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Emilie Bousquier, Paris, 2006

Les instruments de l’action communautaire en faveur du développement

Le cadre réglementaire communautaire actuel en matière de coopération au développement.

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La base juridique de la politique de coopération au développement en droit communautaire est le texte du traité établissant la Communauté européenne dont plusieurs articles traitent de cette politique. Il faut toutefois, dans le cadre de notre analyse qui se réduit aux pays d’Amérique centrale et aux pays andins, en exclure certains relatifs notamment à la coopération avec les pays ACP. « L’acquis communautaire en matière de coopération au développement s’est considérablement élargi ces dernières années mais – en raison des relations avec le droit international du développement – l’action de la communauté en faveur du tiers monde s’exerce via des instruments aussi nombreux que divers : traités, règlements et directives, accords internationaux, actes adoptés dans le cadre de la PESC ou de la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures » (1).

I. Le contenu « développement » des traités : cohérence, coordination et complémentarité

Il s’agit du Titre XX, à savoir « Coopération au développement », articles 177 à 181.

(Cf. annexe avec art.177 à 181)

1. Avant le Traité de Maastricht

La Communauté entretient des relations avec les PED depuis le traité de Rome de 1957. Dès le traité de Rome, la Communauté s’associe, sur la base des articles 182 à 188 TCE (du traité de Nice) « les pays et territoires d’outre mer », soit le Congo qui dépendait de la Belgique, du Togo et du Cameroun liés à la France, de la Somalie liée à l’Italie et des Antilles néerlandaises aux Pays Bas. Dans les années 1970, s’affermissent les rapports de coopération avec les pays du Maghreb, du Maschrek et Israël, de même que l’on assiste à l’amorce d’une dynamique de partenariat en direction des zones d’Asie et d’Amérique latine.

La Communauté n’a donc pas manqué, dans les faits, d’initier une politique de coopération au développement alors même que le Traité ne lui attribuait aucune compétence spécifique ni expresse en la matière.

2. Le Traité de Maastricht (1992)

Le traité de Maastricht, insérant au TCE un titre relatif à la coopération au développement, va doter les activités de coopération de la Communauté d’un cadre juridique exprès :

  • fixant les objectifs de la politique de développement ;

  • posant des directives de nature à garantir l’efficacité des activités menées dans ce cadre ;

  • et enfin, fixant la procédure de décision.

Les objectifs de la politique sont définis à l’article 130U qui est devenu, depuis le traité d’Amsterdam, l’article 177 (2), mais son contenu est resté inchangé jusqu’à aujourd’hui. Le 1er paragraphe définit les objectifs économiques et sociaux de la politique de coopération au développement de la Communauté. Il s’agit de favoriser :

  • le développement économique et social durable des pays en développement ;

  • la lutte contre la pauvreté dans les pays en développement ; ce qui vise les pays les plus pauvres mais également la prise en considération des populations les plus déshéritées et les plus vulnérables à l’intérieur des pays appartenant au monde en développement.

Le deuxième paragraphe complète ces objectifs en précisant que « La politique de la Communauté dans ce domaine contribue à l’objectif général de développement et de consolidation de la démocratie et de l’État de droit, ainsi qu’à l’objectif du respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ».

Enfin, le troisième paragraphe ajoute encore les engagements et objectifs agréés dans le cadre des Nations unies et des autres organisations internationales.

L’article 177 précise également que la politique de coopération au développement de la communauté est complémentaire des politiques de coopération menées par les États membres.

De plus, l’article 178 TCE oblige à la cohérence, non plus entre les politiques de développement menées par la communauté d’une part et les Etats membres d’autre part, mais entre les différentes politiques menées par la communauté elle-même. L’article 178 appelle donc à la cohérence entre des politiques telles que la Politique Agricole Commune, de la Pêche, ou la politique commerciale commune d’une part, et la politique de développement d’autre part.

