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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche d’analyse Dossier : La formation des volontaires de paix

Cluj, Roumanie, 2007

Pertinence de la formation à la paix

Tout processus de changement commence nécessairement par l’apprentissage, que ce soit à l’échelle de l’individu, des organisations ou de la société.

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Les gens acquièrent diverses compétences essentielles grâce à différents systèmes éducatifs. On distingue en général trois systèmes :

  • L’éducation formelle : primaire, secondaire et universitaire ;

  • L’éducation non-formelle : l’enseignement délivré par des organisations non-étatiques ;

  • L’éducation informelle : ce qui est acquis au travers des expériences de chacun et des interactions avec d’autres individus (que ce soit au sein de la famille, de la société ou du monde au sens large (1).

I. Éducation et apprentissage

Au sein de la société, l’enseignement conventionnel joue un rôle bien défini : il sert à renforcer la cohésion de ses membres et à entretenir l’adhésion aux normes sociales et aux schémas de perception du monde. Il a aussi pour vocation de préparer les individus au rôle actif qui sera le leur. L’éducation formelle, en particulier, sert de transmetteur des concepts, comportements et valeurs sans lesquels le maintien de l’identité culturelle propre à chaque société est impossible. Que ce soit de manière positive ou négative, les écoles ont une grande part de responsabilité dans la formation des individus membres de la société et, de fait, dans la transmission des structures et traditions sociales.

Au niveau non-formel, les organisations comme les partis politiques, les entreprises et les syndicats, facilitent les programmes éducatifs dans le but d’accroître l’efficacité de leur personnel et pour nourrir le sentiment d’une identité commune. Les organisations non-gouvernementales sont parmi les plus actives en proposant à la fois des formations dans le domaine de l’éducation non-formelle et en s’impliquant dans la formation de leurs propres agents. De plus, de nombreux cours sont proposés aux activistes, professeurs et autres membres de la société civile pour les former aux méthodes et techniques d’action en faveur du changement social. Ainsi, selon les objectifs ou activités que l’on prend en compte, l’éducation peut être à la base du maintien d’une certaine stabilité ou le moteur du changement.

II. Éducation à la paix

« L’éducation à la paix devrait créer chez tous la vocation à devenir des êtres humains à part entière et déclencher le processus de transformation qui donnera la volonté à tous les participants de changer le monde. » Paulo Freire (1970, p. 28).

Toute formation fait partie d’un enseignement plus global. Ainsi, la formation à la paix est à rattacher à l’éducation pour la paix et c’est pourquoi, dans un premier temps, nous nous intéressons à cet enseignement pour mieux comprendre notre sujet.

Le mot « éducation » vient du terme latin « educare » qui signifie « tirer les fruits de » ou « conduire ». Selon son contenu, la forme qui lui est donnée et les méthodes utilisées, l’éducation fait naître chez les êtres humains de multiples manières de percevoir le monde et d’agir en fonction. Selon Ian Harris, « l’éducation réveille en chacun l’instinct de vivre en paix avec les autres et insiste sur des valeurs pacifiques sur lesquelles la société devrait reposer. L’éducation à la paix s’efforce de faire connaître les causes profondes des événements violents auxquels ils sont confrontés. » (Harris et Morrison, 2003, p. 29).

À l’instigation d’organisations internationales comme l’UNESCO et l’UNICEF, nombreux sont ceux qui reconnaissent l’importance qu’il faut accorder à l’éducation à la paix dans les programmes scolaires mais aussi dans le cadre de l’éducation non-formelle.

Deux éléments essentiels sont acceptés par tous :

  • Premièrement, que l’éducation à la paix ne doit pas être cantonnée aux zones de conflits mais qu’elle doit être une entreprise universelle ;

  • Deuxièmement, que l’éducation à la paix ne doit pas simplement servir à promouvoir la « paix négative » (c’est-à-dire la simple absence de conflit violent) mais doit servir à développer le savoir et les compétences nécessaires à la création de la « paix positive », à savoir encourager la coopération au sein des groupes humains pour le bénéfice de tous et élaborer des solutions non-violentes pour transformer les conflits.

