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Paris, junio 2006

Civilisation

Civilisation

Le mot civilisation est employé en des sens très variés et souvent imprécis. Dans le langage courant, le mot civilisation est associé à un jugement de valeur et qualifie favorablement les sociétés à propos desquelles il est employé.

Ainsi, dans l’optique évolutionniste du XIXe siècle, la civilisation s’oppose à la barbarie. Les sociétés civilisées sont celles qui connaissent la religion, la morale, les bonnes mœurs etc. et l’on suppose que les sociétés dites primitives ou préhistoriques ne sont pas civilisées.

En sociologie moderne, l’idée de la civilisation comme processus s’identifie plus souvent avec les analyses du sociologue Norbert Elias : il note qu’au XIXe siècle, la notion de civilisation avait fini par avoir une seule fonction générale : celle de symboliser le sentiment de supériorité de l’Occident. Par le terme de "civilisation" la société occidentale cherche à décrire ce qui constitue son caractère propre et ce dont elle est fière : le niveau de sa technologie, la nature de ses mœurs, le développement de ses connaissances scientifiques.

Historiquement, le mot "civilisation" a désigné ce qui pouvait séparer les peuples se disant plus évolués que les autres, moins, peu ou pas évolués : on voit bien la forte charge idéologique à l’œuvre. Le terme a donc tout naturellement été employé dans un contexte colonialiste voire impérialiste pour désigner la culture européenne, occidentale considérée comme supérieure aux autres, d’une manière absolue.

Il faut attendre l’évolution de l’anthropologie pour comprendre que la civilisation n’est pas un attribut de certaines sociétés dites évoluées. Toutes les sociétés humaines connaissent une forme de civilisation.

Taylor dans son étude « Primitive culture » pose les deux termes culture et civilisation comme rigoureusement synonymes et donne la définition suivante « le mot culture, ou civilisation, pris dans son sens ethnographique le plus étendu désigne ce tout complexe comprenant à la fois les sciences, les croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes et les autres facultés et habitudes acquises par l’homme dans l’état social ». Cependant, dans le même livre, il distingue trois états d’évolutions des sociétés.

L’état sauvage, l’état barbare, l’état de civilisation. La civilisation est confondue avec un certain type élevé de culture.

Certains auteurs établissent un antagonisme entre culture et civilisation. La culture serait une organisation du monde où s’amalgame la sorcellerie, la magie, le sauvage. Alors que la civilisation serait l’organisation du monde selon la raison, l’esprit cartésien. Il s’agirait donc d’un binôme. La culture serait du côté des sentiments et la civilisation du côté de la raison.

La question des civilisations a connu un renouveau avec le débat lancé au début des années 1990 par Samuel P. Huntington (Le choc des civilisations, 1996). Ce professeur de sciences politiques soutient que le monde actuel est composé de grandes aires de civilisations distinctes. Les conflits majeurs de notre temps se situant aux zones de frontières entre ces civilisations.

Mais si une lecture des conflits actuels est possible sous l’angle d’un choc de civilisations, il ne faut pas non plus nier la communication, le métissage, le branchement, pour parler comme Jean Loup Amselle, possible entre les civilisations ou entre les cultures. Un métissage qui vient de la constitution même de la civilisation. Celle-ci n’est jamais derterminée mais se construit dans le rapport avec les autres.

Avec le phénomène de la mondialisation, le clivage entre civilisés et sauvages s’estompe pour laisser émerger le respect de la diversité culturelle à la place de la hiérarchisation des civilisations entraînant avec elle la domination des unes sur les autres.