Fiche d’analyse Dossier : Le monde associatif chinois, moteur de la société harmonieuse ou des revendications sociales?

, Paris, décembre 2007

Les associations missionnaires en Chine

« C’est bien finalement si ces gens qui ont tout perdu croient en Dieu, puisque nous, nous ne pouvons rien faire pour eux… »

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Les associations missionaires en Chine

« C’est bien finalement si ces gens qui ont tout perdu croient en Dieu, puisque nous, nous ne pouvons rien faire pour eux… »

L’activité caritative en Occident, en Afrique et au Moyen-Orient, a toujours été très liée à la quête du Bien, prônée par les religions, que ce soit la religion juive, la religion musulmane, ou les religions chrétiennes.

A l’heure où de nombreux peuples s’emparent de revendications identitaires de plus en plus hardies, entrainant un renouveau des religions, le nombre d’organisations caritatives confessionnelles ne cesse de croître. Il en existe deux sortes :

  • Les ONG « confessionnelles », en ce sens qu’elles revendiquent un adossement à l’une des grandes religions, comme par exemple le Secours Catholique, l’ordre de Malte ou Islamic Relief, mais qui n’ont pas d’objectifs prosélytes.

  • Les ONG « missionnaires » qui, au delà du secours ou de l’aide au développement, s’attachent à convertir les populations au sein desquelles elles interviennent. Nous nous intéresserons à ces dernières.

En Chine, la liberté de religion est très restreinte, le prosélytisme y est très sévèrement puni. Pourtant, les missionnaires y sont de plus en plus nombreux, et plus particulièrement les évangélistes américains. Le nombre de conversion s’est multiplié de façon spectaculaire ces dernières années. Selon China Partner (1), une organisation confessionnelle prosélyte, le nombre de protestants en Chine s’élèverait à trente neuf millions, tandis que d’autres estimations revendiquent cent millions de fidèles ! Ils étaient seulement 750 000 en 1950, toujours selon la même source.

Pour atteindre les populations qu’ils veulent convertir, les missionnaires utilisent divers moyens. Un grand nombre d’entre eux se servent de l’enseignement de l’anglais dans les universités, malgré une clause interdisant aux enseignants étrangers d’aborder avec leurs élèves le thème de la religion. Un autre biais utilisé par les missionnaires est celui des actions caritatives. Ainsi, certaines organisations reconnaissent leurs visée prosélytes.

Pour exemple, nous pouvons prendre l’ONG Bridge International (2) qui a vocation, depuis vingt ans, à répandre la parole de Jésus-Christ en implantant de nouvelles églises ou en développant celles existantes. Cette organisation est présente dans les anciens pays communistes et les nations musulmanes d’Asie Centrale. En Chine, dans la province du Yunnan, elle s’est implantée dans les villages pauvres où elle fournit à chaque communauté cinq-cent chèvres pour une durée de deux ans. Une fois l’économie du village dynamisée par le commerce des produits dérivés de l’élevage, le troupeau est confié à un autre village. Bridge International construit également des écoles et des centres médicaux. Un des objectifs clairement énoncé de cette organisation est de former des « évangélistes aux pieds nus » qui iront à leur tour répandre la Parole.

Une autre ONG confessionnelle américaine présente en Chine est Partners International (3). Cette organisation a été créée en 1943 avec pour objectif l’évangélisation. Dans la province pauvre du Guizhou, située dans le sud de la Chine, des pasteurs évangélistes président à la construction de cliniques dans les villages de la minorité Miao, les traitement gratuits y sont distribués aux patients en même temps que la prière. Cinq hôpitaux seront construits entre 2007 et 2008, résultat à mettre en parallèle avec les mille églises que l’association annonce créer chaque année.

L’attitude tolérante du gouvernement chinois à l’égard de ces ONG, alors qu’il n’ignore probablement pas la vraie nature de leurs activités, est étonnante mais sélective : car elle s’accompagne ailleurs de répression comme en témoigne régulièrement la fermeture musclée des home churches, où les nouveaux convertis se retrouvent pour prier

Une explication à ce paradoxe ne résiderait-elle pas dans la recherche de cette « société harmonieuse » voulue par le gouvernement chinois, inquiet des effets que l’ouverture au monde pourrait avoir sur un peuple de moins en moins confiant envers ses gouvernants ?

« C’est bien finalement si ces gens qui ont tout perdu croient en Dieu, puisque nous, nous ne pouvons rien faire pour eux… » Cette réflexion d’un dirigeant de GONGO (4) travaillant au Henan, province la plus touchée par l’épidémie de VIH et où les associations prosélytes se multiplient, entendue dans les couloirs d’une réunion du Fond Mondial (5) à Pékin, début 2007, n’est elle pas la clé du problème? En d’autres termes, le gouvernement aurait-il fait le pari que la religion est parfois la meilleure arme contre la contestation ? Paradis versus revendication sociale, la foi peut-elle être le nouvel opium du peuple en Chine ?

Notes