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Montargis, October 1999

Entretien avec Monique Stroobants, médiatrice familiale belge.

Responsabiliser les personnes.

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Monique Stroobants, médiatrice familiale belge, est présidente de l’Association pour la Médiation Familiale et vice-présidente du Forum Mondial de la Médiation (1). Après avoir été pendant 19 ans conseillère familiale et enseignante, elle est médiatrice familiale depuis 1989. Elle a confronté ses pratiques de médiation lors de nombreux séjours à l’étranger, notamment au Québec, et en suivant plusieurs formations mais elle dit ne vouloir faire partie “d’aucune école”.

NVA :

Pouvez-vous présenter les activités en Belgique de l’Association pour la Médiation Familiale ?}

Monique Stroobants :

L’association a été formée par sept médiateurs en 1991 qui étaient de formations et professions juridiques ou psychologiques. Elle s’est ouverte à tous les médiateurs familiaux de la Belgique francophone. Nous n’étions pas très nombreux au départ. Des formations ont été créées de type long et court. Nous nous sommes dits que nous avions une spécificité à maintenir basée sur le code de déontologie que nous avons établi et que nous sommes en train de modifier actuellement : la confidentialité, la fin de la médiation, les contenus écrits, le respect de la personne, l’éthique, la compétence… Avant même d’aborder la déontologie professionnelle, on doit avoir une éthique personnelle très rigoureuse. L’association s’occupe principalement de médiation familiale et scolaire. Elle organise des formations, des supervisions, diffuse des outils, des dates de colloque ou de congrès…

Autant la Belgique était en avance sur la France au début en terme de médiation familiale, à la fin des années 80, autant elle a pris du retard depuis cinq ans. Il n’y a pas beaucoup de médiateurs de terrain et il a fallu apprivoiser le monde judiciaire… En France, il y a eu rapidement plus de personnes de ce milieu à s’intéresser à la médiation. C’est pour cela qui permet une forme de médiation familiale, alors qu’en Belgique ce n’est pas le cas (lire encadré).

NVA :

Dans votre travail de médiatrice familiale, intervenez-vous à la demande des familles ou dans le cadre de procédures de divorce ?

Monique Stroobants :

Dans les deux cas. En Belgique francophone, les médiateurs familiaux ont débuté dans les centres de planning familiaux, principalement, vers 1988-89. A l’époque, je travaillais comme conseillère conjugale et familiale et j’étais arrivée à des processus qui ressemblaient à la médiation familiale pour les cas de séparation et de divorce, mais sans en avoir le nom. J’ai approfondi ma formation à la médiation familiale au Canada dès 1989. On a toujours intérêt à aller voir comment cela se passe ailleurs plutôt que de rester enfermé dans quelque chose qui se fige.

Dans les contrats de mariage actuels, au Québec, on peut écrire qu’en cas de problème on doit d’abord aller chez le médiateur avant d’aller chez l’avocat ou chez le juge. Une loi de 1997 prévoit que les six premières séances de médiation familiale sont payées par l’Etat s’il y a des enfants. Ils ont fait le calcul que cela revenait moins cher que de payer tout le monde judiciaire autour de ça ! Les couples qui ont des enfants sont obligés d’aller aux séances d’information sur la médiation. Cela dit, je trouve qu’au Québec, la médiation est en train de se figer car elle est définie uniquement dans quatre types de profession : les avocats, les psy, les éducateurs et le social. Ces professions ont 90 heures de formation à la médiation et doivent assumer dix médiations supervisées pour être considérées comme avocats-médiateurs ou psy-médiateurs…

NVA :

A vos yeux le processus de médiation est-il forcément un processus de changement des personnes ?

Monique Stroobants :

Un processus éducatif, c’est sûr, une initiation à une autre logique, une autre réflexion. J’ai eu un couple qui a suivi tout le processus de médiation dans les règles de l’art : séparation, rencontre préalable séparément en médiation, négociation sur l’avenir (le logement, les budgets etc). Je me souviens qu’ils allaient quatre fois par semaine au restaurant en famille ! Alors quand la famille éclate, ce n’est plus possible de payer. J’ai demandé à chaque parent de faire des menus et d’évaluer les coûts. Nous avons mis les accords par écrit et, au moment de signer, le couple est venu nous voir pour nous dire qu’ils étaient très contents du travail fait ensemble, qu’ils avaient appris à se parler, à gérer leur argent, et décidé de rester ensemble. Ils avaient, lors de la médiation, résolu les difficultés qui les avaient amené à la médiation !

Quand la séparation est effective, il faut parfois établir des contrats précis pour la gestion de la vie quotidienne (l’argent dépensé pour les enfants, l’hébergement, etc), car cela peut soulager les relations pendant des années. Je ne le fais pas systématiquement : parfois je vois un couple deux fois et il part avec les outils qu’il lui faut pour gérer la suite…

NVA :

Quelle est la neutralité du médiateur ?