Aux termes de l’article 179 TCE, « le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251, arrête les mesures nécessaires à la poursuite des objectifs visés à l’article 177. Ces mesures peuvent prendre la forme de programmes pluriannuels ». « Les décisions dans le domaine de la coopération au développement sont prises à la majorité qualifiée avec co-décision du Parlement européen. Elles sont également prises à la majorité qualifiée après consultation du Parlement dans le cadre de la coopération économique, financière et technique (article 181A TCE). Une véritable communautarisation de cette politique est donc perceptible » (3).

L’article 180 TCE attire l’attention sur une exigence de complémentarité et de coordination et met en évidence que la compétence de la communauté en matière d’aide au développement n’est pas une compétence exclusive, mais une compétence partagée, que l’exercice de cette compétence par la Communauté ne prive pas nécessairement les Etats membres de leur compétence pour agir dans les mêmes matières. En conséquence, et afin d’améliorer l’impact de l’aide européenne et d’apporter une réelle plus value par rapport aux aides bilatérales des Etats membres, les acteurs doivent coordonner leurs efforts.

De plus, l’article 181 TCE définit la procédure particulière à suivre lorsque la Communauté conclut des accords internationaux de coopération avec les Etats tiers ou les organisations internationales. Cet article permet à la Communauté d’adopter des mesures autonomes ou de conclure des accords sur des questions relatives à la coopération au sens large (coopération économique, commerciale, financière…) avec des tiers.

Le TCE confère à la politique de coopération au développement une base juridique propre, autonome, qui va pouvoir guider à l’avenir l’action de la communauté. Les objectifs de l’aide ne se limitent plus au développement économique et social durable et à la lutte contre la pauvreté, mais incluent également des préoccupations thématiques relatives, notamment :

  • à la gouvernance ;

  • au développement de la société civile ;

  • à la protection de l’environnement et de la santé.

Enfin, dans le cadre de la politique de coopération au développement, il existe également le Titre XXI relatif à la « Coopération économique, financière et technique avec les pays tiers » ; toutefois, cette étude se limitera à traiter de la lutte contre la pauvreté en Amérique centrale et dans les pays andins mais sans analyser la coopération économique et financière. Nous nous devons également d’exclure la quatrième partie du traité intitulée « l’association des pays et territoires d’Outre-mer » ainsi que l’article 310 du traité fondant la coopération avec les pays ACP et méditerranéens notamment, puisqu’ils ne traitent pas de la zone géographique délimitée dans notre travail.

II. Le droit dérivé communautaire : les règlements et directives « développement » / Le règlement PVD-ALA

En plus des traités, l’acquis communautaire inclut une série de législations communautaires en matière de développement ainsi que plusieurs accords internationaux. Les bases juridiques régissant l’aide de l’Union européenne à toutes les autres régions du monde sont les règlements du Conseil et du Parlement européen, établis sur proposition de la Commission. Ces règlements n’ont pas le statut d’accords internationaux mais ils constituent le cadre juridique régissant les relations de coopération entre l’Union européenne et les pays bénéficiaires de la coopération communautaire. « En adhérant à l’Union européenne, l’Espagne et le Portugal ont pu véhiculer leur intérêt à élargir le schéma de la coopération communautaire à l’Amérique latine » (4). Les discussions internes visant à établir la base juridique de cette coopération se sont soldées par l’adoption du règlement PVD - ALA (5), l’instrument de référence pour l’exécution des actions de l’Union européenne sur ces deux continents. Le règlement PVD - ALA n°443/92 est un acte unilatéral de la Communauté qui fixe la stratégie générale de l’Union européenne pour la région de l’Amérique latine (en plus de l’Asie).

La préoccupation principale de l’Union européenne pour l’Amérique latine est de consolider la stabilité politique de cette région et de promouvoir son développement économique et social. « Les déboursements qui lui ont été consacrés dans le cadre du programme ALA se sont élevés à 313,82 millions d’euros en 2004 » (6), 310 millions d’euros en 2005. En Amérique latine, le Nicaragua est le premier bénéficiaire de l’aide communautaire, suivi par le Pérou, le Guatemala et la Bolivie » (7).

