Fiche de conclusion transversale Atelier : Dialogue entre militaires et société civile.

, Kligenthal, Juin 2007

La nécessité de tendre vers une étroite coopération (sécuritaire) entre les différents pays.

En ce sens l’expérience de l’Europe demeure un exemple historique qui mérite d’être étudié avec attention.

Mots clefs : Intégration régionale et paix | Engagement de militaires pour la paix | Militaires | Union Européenne | Favoriser le rapprochement entre militaires et civils | Elaborer des propositions pour la paix | Asie Centrale | France | Allemagne

Coopération et Intégration régionale sur fond d’expérience franco-allemande.

L’espace mondial est marqué à l’heure actuelle par le développement de liens d’interdépendance entre hommes, activités humaines, systèmes politiques… Phénomène qui se traduit par l’expansion planétaire des échanges à la fois culturels, politiques et économiques. En réponse à cette mondialisation les regroupements régionaux sont de plus en plus nombreux et le mouvement d’intégration européenne, tant au niveau économique et politique que sécuritaire, constitue une bonne illustration de cette tendance. (A) Si la France et l’Allemagne ont réussi à se réconcilier et à unir leurs forces pour la construction de l’Europe, pourquoi pas l’Asie centrale ? (B)

I. L’exemple de la construction européenne sur fond de coopération franco-allemande d’après guerre.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe est minée et les peuples divisés par la haine et la rancœur (A). Dans ce contexte de déchirure et de traumatisme, deux hommes ont eu une vision insensée pour l’époque : la construction de l’Europe et le rapprochement franco-allemand (B). Les deux plus grands ennemis de ce conflit planétaire, sont ainsi parvenus à unir leurs forces pour construire une Europe sans frontière. Ils ont collaboré aux niveaux économique, politique mais aussi sécuritaire au point de bénéficier aujourd’hui d’une véritable Défense européenne (C).

A. Les conséquences de la guerre : une Europe minée et des peuples déchirés.

Au sortir de la Seconde guerre mondiale, si les dégâts matériels sont innombrables, le traumatisme moral n’est pas moins considérable tant cette guerre a repoussé les limites de la civilisation et de la violence dans des proportions inédites. Les pertes humaines sont énormes : environ 50 millions d’hommes et de femmes ont trouvé la mort, et pour la première fois les pertes civiles sont plus importantes que les pertes militaires.

René Cagnat, explique qu’un mur de haine s’est dressé entre Français et Allemands (1). Traumatisés par l’ampleur des exactions commises, entièrement repliés sur leurs valeurs nationales, l’entente franco-allemande n’est pas évidente… En effet, {{« à l’issue d’une guerre, les deux parties terminent les combats mais subissent la mésentente des idées… » (2)

La situation est claire : deux camps, une guerre, des millions de morts, un chômage massif, une mésentente à tous points de vue…

Il fallait donc que des hommes responsables réfléchissent vite pour trouver une solution. Car il ne fallait pas commettre la même erreur qu’en 1918 où l’Allemagne avait été écrasée et le peuple allemand piétiné au lieu d’aider ce pays à s’engager dans une voie démocratique. Conscient de cet impératif, c’est en pleine guerre, fin 1944, que le Général de Gaulle dans un discours prononcé à Londres, a parlé de la nécessité d’une entente franco-allemande et de la construction de l’Europe.

C’est ainsi qu’après le conflit, Adenauer et de Gaulle se sont rencontrés et ont décidé de tirer un trait sur les relations désastreuses du passé pour essayer de s’entendre et de construire l’amitié franco-allemande (3).

B. Deux hommes, une vision d’avenir : la construction de l’Europe et le rapprochement franco-allemand.

Le rapprochement et l’amitié franco-allemande n’étaient pas évidents. En effet, cela supposait une reconversion totale des esprits pour que Français et Allemands parviennent à se considérer mutuellement comme des amis qui doivent travailler ensemble pour la paix ! (4)

C’est ainsi que progressivement le chancelier Adenauer et le Général de Gaulle (ainsi que les gouvernements qui leur ont succédés) ont œuvré en ce sens.

Pour se connaître, pour se comprendre, le premier impératif était que Français et Allemands puissent communiquer : il fallait donc apprendre l’allemand aux Français et le français aux Allemands. Les deux cultures devaient se rapprocher…

Mais tout cela n’était pas suffisant, les deux peuples devaient être unis de façon plus profonde (5).

