Fiche d’expérience Dossier : Les Organisations Non-Violentes en France

Guillaume Gamblin, Paris, janvier 2007

Cun du Larzac - un carrefour des solidarités

Le Cun est conçu dès son origine comme un lieu de solidarités multiples. Ces solidarités diverses prennent toute leur ampleur à travers l’activité de formation avec les militants en France, et à l’étranger. Le Cun n’a cessé durant ses trois décennies d’existence d’être un lieu d’entrecroisement entre différents acteurs de la non-violence. Cette dernière a en effet une place particulière dans l’histoire du Cun, elle en est le terreau fondateur, qui continue de nourrir en profondeur ses initiatives et ses engagements.

Mots clefs : Théorie de la non-violence | Education à la non-violence | Organisation non-violente | Former de nouveaux acteurs de paix | Soutenir l'organisation de sociétés civiles locales | Apprendre une culture de paix | Promouvoir une culture de paix | Eduquer à la prévention des conflits | France

I. Le Cun solidaire : luttes politiques, écologie, développement.

Le Cun est conçu dès son origine comme un lieu de solidarités multiples ; et on peut dire que cette orientation ne s’est jamais démentie. Dès le départ c’est la solidarité militante avec les paysans du plateau du Larzac en lutte, solidarité qui devient vite réciproque lorsque les initiateurs du Cun connaissent des déboires pour s’installer. Une coopération durable existe avec le journal militant Gardarem Lo Larzac.

L’innovation en matière de mode de vie et d’habitat écologique, notamment avec l’expérimentation concrète de l’autosuffisance par les énergies renouvelables (éolienne) et la construction d’une maison en bottes de paille en 1979, est aussi une manière concrète d’assumer cette responsabilité au niveau de l’interdépendance écologique. Des brochures sur l’installation éolienne et des maisons en paille ont été diffusées, et sont actuellement en cours de réédition. Actuellement un appel d’offres est fait pour reprendre et développer le secteur des énergies renouvelables du Cun.

Cette solidarité a pris toute son ampleur à travers l’activité de formation avec les militants en France, et à l’étranger depuis le milieu des années 80. En particulier avec des mouvements d’émancipation kanaks, avec des mouvements démocrates algériens, des mouvements tchadiens de défense des droits humains, dont Tchad Non-Violence qui noue un partenariat étroit avec le Cun et mène une activité de formation impressionnante auprès de nombreux secteurs de la société. Mais aussi au Sénégal avec des réfugiés mauritaniens, au Liban, etc…

En 1990, de retour d’une formation au Liban, Hervé Ott avec le Cun impulse l’organisation de 3 mois d’activités culturelles sur le monde arabe à Millau et ses alentours, en partenariat avec 14 associations locales et la mairie, la MJC, la bibliothèque, etc… Cela fait partie du souci de sensibilisation aux autres cultures qui est une dimension importante de cette solidarité. C’est dans cette optique que se développe l’idée de créer dans l’avenir un « espace de solidarités » pour sensibiliser aux rapports Nord-Sud à partir de l’expérience du Cun. Expérimenter et soutenir d’autres modèles de développement, s’impliquer dans la défense des droits humains ici comme ailleurs, constituent des orientations essentielles qui se traduisent par le soutien à de nombreux projets tels qu’un centre de l’environnement au Maroc, ou le soutien aux campagnes d’Agir Ici et du Réseau Solidarité. Le Cun coordonne l’organisation de la rencontre internationale sur le thème de la « non-violence dans les luttes pour les droits de l’Homme », qui est finalement organisée en 1989 à Paris avec d’autres mouvements non-violents, réunissant des acteurs essentiels de dynamiques non-violentes dans le monde, et a donné lieu à la publication d’un dossier.

Une fraternité constante a uni le Cun et les mouvements d’objecteurs de conscience, se traduisant par l’organisation sur place d’une fête-forum des objecteurs en 1985, qui a réuni 350 personnes, des « Assises de l’objection » en 1991, ou encore d’une rencontre internationale d’objecteurs (ICOM) en 1992.

Les guerres en Irak, en Ex-Yougoslavie ou encore au Proche-Orient donnent encore lieu à une implication du Cun dans des manifestations de solidarité. Implication aussi dans le soutien aux activités militantes de la Confédération Paysanne récemment.

II. Réunir les acteurs, relier les problèmes.

Le Cun n’a cessé durant ses trois décennies d’existence d’être un lieu d’entrecroisement entre différents acteurs impliqués dans un même domaine ou engagés dans des secteurs d’activité différents : rencontres nationales et internationales d’objecteurs de conscience à trois reprises, rencontre sur la non-violence, rencontres « Médiations, démarches citoyennes » en 1999, réunissant des praticiens « d’approches différentes qui ne travaillent pas forcément sur les mêmes terrains », dans un esprit de confrontation constructive, ayant abouti sur la réalisation d’un dossier : « faire travailler les gens en réseau et les faire se rencontrer est une vocation du Cun », estime Hervé Ott. Cette diversité de partenaires s’est concrétisée par la présence, pour fêter les 20 ans du Cun en 1996, de 35 mouvements et associations « amis » d’origines variées du Nord et du Sud :

  • organisations non-violentes ;

  • associations locales ;

  • écologistes impliquées dans les rapports Nord-Sud…

Un forum sur les pratiques pédagogiques en matière de non-violence, d’écologie et de développement, est envisagé pour l’été 2004, et à terme le souhait des organisateurs est qu’une rencontre à thème puisse être organisée à un rythme bi-annuel.