Ainsi, chaque Etat d’Amérique latine voit sa relation avec la Communauté conditionnée par :

  • Le règlement PVD-ALA, n°443/92 dans tous les cas.

  • Un accord international multilatéral le cas échéant. Ces accords se multiplient dans la pratique communautaire, ce qui traduit son attachement croissant à la méthode de développement consistant à favoriser l’intégration régionale des pays en voie de développement.

  • L’Etat peut être lié par un accord bilatéral avec la Communauté.

  • A cela s’ajoutent, en général, des actions de coopération autonomes et unilatérales qui dépendent, soit des priorités établies dans le pays, soit des besoins, comme dans le cadre de l’humanitaire.

En outre, il existe d’autres mesures juridiques qui encadrent les activités de coopération spécifiques à l’Union européenne, telles que :

  • Les droits de l’Homme.

  • L’égalité des sexes ou l’environnement.

Au total, l’Union européenne dispose de quatre-vingts bases juridiques habilitant la Commission européenne à l’exécution de l’aide extérieure au nom de l’UE.

III. Les accords de coopération régionale : pays d’Amérique centrale et de la Communauté andine des nations (CAN)

La Communauté andine des nations et les pays d’Amérique centrale ont exprimé leur désir de conclure des accords d’association avec l’Union européenne. Mais les autorités de Bruxelles ont réagi de manière réservée. Les Etats membres ont fait observer que le commerce avec les pays andins et de l’isthme représentait des chiffres modiques. Cependant, en février 2000, les Etats membres ont chargé la Commission de réaliser, en liaison avec les secrétariats des organismes concernés, une étude sur l’état d’avancement des processus d’intégration et les perspectives des rapports avec l’Europe. Lors du sommet de Madrid, en mai 2002, ils se sont engagés à négocier des accords sur le dialogue politique et la coopération renforcée dans des domaines spécifiques. Des conversations se sont engagées sans retard et des accords cadres ont pu être signés le 15 décembre 2003. Les accords des années 1990 ont représenté un saut qualitatif avec l’introduction de la clause démocratique prévoyant des régimes d’association fondés sur le respect des droits de l’Homme et de la démocratie.

1. L’Union européenne et la CAN

« Les relations entre l’Union européenne et la CAN ont plus de trente ans d’existence et les deux régions n’ont cessé de chercher à renforcer leurs relations. Ce processus repose aujourd’hui sur un ensemble d’instruments qui correspondent à leurs intérêts mutuels dans les domaines touchant la politique, la coopération et le commerce » (8).

L’Union européenne et la CAN partagent les mêmes valeurs et principes démocratiques. En 1996, la déclaration de Rome a établi un dialogue politique entre les deux régions. En 2003, un accord de dialogue politique et de coopération permettant l’approfondissement de tout type de relations a été signé. Cet accord permettra d’institutionnaliser le dialogue politique et d’étendre la portée de ce dernier, qui couvrira de nouvelles questions telles que :

  • la prévention des conflits ;

  • la bonne gouvernance ;

  • l’immigration ;

  • le blanchiment d’argent ;

  • la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme.

Cet accord représente une avancée importante dans les relations birégionales entre les deux régions. Il démontre la volonté partagée par les deux parties de passer à un niveau supérieur dans leurs relations et souligne le rôle joué par l’intégration régionale dans la stabilité et le développement économique et social.

De plus, la Communauté andine est la première région latino-américaine à avoir bénéficié de l’aide au développement de l’Union européenne. Un premier accord de coopération régionale a été signé en 1983. En 1993, un deuxième accord a élargi son champ d’action et défini des mécanismes de suivi. L’Union européenne est le premier fournisseur d’aide au développement de la région andine. « En matière de coopération économique, financière et technique, le soutien apporté par la Communauté européenne aux pays de la région par le biais de ses stratégies nationales et régionales s’élèvent à 420 millions d’euros pour la période 2002-2006 » (9). Toutefois, ces chiffres ne donnent qu’une vision partielle de la situation, car une part importante de l’aide communautaire est fournie par le biais de lignes budgétaires horizontales. Ces lignes budgétaires couvrent des thèmes spécifiques tels que la démocratie et les droits humains, l’aide humanitaire, la drogue, les réfugiés, etc.