C’est ainsi que naît l’idée de promouvoir des actions limitées mais concrètes (6) induisant une solidarité franco-allemande et dirigées par une Haute Autorité supranationale (c’est-à-dire indépendante des Etats). Dans un premier temps, ces actions interviennent avant tout dans le champ d’une coopération économique, avec en 1951 le Traité de Paris qui institue la CECA (7) et en 1957 le Traité de Rome qui institue la CEE (8) ou Marché Commun.

Puis le 22 janvier 1963, à l’instigation du Général de Gaulle et du chancelier Adenauer, est signé le Traité d’amitié et de coopération entre la France et l’Allemagne, dit Traité de l’Elysée, destiné à sceller la réconciliation entre les deux pays. Ce traité prévoit une étroite coopération des deux pays non seulement dans la sphère politique et en matière d’éducation mais aussi dans le domaine de la défense.

C. Du traité de l’Elysée à l’Eurocorps, d’une coopération sécuritaire entre la France et l’Allemagne à la constitution d’un véritable Corps Européen de Défense.

Le Traité de l’Elysée prévoit au niveau sécuritaire la poursuite des objectifs suivants :

  • Sur le plan stratégique et tactique, le rapprochement des doctrines française et allemande en vue d’aboutir à des conceptions communes.

  • Sur le plan humain, la multiplication des échanges de personnels entre les armées.

  • En matière d’armements, l’organisation d’un travail en commun dès le stade de l’élaboration des projets d’armement et de la préparation des plans de financement.

L’aspect le plus spectaculaire de cette amitié franco-allemande en matière de défense, a été la création en 1987 d’une Brigade franco-allemande, élargie, à partir de 1992, sous le nom d’Eurocorps, à d’autres participants : Belgique, Espagne et Luxembourg (9). Au total, 55 000 hommes et femmes font partie de ce Corps Européen de Défense. Déclaré opérationnel en 1995, il s’agit du corps d’armée le plus puissant d’Europe occidentale depuis la Guerre Froide.

L’Eurocorps est entraîné pour accomplir trois types de missions : des missions d’aide humanitaire et d’assistance aux populations victimes d’une catastrophe naturelle ou d’agression, des opérations de restauration ou de maintien de la paix dans le cadre de l’ONU ou de l’OSCE, des combats de haute intensité pour assurer la défense commune des alliés.

Fin 1999, les cinq Etats ont décidé de transformer le Corps Européen, unité multinationale, en force de réaction rapide à disposition de l’UE et de l’OTAN. L’Eurocorps doit ainsi pouvoir intervenir comme Quartier Général multinational pour des opérations de gestion de crise à la disposition tant de l’OTAN que de l’UE.

Le premier engagement réel de l’Eurocorps intervient en 1998, avec l’envoi d’environ 470 militaires du QG de l’Eurocorps en Bosnie-Herzégovine pour renforcer le QG de la SFOR. Les soldats de l’Eurocorps représentaient environ 37 % des forces. Puis entre 2000 et 2005, le QG de l’Eurocorps est intervenu dans plusieurs missions, à Pristina et à Skopje (KFOR III) en janvier 2000, dans le sud de l’Espagne (Cobra 1) en 2001, en Afghanistan (ISAF VI) en 2005…

De la CECA à l’UE, du Traité de l’Elysée à l’Eurocorps, l’Europe n’a cessé de se construire, d’approfondir sa coopération en diversifiant les domaines et les partenaires ; les premiers échanges culturels entre la France et l’Allemagne, ont été accompagnés par la suite d’une coopération économique élargie à d’autre pays d’Europe et à la constitution progressive d’une Défense commune. A l’heure actuelle, les frontières ont disparu, la monnaie est la même pour tous et une guerre qui opposerait deux pays de l’UE est devenue totalement improbable…

II. Quelle application à l’Asie centrale ? « A quand la construction d’une Union centre-asiatique ? »

Ce qui a fonctionné en France et en Allemagne peut ne pas fonctionner ailleurs… Il ne s’agit pas de vouloir importer cet exemple en Asie centrale. Il s’agit simplement de s’en inspirer, de tirer les conclusions des relations franco-allemandes pour extrapoler ces notions à l’Asie centrale (10). « Ce que la France et l’Allemagne sont parvenues à faire à la sortie d’une guerre est exemplaire, et ce que ces deux pays ont été capables de réaliser au niveau européen est extraordinaire. Nous pensons que d’autres peuples peuvent le faire s’ils ont la volonté d’avancer. » (11)