L’éducation à la paix : une définition de base par l’UNICEF

« L’UNICEF définit l’éducation pour la paix comme étant un processus d’amélioration des connaissances, des attitudes et des valeurs nécessaires pour faire évoluer les comportements de façon que les enfants, les jeunes et les adultes parviennent à prévenir les conflits et la violence, tant ouvertement que structurellement ; régler pacifiquement les conflits ; et créer les conditions favorables à la paix, que ce soit sur le plan intrapersonnel, interpersonnel, intergroupes, national ou international (…) L’UNICEF est d’avis que l’éducation pour la paix a sa place dans toutes les sociétés et pas seulement dans les pays victimes de conflits armés ou de situations d’urgence. Comme il faut du temps pour modifier durablement les comportements des enfants et des adultes, une éducation pour la paix efficace est forcément un processus à long terme plutôt qu’une intervention ponctuelle. Bien qu’elle fasse surtout partie des programmes scolaires ou d’apprentissage, pour bien faire il faudrait que l’éducation pour la paix englobe l’ensemble de la communauté. » (Fountain, 1999, p. 1).

Puisque l’éducation est un excellent moyen de perpétuer les idéologies qui fondent les sociétés, elle est fortement liée à la manière dont les gens perçoivent les conflits et y font face. L’éducation pour la paix repose sur les hypothèses suivantes :

  • 1/ Le conflit, soit les divergences d’opinions et d’objectifs entre au moins deux acteurs, est partout ;

  • 2/ Le conflit « ne doit pas être évité mais confronté de manière à promouvoir sa compréhension et sa transformation » (Harris et Morrison, 2003, p. 29).

Cela est pourtant loin d’être admis de manière universelle. Pour beaucoup, un conflit est nécessairement synonyme de destruction et tout est fait pour apprendre aux gens à les éviter ou pire, à détruire le moindre embryon de désaccord. Cela est souvent à l’origine de stratégies de « paix par la force » qui légitiment les interventions militaires et la formation d’agents aux méthodes d’intervention violente. De telles interventions ne font souvent qu’aggraver les cycles de violence. C’est pourquoi l’un des objectifs de l’éducation à la paix est de proposer des méthodes plus pratiques et surtout plus efficaces de gestion constructive des conflits et de lutte contre la violence et sa prévention. L’une des manières d’aboutir à ces résultats est de former des défenseurs actifs et qualifiés de la paix positive.

III. Formation à la paix

L’une des branches de l’enseignement est la formation. Il s’agit d’un enseignement, dans le cadre formel tant que non-formel, dont l’objectif principal est d’offrir des compétences professionnelles aux participants. C’est en faisant le lien de manière pratique entre les objectifs de la formation et le travail sur le terrain des agents que sont améliorées les aptitudes et, à terme, le développement professionnel des individus et des organisations.

Dans le domaine de l’éducation à la paix, la formation, c’est-à-dire la formation à la paix a de multiples objectifs. On peut mettre en évidence plusieurs niveaux de formation à la paix :

  • Le niveau individuel : le développement personnel et l’ouverture d’esprit des travailleurs, c’est-à-dire le savoir, comportements et compétences comportementales favorisant la transformation de conflits ;

  • Le niveau social : les compétences et stratégies nécessaires à la construction de structures pour une paix durable et de manière à encourager les sociétés à aider leurs acteurs en conflit à coexister de manière pacifique ;

  • Le niveau professionnel : le développement de méthodes de travail reposant sur une connaissance des enjeux liés aux différents conflits, sur les leçons apprises des expériences passées et sur les outils nécessaires à la transformation de conflits complexes et imprévisibles.

La formation à la paix est un vaste domaine en mutation. L’objectif commun à toutes les formations est d’aider les intervenants de paix à poursuivre leur travail de prévention et de lutte contre la violence et à favoriser une paix durable de manière constructive (2).

Les raisons invoquées par ceux qui participent à une formation à la paix, ainsi que leurs attentes, sont très variées. Certains cherchent à connaître de nouvelles manières de faire face aux conflits, de nouveaux concepts, des expériences les plus récentes. D’autres souhaitent élargir leur réseau de connaissances, simplement partager leur expérience ou cherchent un espace de relaxation.

Les objectifs de la formation à la paix sont très variés et dépendent souvent de la motivation des participants et des besoins sur le terrain. La formation peut-être très générale et couvrir les compétences de base du travail de paix (travail en équipe ou communication interculturelle) ou très spécifique et portant sur un seul aspect du travail de paix (comme les méthodes d’analyse propres à un conflit spécifique ou la démobilisation et la réintégration des anciens combattants après une guerre en particulier). Les formations peuvent se dérouler dans des zones qui ne sont plus frappées par un conflit ou être intégrées dans les programmes de projets de paix plus globaux(3).

