Relief Agency, Espoirs Sans Frontières, British Direct Aid, Friend in the West.

Notes

  • Contact : Florence DA SILVA : 89-91 rue Pelleport 75020 Paris, France.

  • Ce texte a fait l’objet d’un article dans la revue de l’association <DATAFRO> <Alternatives Africaines>, 180 avenue Henri Ravera, boîte N°8, 92220 Bagneux-France. L’auteur de cette fiche représente Enfants Réfugiés du Monde au Rwanda. Cette ONG relève du « Nota Bene ».

  • (*) : association rwandaise.

  • (**) : association ayant déjà quitté le Rwanda à la sortie du communiqué.