A. Une union nécessaire et possible… (12)

De tout temps, l’Asie centrale a suscité les convoitises des empires voisins désireux d’intervenir dans ce vaste espace aux ressources minières et énergétiques exceptionnelles. Les attentats du 11 septembre ont encore accru l’importance géopolitique de l’Asie centrale en déclenchant l’intervention d’un empire lointain. Aujourd’hui, que ce soit pour des raisons stratégiques ou économiques, l’Asie centrale est la seule région au monde où toutes les grandes puissances permanentes du Conseil de l’Europe sont implantées (13) et où la quasi-totalité des puissances nucléaires sont présentes.

Dans ce contexte, une union des pays centre-asiatiques est d’autant plus fondamentale que la région va être confrontée, si elle ne l’est pas déjà, à des menaces considérables pouvant être liées par exemple à une éventuelle attaque des Etats-Unis contre l’Iran, à l’apparition d’un pouvoir islamiste extrémiste au Pakistan, à l’accroissement du trafic de drogue ou encore, à la montée en puissance de la Chine avide des ressources énergétiques et minérales du Turkestan… Les représentants des pays d’Asie centrale et a fortiori les militaires doivent être vigilants et prendre conscience de ces réalités afin d’être en mesure d’éviter un enchaînement fatal d’expériences pouvant être dramatiques.

Cette union, nécessaire, est du reste, possible : d’une part, les pays d’Asie centrale sont tous membres de la Communauté des Etats Indépendants (CEI) à l’origine de l’organisation du Traité de sécurité collective ; structure qui a elle-même engendré la Force de réaction rapide accompagnée d’un bouclier anti-aérien communautaire. Les pays de la région, ont donc déjà une expérience en matière de coopération, bien que celle-ci ne soit pas un modèle de dynamisme…

Par ailleurs, ils disposent d’acquis importants : absence de barrière linguistique, complémentarité des économies nationales, abondance des ressources naturelles…

Le président Kazak Nazabev a indiqué récemment que « toutes les conditions étaient réunies pour que les pays d’Asie centrale se rassemblent ». Il envisage une « intégration évolutive » allant de la création d’une zone de libre échange à l’apparition d’une union douanière puis d’un espace économique commun. De son côté le président Bakiev a indiqué que « le Kazakhstan et le Kirghizstan étaient prêts pour cette union » et qu’ils devaient consolider celle-ci « sans attendre que l’idée mûrisse dans les autres Etats d’Asie centrale ». A cette entente s’ajoute les excellentes relations entre Nazabarev et le nouveau président turkmène laissant entrevoir une union préliminaire entre les trois pays de tradition nomade…Mais les craintes sont grandes que l’initiative de Nazabarev ne cache un certain expansionnisme…

Beaucoup de pays d’Asie centrale n’ont jamais connu de guerre entre eux, simplement des différends liés à des problèmes économiques (de ressources). Comme l’a fait l’Europe avec la CECA, commencer par trouver une solution aux problèmes des ressources permettrait ensuite aux pays d’Asie centrale d’entrer dans une dynamique d’union. Il conviendrait en réalité, comme l’avait prôné Jean Monnet pour l’Europe, de procéder à une intégration dans un secteur limité mais stratégique tout en le confiant à une autorité supranationale afin de limiter les pressions venues des Etats ou des empires environnants.

Ce secteur limité mais stratégique en Asie centrale pourrait être celui du partage des eaux. Pourquoi ne pas nommer au niveau centre-asiatique un « maître des eaux » chargé de la répartition impartiale mais parfaitement quantifiable de cette eau et créer ainsi une organisation supranationale du partage des eaux dans la région ?

B. … Qui bénéficierait du soutien de l’UE

L’Union européenne accorde une grande importance à la stabilisation de l’Asie centrale et à son développement économique. Pour preuve, le 22 juin 2007, l’UE a adopté une « Stratégie pour un nouveau partenariat avec l’Asie centrale », ouvrant ainsi la voie à une approche commune et cohérente des pays membres de l’Union envers les cinq pays centre-asiatiques (14). Cette Stratégie vise à ce que les pays d’Asie centrale deviennent des partenaires fiables, partageant les mêmes intérêts et poursuivant les mêmes objectifs. Elle est ainsi basée sur une communauté d’intérêts entre l’UE et les pays d’Asie centrale, destinée à profiter aux deux parties.