Enfin, au niveau économique, la CAN bénéficie d’un régime commercial très favorable et l’Union est un partenaire commercial capital pour la région. Les relations commerciales entre les deux parties reposent sur le système de préférences généralisées combiné à la clause de la nation la plus favorisée.

2. L’Union européenne et l’Amérique centrale

L’Union européenne est aussi engagée clairement et fortement en Amérique centrale. Cette relation se traduit par un dialogue politique très fructueux, qui a contribué à la promotion de la démocratie et au respect des droits de l’Homme. En effet, l’élément fondamental des relations entre l’Union européenne et l’Amérique centrale est le Dialogue de San José, forum de discussion lancé en 1984 dans le but principal d’appuyer la résolution des conflits, la démocratisation et le développement. En raison de son succès remarquable, il a été reconduit en 1996 à Florence, mais également en 2002 à Madrid, et étendu aux questions :

  • d’intégration régionale ;

  • de sécurité ;

  • d’environnement ;

  • de catastrophes naturelles ;

  • de relations birégionales ;

  • de concertation politique sur les questions internationales.

Le volet consacré au dialogue politique entre l’Union européenne et l’Amérique centrale dans le cadre du nouvel accord de coopération et de dialogue politique signé en décembre 2003, conserve le titre de « Dialogue de San José ».

« La coopération de l’Union européenne avec l’Amérique centrale s’est traduite par d’importants programmes de promotion des droits de l’Homme et de la démocratie, le développement des petites et moyennes entreprises, la réduction de la pauvreté, la protection de l’environnement et la sécurité alimentaire, le développement rural et l’allègement de la dette » (10). Les principaux domaines de coopération couverts par ces programmes sont l’appui au processus d’intégration régionale, à la prévention des catastrophes naturelles et à la gestion de l’environnement, le soutien de la bonne gestion des affaires publiques, la lutte contre la pauvreté et le développement de secteurs sociaux, le développement local et rural et la gestion durable des ressources naturelles. Des actions supplémentaires de coopération sont mises en place dans le cadre de lignes budgétaires thématiques.

En ce qui concerne les relations commerciales, l’Union européenne est le deuxième partenaire commercial de la région centraméricaine après les Etats-Unis. Ces relations sont régies par le même système qu’avec les pays de la Communauté andine.

Notes :

(1) Granell (Francesc), « Le droit de la Communauté européenne et de l’Union européenne – N°13 : La coopération au développement de la Communauté européenne », Commentaire J. Mégret, Edition de l’Université de Bruxelles, 2005, p. 95.

(2) La numérotation des articles du traité d’Amsterdam est restée inchangée pour le traité de Nice.

(3) Balleix (Corinne), La politique européenne de coopération au développement, op.cit., p. 24.

(4) Rouquayrol-Guillemette (Leda) et Herrero Villa (Santiago), « Guide de la coopération Union européenne- Amérique latine », op.cit., p. 25.

(5) PVD-ALA: Pays en développement d’Amérique latine; Règlement CEE n°443/92 - JO L 052 27.02.1992.

(6) Balleix (Corinne), La politique européenne de coopération au développement, op.cit., p. 26.

(7) Troseille (Violaine), Union européenne: mode d’emploi, Etudes des missions économiques, avril 2005, p.30.

(8) « L’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes : un partenariat stratégique », Commission européenne, op.cit., p. 41.

(9) Idem, p. 42.

(10) Rouquayrol-Guillemette (Leda) et Herrero Villa (Santiago), « Guide de la coopération Union européenne- Amérique latine », op.cit., p. 49.