Les travailleurs de paix peuvent participer à des formations à la paix ou en organisent pour diverses raisons :

  • Les acteurs internes participent à ces formations pour développer des capacités favorisant le changement social. De nombreux mouvements collectifs s’accompagnent d’une formation à la paix, informelle ou non-formelle, fournie par des acteurs de la société civile. Ces formations peuvent prendre des formes différentes : résistance non-violente et intervention non-violente dans les conflits ; négociation et médiation ; dialogue ; planification stratégique ; création de réseaux ; etc. Ces compétences sont liées aux deux objectifs principaux de la formation à la paix pour les acteurs internes : le renforcement des capacités et le changement social constructif.

  • Les acteurs externes y participent pour améliorer leur savoir, leurs compétences et aptitudes et être ainsi plus à même d’aider les acteurs internes et d’encourager la transformation positive des conflits. Bien que plusieurs universités proposant des cursus de paix et résolution des conflits intègrent ces éléments à leurs programmes, la plupart des formations se font dans le cadre d’environnements éducatifs non-formels ou informels. Ainsi, Nonviolent Peaceforce (NP) forme des équipes d’intervenants de paix à l’aide des méthodes d’intervention non-violente par des tiers (TPNI). Ces formations s’intéressent par exemple à la manière de s’interposer de manière non-violente entre les acteurs d’un conflit et de surveiller les dynamiques des conflits. Dans le cas d’acteurs externes comme NP, l’objectif des formations à la paix est de développer des équipes internationales de travailleurs de paix professionnels et formés, capables de collaborer avec tous les acteurs internes d’un conflit et d’aider ceux travaillent à la construction de la paix (4).

Il est important, cependant, de garder à l’esprit que la distinction entre formation à la paix interne et externe n’est pas évidente. De nombreuses formations visent à préparer des acteurs internes et externes, par exemple à l’élaboration de programmes de construction de la paix chez Peace Action Training Research Institute of Romania (PATRIR) réunissent des acteurs internes à de nombreux conflits dans le monde et des intervenants extérieurs pour trouver des méthodes efficaces de coopération stratégique. Dans de tels cas, les participants sont tous impliqués dans le renforcement des capacités et apprennent les uns des autres. Ensemble, ils apprennent à se soutenir mutuellement au cours du processus de transformation des conflits. Ces formations, si elles s’accompagnent d’un véritable suivi, peuvent avoir des effets durables sur les environnements conflictuels

Notes

  • Tiré de l’ouvrage : « Formation à la paix, Formation des adultes au travail de paix et à l’intervention civile de paix lors de conflits » ; Auteurs :Robert Rivers, Giovanni Scotto, Jan Mihalik et Frode Restad. Ouvrage réalisé dans le cadre du projet ARCA. Le projet ARCA (Associations and Resources for Conflict Management Skills) a été mis en place afin de contribuer directement à l’amélioration de la qualité, contenu et méthodologies des formations à la paix et à la transformation de conflits. Le projet, financé par la Commission Européenne, Socrates/Grundtvig1, comptait avec la participation 13 organisations originaires de 11 pays européens, dont le MAN (Mouvement pour une Aternative Non-violente), France.

  • (1) : La distinction faite ici entre les différents enseignements a été introduite par l’UNESCO au début des années soixante-dix et sert de support aux politiques de l’UE sur « l’éducation tout au long de la vie » cf. Tuschling et Engemann, 2006).

  • (2) : Ce les deux objectifs mis en avant par Mary B. Anderson et Lara Olsen (Anderson et Olsenn 2003, p.12).

  • (3) : Voir le travail de Dan Smith dans le cadre de l’étude Utstein (2003). Le travail de PATRIR en Transnistrie et celui de la Berghof Foundation for Peace Support sur le Sri Lanka sont aussi des études de cas intéressantes.

  • (4) : De plus, des organisations comme l’ASPR, REACT, la Folke Bernadotte Academy et PATRIR, proposent des formations destinées au personnel des gouvernements, des agences de l’ONU, et des organisations internationales pour les former de manière pratique au travail dans les zones de conflit et à la construction de la paix.