Afin d’intensifier la coopération avec les Etats d’Asie centrale, l’UE exploitera toutes les possibilités qu’offrent les cadres de coopération, en adoptant une approche aussi bien bilatérale que régionale.

L’UE encouragera par ailleurs la coopération régionale des Etats d’Asie entre eux et avec d’autres régions, consciente qu’il est plus facile de relever des défis importants - tels que la lutte contre la prolifération, le terrorisme, la criminalité, le trafic d’armes et le commerce international de la drogue – à plusieurs que tout seul.

L’UE sait aussi à quel point la coopération régionale peut servir de véhicule pour la libéralisation non-discriminatoire du commerce multilatéral et l’intégration dans l’économie mondialisée. En effet, le resserrement des liens commerciaux entre ces pays contribuerait à renforcer leur capacité à participer au commerce mondial, notamment en réalisant de plus grandes économies d’échelle et en bénéficiant de la mise en place d’infrastructures au niveau régional.

Par ailleurs, une approche régionale dans des domaines clefs – tels que la réduction et l’harmonisation des tarifs douaniers, la réforme du cadre légal et réglementaire, la restructuration des secteurs financiers etc. – permettrait aux pays d’Asie centrale ainsi associés de se doter, au niveau régional, de moyens institutionnels et humains leur permettant d’atteindre un niveau de compétence technique et administrative auquel ils ne pourraient pas prétendre en agissant seuls…

C’est parce que l’Union est consciente de tous ces aspects, parce qu’il est dans son intérêt que la sécurité et la stabilité règnent dans les Etats de l’Asie centrale et que le respect des droits de l’Homme et de l’Etat de droit soit assuré, qu’elle est prête à encourager et à soutenir une dynamique d’alliance entre les Etats de la région. Dans ces conditions, les champs d’activités privilégiés de l’Union européenne en direction de l’Asie centrale sont au nombre de sept :

  • Droits de l’Homme, Etat de droit, bonne gouvernance et démocratisation : l’UE entend accroître son soutien aux pays d’Asie centrale afin de faciliter l’émergence d’un Etat démocratique moderne.

  • Jeunesse et éducation : la majorité de la population de la région a moins de 25 ans, ce qui constitue un énorme potentiel de développement. L’UE lancera une initiative destinée à adapter les systèmes éducatifs des pays de la région pour assurer une éducation des jeunes qui soit performante.

  • Développement économique, commerce et investissement : l’UE soutiendra la promotion du développement économique, du commerce et des investissements par la création de cadres réglementaires et institutionnels, la suppression des barrières douanières et l’adhésion des quatre Etats membres à l’OMC.

  • Energie et transport : l’UE souhaite renforcer le dialogue sur l’énergie et soutenir la coopération dans ce domaine.

  • Environnement et eau : l’UE attachera un intérêt particulier aux questions relatives à la protection de l’environnement, à la production et à la distribution hydroélectrique ainsi au défi majeur de l’accès équitable aux ressources en eau.

  • Menaces et défis communs : l’UE renforcera le soutien qu’elle apporte à l’installation d’un système moderne de gestion des frontières dans la région, convaincue qu’une gestion commune des frontières est susceptible d’une part de faciliter le commerce et les échanges dans la région, et de ce fait, promouvoir le développement économique, et d’autre part, de lutter plus efficacement contre la criminalité régionale.

  • Dialogue interculturel : l’UE attachera la plus haute importance à ce que les pays d’Asie centrale fassent coexister pacifiquement les différentes croyances au sein d’un environnement multiethnique et multiculturel.

Autant de champs d’activités pour que l’Europe et l’Asie centrale aient « des relations pacifiques et mettent en place une coopération économique et sociale de progrès (15). »

« L’état de paix entre les hommes vivant côte à côte ce n’est pas un état de nature, lequel est bien plutôt un état de guerre, c’est-à-dire où les hostilités, même si elles n’éclatent pas toujours, restent continuellement menaçantes. Cet état de paix doit donc être institué. Car l’absence d’hostilité ne suffit pas à garantir la paix. » Emmanuel Kant, Vers la paix perpétuelle, 1795.

