Ficha de testimonio Dossier : Du désarmement à la sécurité collective

Philippe Mazzoni, Grenoble, France, febrero 1997

La réduction du temps de travail : une solution pour l’emploi chez GIAT-Industries.

Keywords: Conversión de la economía de guerra en economía de paz | Multinacional | Reconvertir los armamentos | Europa

Le Groupement Industriel des Armements Terrestres (GIAT-Industries) est une entreprise qui a pour activité principale et quasiment unique la conception et réalisation d’armements terrestres (véhicules blindés, armes, munitions). C’est une société nationale dont l’actionnaire unique est l’Etat français. Comme bien des entreprises de ce secteur en pleine mutation, GIAT-Industries subit d’importantes baisses de commandes liées à la diminution du budget de la défense et une récession du marché à l’exportation. De 17000 effectifs en 1987, le groupe est passé à 12500 sur 14 sites suite à l’application de trois plans sociaux. Un quatrième a été annoncé en mai 1996 visant à supprimer 2741 nouveaux postes. L’ensemble des organisations syndicales a contesté ce plan et a amené la direction à reconnaître l’idée que des solutions alternatives au plan social étaient possibles.

De juillet à décembre 1996, 11 réunions se sont tenues (plus de 70 heures de discussions) qui ont permis de définir les grandes lignes d’un accord avec comme objectif premier d’éviter tout licenciement sec. En prenant en compte les départs en retraite, les départs volontaires et les reclassement dans d’autres administrations, l’objectif était d’éviter la suppression de nombreux postes de travail par une mesure importante de réduction du temps de travail (RTT), de maintenir tous les sites, et de prendre des mesures de temps partiel.

L’accord finalement signé définitivement en janvier 1997 entre la direction et quatre syndicats sur cinq prévoit : la sauvegarde de 932 emplois par une RTT de 10% compensée salarialement à 98% ; 229 autres emplois préservés par des mesures de temps partiel ; et l’embauche de 100 à 150 jeunes. Il est conclut pour une durée de 3 ans à partir de février 1997 avec des clauses de suivi. Parallèlement, les syndicats ont obtenu du Ministre de la défense l’assurance du maintien du plan de charge de l’entreprise (volume des commandes de l’Etat) ; ce qui laisse supposer qu’il n’y aura pas d’autre plan social pendant cette période...

Cet accord de RTT est le premier signé en France dans une entreprise d’armement d’Etat. Sa signature a été facilitée par une nouvelle loi, la loi Robien, qui permet à une entreprise en difficulté de réduire le temps de travail pour éviter les suppressions d’emplois, en accord avec les syndicats. La réussite de cette négociation était importante tant pour les ouvriers concernés que pour l’ensemble de l’entreprise elle-même, grandement déficitaire depuis plusieurs années. Mais en plus, l’enjeu est aussi national car cet accord ouvre la voie à la signature d’autres accords de ce type dans d’autres entreprises d’armement ou dans d’autres secteurs d’activité (bancaire par exemple).

Le nombre d’heures passé dans la négociation et le fait que seulement quatre des cinq syndicats aient signé montre qu’elle n’a pas toujours été facile... Un particularisme du syndicalisme français est d’être morcelé en plusieurs organisations souvent calquées sur le système des partis politiques et représentant plutôt l’une ou l’autre des catégories sociales (ouvriers, techniciens, cadres). Pour GIAT-Industries, sur la moitié du personnel environ qui est syndiqué, la CGT représente 45%, la CFDT 35%, et FO et la CGC 10% chacun. "Globalement, on peut dire qu’il y a deux types de syndicalisme dans l’entreprise, dit André Golliard, délégué central CFDT : le premier d’opposition et de dénonciation systématiques représenté par la CGT, qui conduit à des attitudesextrémistes telles que la séquestration de directions, la profération de menaces, etc. Le second, plus réaliste, est un syndicalisme de construction et de propositions priorisant le social sans oublier l’économique. C’est ce type de syndicalisme que développe la CFDT, mais aussi FO et CFTC). La CGC défend plutôt les intérêts des personnels d’encadrement." Depuis quelques années on constate la radicalisation de ces deux tendances qui s’affrontent au travers de débats parfois houleux.

Commentario

"Le parti pris de la solidarité" : c’est le slogan du syndicat CFDT de GIAT-Industries. Un slogan qui se veut dynamique et dynamisant pour des salariés qui sont très inquiets pour leur avenir. Le moral n’est pas très bon en effet alors que l’entreprise en est à son quatrième plan social, que ses effectifs ont diminué d’un quart en 10 ans et qu’elle continue à être déficitaire ! La signature de cet accord est la démonstration de l’engagement de ce syndicat.

Pour autant, tout n’est pas résolu. Les difficultés de GIAT-Industries sont grandes et d’autres solutions sont à inventer. Tout d’abord, et en supposant que le plan de charge de l’entreprise soit maintenu, le bénéfice de la RTT sera nul s’il n’est pas suivi d’une nouvelle organisation du travail : il faudra changer des habitudes, faire un effort de formation, gagner en compétitivité...

Les différents statuts des personnels ne sont pas non plus un facteur facilitant l’évolution : certains sont fonctionnaires, d’autres salariés d’Etat, et d’autres encore sous contrat. Pour les premiers, leur emploi est garanti par l’Etat au sein d’une administration. Il est prévu de reclasser 500 personnels de GIAT-Industries auprès d’administrations voisines. Un travail important reste à mener au niveau interministériel pour atténuer les contraintes de mobilité de ces personnels. Pour les seconds, leur statut les attache à l’entreprise sans pouvoir en changer... Pour les troisièmes, leur contrat est semblable à tout contrat de l’industrie privée. Il est évident que les salariés des deux premiers statuts, et surtout du deuxième, sont très attachés à conserver leurs avantages, attitude d’autant plus négative au moment où l’entreprise est en crise.

Enfin, quelques idées de diversifications existent, il convient de leur prêter le maximum d’attention, même si quelques tentatives précédentes n’ont pas abouti (produits existants déjà sur le marché, coûts trop élevés face à la concurrence privée, etc.).

Notas

Entretien avec André Golliard, délégué syndical central CFDT GIAT-Industries.