Fiche d’acteur Dossier : Dossier Colombie

, Grenoble, février 2006

ASCOBA, une organisation de base au service de la défense des droits des populations

La défense de la vie, de l’autonomie et de l’identité culturelle

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Qu’est-ce qu’ASCOBA ?

ASCOBA est une organisation de base, représentant les populations noires et métisses du Bas Atrato. En effet, par une loi datant de 1993 les communautés noires colombiennes sont reconnues comme ethnie et se voient reconnaître le droit de propriété collective sur les terres en friche qu’elles ont occupées historiquement dans les zones rurales du Bassin du Pacifique en utilisant des pratiques traditionnelles de production. Cette loi établit des mécanismes pour la protection de l’identité culturelle des droits des communautés noires de Colombie en tant que groupe ethnique, et la promotion de son développement économique et social. Par cette loi, les communautés noires, qui représentent, environ 10% de la population Colombienne sont visibilisées aux yeux de la nation colombienne, et peuvent ainsi réclamer des droits en tant que minorité ethnique.

Selon la loi 70 de 1993 sur la titulation collective des terres des communautés noires, le conseil communautaire est l’autorité qui administre le territoire collectif.

ASCOBA est donc une organisation « ethnico-territoriale » rassemblant les conseils communautaires de 57 communautés du Bas Atrato et 7 coopératives ; elle représente une population d’environ 15 000 habitants. Selon les leaders, la COCOMACIA – Conseil Communautaire Majeur de l’Association Paysanne de l’Atrato –, organisation représentant les communautés noires du Moyen Atrato, basée à Quibdo, est la « grande sœur » d’ASCOBA. En effet, la COCOMACIA, créée en 1987, a été pionnière dans la lutte pour la titulation des terres et dans la revendication du droit de des populations noires, à l’échelle locale comme nationale.

ASCOBA a été créée lors de l’Assemblée des conseils communautaires du Bas Atrato , qui s’est tenue du 14 au 17 octobre 2003 à Costa de Oro

Sur 43 conseils invités, 33 ont répondu présents. Parmi les absents, on recense notamment les conseils de Truando Medio, Jiguamiandó et Cacarica. Son siège se trouve actuellement à Riosucio.

Étaient présents à l’Assemblée trois délégués de chaque conseil communautaire ainsi que des membres de l’ACIA (Association Paysanne Intégrale de l’Atrato, organisation de base du Moyen Atrato.), la Paroisse de Riosucio, la Defensoría Comunitaria del Pueblo, une partie de l’équipe du CINEP, des représentants de la Pastorale Social du Diocèse d’Apartado et le comité de solidarité français avec les Communautés de Paix.

Quel est l’objectif d’ASCOBA ?

Selon la déclaration d’octobre 2003, l’objectif d’ASCOBA est de « rechercher pour toutes les communautés et leurs habitants une meilleure qualité de vie, en prenant en compte l’élaboration et la mise en place de plans de développement qui répondent pour chaque ethnie, aux besoins économiques, sociaux, culturels et politiques de la population, afin d’obtenir une meilleure harmonie avec la nature, sur la base des valeurs chrétiennes et de justice sociale .”

L’objectif principal d’ASCOBA est « la défense de la vie des communautés sur leur territoire par la promotion de leurs droits humains, économiques, sociaux, culturels, politiques et environnementaux. »

L’association prétend pour cela :

  • Appuyer le retour des communautés sur leur territoire et y défendre leur autonomie

  • Lutter avec l’appui de l’Etat contre l’usurpation des terres communautaires

  • Promouvoir la culture traditionnelle des communautés, notamment en matière d’organisation et de gestion des conflits

  • Générer des conditions dignes d’éducation, de santé et de communication

  • Former les communautés à la formulation, la mise en place et la gestion de projets économiques

La jeune organisation, par le travail de conscientisation et de plaidoyer de ses leaders, va donc s’attacher à la défense de vie sur le territoire - face aux acteurs armés et aux acteurs économiques – à la défense de l’identité culturelle et à la défense de l’autonomie.

Comment est organisé ASCOBA ?

L’Assemblée Générale d’ASCOBA est composée des 57 Conseils Communautaires. Des Conseils de Cuencas formés de plusieurs communautés constituent des espaces de discussion. La junta directiva, en tant qu’organe d’administration, d’exécution et de coordination, remplit les mandats de l’Assemblée et des rencontres des Cuencas. Les conseils communautaires locaux représentent la première expression d’organisation dans l’association et travaillent en comités thématiques, 12 au total, chargés de la mise en œuvre et du suivi des objectifs de l’association :

  • Droits de l’Homme et Droit International Humanitaire

  • Ethnie et territoire

  • Genre

  • Jeunes

  • Santé

  • Environnement et Développement

  • Anciens

  • Veille citoyenne et communautaire

  • Culture, récréation et sport

  • Education

  • Assainissement basique et services publics

  • Commission de discipline

L’association demande la poursuite du soutien de l’Eglise, des ONGs et autres institutions, mais selon certains critères, les principaux étant :

  • que ces entités se coordonnent entre elles ;

  • qu’elles se concertent et se coordonnent avec les communautés et ASCOBA et tiennent comptent de leurs recommandations et volontés ;

  • qu’ASCOBA gère par elle-même les fonds qui sont destinés aux communautés et que celles-ci exécutent elles-mêmes les projets dont elles sont bénéficiaires ;

  • que les entités qui les appuient soutiennent leur autonomie.

Commentaire

La jeune organisation, en quelques années, s’est structurée et a gagné en légitimité. Son rôle d’interlocution avec les acteurs étatiques s’affirme et les leaders prennent de l’autonomie par rapport aux institutions accompagnatrices, qui ont joué un rôle si important dans tout le processus organisationnel de la région.

Aujourd’hui, l’enjeu majeur est de conserver l’unité d’ASCOBA et d’éviter que la tête ne se développe (la direction, les leaders basés à Riosucio) au détriment du corps (les communautés elles-mêmes, très dispersées géographiquement). Comment éviter que les leaders ne se coupent des communautés, éloignées, qu’ils représentent ? D’autre part, les acteurs qui n’ont pas intérêt à voir une organisation communautaire se développer, cherchent à diviser les organisations sociales pour mieux régner. Cette pratique a toujours été courante dans la région et il existe aujourd’hui autre organisation concurrente rassemblant des conseils communautaires. De même, l’organisation représentant les communautés indigènes de tout le Chocó a subi des divisions, orchestrées de l’extérieur pour miner le processus.

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