Les trois axes de l’écologie, du développement et de la non-violence, constituent la colonne vertébrale du Cun, d’un point de vue philosophique et historique. La volonté d’adopter une approche reliée et transversale des problèmes s’inscrit dès le début dans ses grandes orientations, l’écologie au quotidien étant une manière d’être non-violent dans les modes de consommation et de production, et en même temps l’expérimentation d’un autre modèle de développement humain, énergétique, économique. La solidarité locale et internationale est elle aussi imbriquée dans une démarche de non-violence active et le soutien à d’autres modes de développement. La démarche du Cun est une démarche de recherche, mais radicalement distincte de l’approche classique théorique et spécialisée : elle se veut expérimentale d’une part, et décloisonnée d’autre part. Ce n’est pas un hasard si la revue Silence a choisi ce lieu pour fêter ses 20 ans en 2002, elle qui porte en sous-titre cette profession de foi d’interdépendance des domaines suivants : « écologie, alternatives, non-violence ».

Les informations sur la vie, les activités et l’évolution de la structure et des diverses associations qui la composent, sont diffusées notamment à travers le « bulletin du Cun », au tirage variable pouvant aller jusqu’à 350 exemplaires, existant depuis les premières années de son activité.

III. Un carrefour des non-violences.

Cette volonté de relier les acteurs et de décloisonner les problématiques s’est exprimée également parmi les organisations non-violentes françaises (ONV). La non-violence a en effet une place particulière dans l’histoire du Cun, elle en est le terreau fondateur, qui continue de nourrir en profondeur ses initiatives et ses engagements. C’est avant tout dans une dynamique non-violente que s’est construit ce lieu, qui cherche à vivre la non-violence dans tous les aspects de la vie, tout en essayant d’être un pôle d’information, de formation et de recherche sur ce thème. Selon Hervé Ott, à l’époque de la création du Cun il existe « trois poids lourds » de la non-violence en France :

  • Le MAN, qui promeut une non-violence politique.

  • L’Arche, qui promeut une non-violence communautaire.

  • Le MIR, qui promeut une non-violence évangélique.

Les fondateurs du Cun ont dès l’origine la volonté de concilier ces différentes orientations, qui sont jugées compatibles voire complémentaires. Le projet communautaire est donc noué à une approche « politique » qui se traduit entre autres dans les premières années par la tenue d’un congrès du Man sur les lieux ou encore par des recherches sur la Défense Civile Non-Violente comme alternative à la politique de défense nucléaire de la France. De la même manière une ouverture bienveillante est faite aux approches religieuses de la non-violence, en plus d’un travail théologique élaboré par des membres du Cun eux-mêmes.

Le Cun partage l’initiative de la création de la « Coordination française pour la non-violence », qui dure quelques années et débouche entre autres sur la rédaction en 1993 d’un texte commun intitulé « Qu’entendons-nous par « non-violence » ? " Il participe actuellement au fonctionnement du fonds associatif Non-Violence XXI et adhère à la Coordination Française pour la Décennie.

Il travaille en partenariat avec nombre d’ONV françaises parmi lesquelles en particulier les Ifman pour la formation, mais aussi l’ensemble des partenaires du Comité ICP (EpB, etc…), de nombreux instituts de médiation et de formation (Retrouve, etc…) . Une relation étroite est entretenue également avec des mouvements européens (comme EICCC en Allemagne) et internationaux (Tchad

Non-Violence, Touiza en Algérie, etc…).

IV. En guise de conclusion…

Cette diversité des champs d’intervention et de réflexion du Cun constitue sa richesse, mais une richesse difficile à maîtriser compte tenu des ressources humaines limitées de cette petite structure.

Le Cun peine également à se démarquer des sillons d’une image « alternative et militante » laissée par ses premières années d’existence, pour évoluer vers une meilleure reconnaissance professionnelle et être davantage « pris au sérieux », malgré entre autres, un effort notable pour renouveler le vocabulaire de la non-violence et le rendre opératoire dans des contextes non-militants (interventions dans la cité ou en entreprises,…).

Coordonnées :

  • Le Cun du Larzac

  • Tel : 05 65 61 33 26

  • E-mail : cuninstitut@wanadoo.fr

  • Site web : www.ieccc.org

Commentaire

L’un des aspects les plus étonnants de l’expérience du Cun, est sa formidable capacité à tirer parti de ses erreurs pour les transformer en force, à faire de ses expériences difficiles la source d’un savoir et d’un savoir-faire, en termes d’organisation en particulier. L’expérimentation de nouveaux modes de relation, de pouvoir, d’organisation, a été source de tâtonnements, d’erreurs, de souffrances, qui ont engendré des réflexions originales sur le sujet, débouchant sur des compétences importantes. Aujourd’hui, au sein de la nouvelle organisation du Cun, comme dans le cadre des formations délivrées par IECCC, la question de la définition et de la distinction des rôles et des fonctions est centrale. Elle découle directement de l’expérience difficile du Cun à ce sujet. D’un autre côté la médiation, le consensus, sont aujourd’hui valorisés dans ces mêmes cadres en tant qu’expérimentations concluantes et positives. C’est donc à partir d’une expérience déterminée qu’un savoir et un savoir-faire originaux et opérants dans d’autres situations ont pu être élaborés et mis en valeur.

Notes

Sources :

  • Entretien avec Hervé Ott du 26 Juin 2003.

  • Brochures de présentation du Cun et de IECCC.

  • Dossier « Médiations. Démarches citoyennes ».

  • Numéros du bulletin mensuel « Le Cun du Larzac ».

  • Charte et statuts du Cun.

  • Dossier ’Approche et Transformation Constructive des Conflits ( A.T.C.C.)".

  • Brochure de présentation de la formation de « Consultant en A.T.C.C ».

  • Dossier"Le courage civil ».