Monique Stroobants :

Je ne crois pas que le médiateur soit neutre. Je suis une femme, donc je ne suis pas neutre vis-à-vis de celui ou de celle qui est en face de moi. On peut avoir des attitudes de neutralité mais l’on n’est pas neutre dans sa pensée. Cela ne m’empêche pas d’écouter de façon la plus neutre possible. Je préfère le mot “impartial” : travailler sans prendre parti. En médiation, je pense que l’on peut avoir des attitudes impartiales par rapport aux personnes présentes. Le médiateur doit prendre en compte l’ensemble des personnes présentes et absentes, que ce soit une famille ou un groupe de musiciens.

D’autre part, en médiation familiale, on dit toujours que l’intérêt de l’enfant doit primer. La médiation s’est développée sur l’intérêt de l’enfant, ce qui est légitime. Mais il n’y a pas que l’intérêt de l’enfant qui doit justifier la médiation. L’intérêt de chacun est important et le médiateur doit pouvoir prendre en compte l’intérêt des différentes parties, ce qui est très complexe.

NVA :

On parle également de “multipartialité”…

Monique Stroobants :

Entendre chacun, oui, mais je peux les entendre sans prendre parti. “Multipartialité”, ce serait encore prendre parti. L’impartialité implique de ne pas prendre parti, ce qui ne veut pas dire que l’on n’a pas notre idée sur la situation. Le médiateur doit rester petit, humble, oser rater, oser essayer quelque chose, sans obligation de résultat. Je pars en médiation sans me dire qu’il faut arriver à ceci ou cela. J’ai l’obligation de faire tout ce que je peux, mais sans obligation de résultat. Cela m’aide à travailler.

NVA :

En médiation, quelle est votre position face aux personnes qui ont des attitudes de mauvaise foi ?

Monique Stroobants :

Si je la décèle, je la dis (“Il me semble que…”) et on en parle. La mauvaise foi existe car, pour certaines personnes, c’est la seule manière de sortir de leur impasse. On doit pouvoir accueillir cette mauvaise foi, plutôt que rejeter ces personnes… Dans ces cas de mauvaise foi, ou de violence, que nous avons aussi notre rôle à jouer. Au Canada, par exemple, il y a deux écoles dans la médiation familiale et l’une estime que si les gens sont violents, on ne les prend pas. Je peux comprendre que certains médiateurs ne peuvent ou ne veulent pas prendre des situations de violence, mais je pense que des médiateurs doivent être là aussi pour accueillir ces gens là, qui font acte de violence et qui sont dans une situation difficile à vivre.

Dans un premier temps il faut soutenir la personne qui est dans la mauvaise foi pour que, ensuite, elle puisse se sentir en confiance et abandonner cette mauvaise foi. C’est dur, car il faut que le médiateur lui-même sorte de son jugement, de son envie. C’est la même attitude que lorsqu’on est face à des gens forts et faibles. L’attitude de l’assistante sociale, des juges, est souvent de prendre, inconsciemment, le parti du faible. Mon plus grand travail comme médiatrice a été d’apprendre à entendre le plus fort et à parvenir à travailler avec lui aussi. Celui qui tape a également le droit d’être entendu. Le médiateur doit faire cet apprentissage.

J’ai cette chance d’avoir été conseillère conjugale et familiale pendant 19 ans et j’ai suivi de nombreuses formations dans plusieurs école de médiation, mais je ne veux pas appartenir à une école. Je pense que, dans certains cas, en terme de prévention, certains couples ont besoin d’idées, de conseils, et qu’il ne faut pas forcément les laisser chercher tout eux-mêmes. N’oublions pas que la médiation doit aider les personnes à prendre des responsabilités. Dans certains cas, pourquoi ne pas leur suggérer des choses ? Tous les gens ne sont pas des inventifs. Je sais que certains médiateurs disent qu’il ne faut pas donner de conseils, mais je ne suis pas complètement d’accord. Je tiens à ne pas figer la médiation.

Propos recueillis par Christian Le Meut.

Commentary

La médiation se doit d’être dynamique et flexible et surtout d’être ouverte à toutes les parties. Les forts et les faibles. Sans prendre parti et sans prétendre d’être neutre non plus, le médiateur peut proposer des alternatives et aussi, des conseils afin de responsabiliser les personnes et leur aider à résoudre ou gérer leurs conflits.

Notes

  • (1) Association pour la Promotion de la Médiation Familiale, rue Melpomène 24C, 1080 Bruxelles, Belgique. Le Forum Mondial de la Médiation (P° Santa Maria de la Cabeza, 6 - 2 Izda - 28045 Madrid, Espagne - Fax : 00 34 91 530 86 02) organise une biennale internationale réunissant tous les domaines de la médiation.