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, Paris, 2005

Bilan politique de santé démocratique : Costa Rica

Bilan politique actuel de l’état de santé démocratique du Costa Rica, via l’étude du comportement électoral des Costariciens et de leur position face à l’éventualité de réformes ainsi que l’analyse du problème de la corruption dans les affaires publiques.

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Nous allons examiner ici le comportement électoral (I) des Costariciens et leur position face à l’éventualité de réformes (II), afin de pouvoir évaluer l’opinion qu’ils ont de leurs dirigeants politiques. Puis nous nous pencherons plus particulièrement sur le problème de la corruption dans les affaires publiques (III).

Cela nous permettra de conclure si, oui ou non, les dirigeants politiques sont crédibles aux yeux de ceux qu’ils représentent.

I. Comportement électoral des Costariciens

1. Positions électorales des Costariciens

La possibilité de choisir librement ses dirigeants politiques par l’intermédiaire du vote, est à la base de toute démocratie. La liberté, correspond ici à « l’exercice de l’autonomie morale de chaque individu » (Robert Dahl, 1989) : autrement dit, les personnes doivent pouvoir voter en tenant compte de leurs croyances et sans craindre de représailles que ce soit concernant leur intégrité physique ou morale. Aucune pression ni menace ne doit pouvoir limiter les choix de l’électeur au moment du suffrage.

Entre 1990 et 2002, où ont eu lieu quatre élections nationales au Costa Rica, aucune plainte pour menaces à l’intégrité physique ou patrimoniale des électeurs, n’a été déposée au Tribunal suprême des élections. Toutefois, il se pourrait que cette absence de plainte soit due à une peur des citoyens de dénoncer de telles menaces. Il est donc important de préciser qu’il ressort d’une étude réalisée en 2004 que 85 % de la population affirment ne pas avoir eu peur à l’heure de voter dans le cadre d’une élection nationale. Cela fait du Costa Rica l’un des pays d’Amérique centrale (après le Mexique et le Panama) où la peur de voter est la moins grande.

La majorité des Costariciens considèrent qu’ils exercent leur droit de vote librement, mais la question se pose de savoir s’ils considèrent pour autant le vote comme un instrument utile pour influencer les choix du gouvernement. Le sondage cité précédemment présente des résultats plutôt préoccupants : presque la moitié des citoyens (48 %), considèrent que quel que soit leur vote, les choses ne vont pas s’améliorer. Ce genre de donnée révèle l’existence de larges doutes concernant l’efficacité du suffrage, acte capital de la démocratie.

En résumé, nous pouvons dire que les Costariciens dans leur majorité pensent qu’il existe une liberté de vote, mais ils sont largement divisés quant à la question de l’efficacité de ce vote.

2. Participation électorale des Costariciens

La liberté du suffrage est indispensable à toute démocratie mais elle est insuffisante. En effet, la liberté ne garantit pas que les citoyens participent à l’élection de leurs dirigeants politiques : pour cela il faut qu’ils le veuillent.

Sans participation, la démocratie électorale n’est pas viable : si les citoyens décident de s’abstenir massivement au moment de choisir leurs dirigeants, la légitimité du régime démocratique est atteinte et il ne pourra perdurer.

Au Costa Rica, voter est une obligation civique mais, à la différence de beaucoup de démocraties latino-américaines, et notamment de l’Argentine, l’abstention n’entraîne aucune sanction particulière. Or au premier tour des élections présidentielles de 2002, 69 % des citoyens ont voté. Ce niveau de participation électorale, similaire à celui de 1998, est inférieur à la moyenne des 9 élections présidentielles ayant eu lieu entre 1962 et 1994, où on atteignait un taux de participation d’environ 80 %.

Cependant, il est important de préciser que la baisse du niveau de participation électorale s’inscrit dans une tendance régionale centre-américaine. Le Costa Rica conserve, dans ce cadre, un niveau de participation similaire ou élevé par rapport à ses voisins. En effet, le niveau de participation électorale a diminué dans quatre des six pays d’Amérique centrale entre 1985 et 2002 ; seuls le Nicaragua et le Panama font exception à cette évolution.

II. Soutien aux réformes

Ces dernières années, des propositions ont été faites afin de réformer le système électoral du Costa Rica. La proposition la plus ambitieuse a été celle de la « Commission présidentielle pour la réforme politique de 2001 », qui proposait d’évoluer vers un système semi-présidentiel et de modifier divers aspects du système électoral.

Nous en retiendrons trois pour notre analyse :

  • L’alternative entre des listes libres ou pré-établies pour le Congrès.

  • La rupture du monopole des partis concernant les candidatures pour des postes publics.

  • L’augmentation du nombre de députés à l’Assemblée.

Les Costariciens ont largement soutenu (60 %) deux de ces trois réformes:

  • L’instauration de l’alternative de listes libres ou pré-établies (afin que les électeurs puissent choisir parmi des candidats de différents partis.

  • La fin du monopole des partis concernant les candidatures pour des postes publics, afin de permettre aux associations et autres groupes de le faire aussi.

Il semble que le Costa Rica ne connaisse pas le rejet qu’ont pu éprouver les Argentins à l’égard de leurs dirigeants. Alors que les Argentins crient haut et fort « Que se vayan todos » en tapant sur des casseroles, le Costa Rica connaît une expression par les urnes et son peuple s’y rend sans qu’une menace de sanction ne les y contraigne.

III. Problème de la corruption

L’article 11 de la Constitution du Costa Rica énonce que les fonctionnaires publics (et donc, par extension, les représentants élus) sont de simples « dépositaires de l’autorité ». Cela signifie que leur autorité découle de la souveraineté populaire, et en tant que dépositaires de cette autorité dans le cadre de l’exercice de leur fonction, ils ne peuvent outrepasser les normes constitutionnelles : ceux qui détiennent le pouvoir sont soumis à la loi.

Ces normes constitutionnelles définissent l’affectation des ressources mises à la disposition des fonctionnaires publics. Sont considérées comme un délit contre la fonction publique :

  • la malversation de fonds ;

  • leur utilisation à des fins distinctes de ce que prévoit la loi ou les règlements ;

  • ou leur utilisation moyennant des procédures qui n’ont pas été légalement ou administrativement autorisées.

D’un point de vue démocratique, la corruption dans l’exercice de la fonction publique constitue une transgression de la légalité démocratique puisqu’en démocratie le pouvoir est soumis à la loi.

Le thème de la corruption a toujours fait l’objet d’abondantes études. Au niveau international, les études réalisées par « Transparencia Internacional » montrent que le Costa Rica, est, après le Chili, un des pays d’Amérique latine où la corruption est la moins élevée.

Toutefois, au niveau national, l’opinion publique dénonce, depuis les années 1990, une forte augmentation de la corruption dans la gestion des affaires publiques.

Cette tendance se retrouve dans la majorité des pays d’Amérique latine : en effet, le sondage effectué sur plusieurs années par « Latinobarómetro » a révélé en 2004 que, sur une échelle de 0 à 100, la plupart des pays, à l’exception du Chili, évaluent le degré de corruption des fonctionnaires publiques à plus de 80.

Il est donc naturel de se demander quel est l’impact de la corruption sur le soutien populaire à la démocratie.

Il semble que les victimes d’actes de corruption soutiennent plus faiblement le système politique en vigueur et donc la démocratie : elles le soutiennent à 67,9 % contre 69,2%.

Toutefois, nous verrons plus loin qu’il existe malgré tout un soutien important des Costariciens au système démocratique.