Dans un environnement multinational, marqué par le nouveau visage de conflits chaque fois plus transnationaux mettant en cause la sécurité des populations civiles ; dans un monde interdépendant qui ne peut plus se gérer par l’opposition entre blocs ; à l’heure de la mondialisation où les frontières se franchissent à la vitesse du son par une information en temps réel, où l’effondrement d’un pays peut avoir des conséquences sur toute une région, où les inégalités croissantes menacent la stabilité du globe… L’action pour la paix passe sans aucun doute par un « engagement quotidien dans la construction de sociétés plus solidaires et plus fraternelles. » (16)

Cet engagement est de la responsabilité de tous : civils comme militaires. L’instauration d’un dialogue entre ceux-ci, constitue aujourd’hui un impératif historique, pour envisager ensemble la construction d’un monde plus pacifique. Militaires comme civils doivent se rapprocher et comprendre qu’à l’heure actuelle seule une action commune, solidaire et responsable est susceptible d’ouvrir la voie de la stabilité et de la paix. Les civils doivent prendre conscience que le monde a changé, que les menaces sont bien moins palpables et que les militaires sont aujourd’hui prêts à assumer un rôle tout à fait nouveau bien plus humanitaire, dans le cadre d’opérations à l’extérieur pour la restauration ou le maintien de la paix. Il ne suffit plus de gagner une guerre au sens traditionnel : la création d’un environnement sûr et stable pour la reconstruction et le développement est tout aussi importante si ce n’est même plus. Ces tâches nouvelles sont le résultat de mutations géopolitiques profondes à tous niveaux. L’équilibre des puissances de l’époque de la Guerre Froide a laissé place à un monde devenu la proie de tendances antagonistes, marquées par une instabilité géostratégique globale.

Si la paix s’est installée durablement dans des zones précédemment agitées, des conflits émergent là où on ne les attendait pas, sous des formes nouvelles, qui imposent désormais une conscience partagée entre militaires et civils des risques auxquels le monde entier en confronté.

La France et l’Allemagne se sont engagées dans la voie de la coopération, indispensable à la réconciliation d’après guerre, pour construire un avenir ensemble, pour bâtir une Europe solide et humaine, pour garantir une paix durable. Si de gros efforts restent à accomplir, si le dialogue entre militaires et civils pourrait être encore approfondi et amélioré, ce processus semble aujourd’hui irréversible. Porté par un idéal mais aussi par une rationalité politique, l’Europe s’est construite petit à petit, non sans difficulté mais progressivement. Les jeunes ont joué un rôle capital dans le processus de reconversion des modes de pensée, dans la lutte contre la mésentente des idées d’après guerre. Car en effet, « la jeunesse refuse toute survivance d’un passé qu’elle souhaite révolu. La notion d’ennemi héréditaire est une invention pour maintenir deux peuples en état d’hostilité. En réalité, la haine ne tient pas longtemps lorsque les frontières deviennent transparentes, lorsqu’elles s’ouvrent au commerce, aux échanges humains… »

L’intégration régionale semble aujourd’hui être une condition essentielle à la construction d’un monde pacifique. L’Asie centrale revêt une importance géopolitique depuis toujours et de façon chaque fois plus grande. Les menaces y sont considérables, pour des raisons stratégiques et économiques ; les tensions y sont également fortes principalement pour des raisons liées à la gestion des ressources. Dans ces conditions il est indispensable que les pays de la région entrent dans une dynamique d’alliance. Cette union, nécessaire, est, nous l’avons vu, également possible. Elle dépend de la volonté des Etats et des citoyens de la mettre en place. L’UE est prête à apporter son soutien à la mise en œuvre d’un tel processus. Il est certes dans son intérêt que sécurité et stabilité règnent en Asie centrale et que le respect des droits de l’Homme et de l’Etat de droit y soit assuré. Pour autant, il est du ressort de l’Asie centrale d’en faire une priorité. Si l’exemple de l’Allemagne et de la France puis de l’Europe peut servir de repère, il ne s’agit nullement de prétendre l’imposer comme le seul modèle envisageable. Les modes d’action dépendent avant tout du contexte propre à chaque pays, à chaque région, fruit d’un passé historique particulier. Pour autant certains procédés, certaines « recettes », de l’amitié franco-allemande peuvent être utiles, pour créer une relation durable entre militaires et sociétés civiles et entre militaires de chaque pays ; pour jeter les bases d’une solidarité qui permette à l’Asie centrale de parler d’une seule voix et de se donner les moyens d’une puissance qu’elle mérite…

Notes

  • (1) : René Cagnat, Conférence « Quel voisinage en Asie centrale ? Perspectives de coopération régionale transfrontalière sur fond de rapprochement historique franco-allemand. »

  • (2) : Allocution de M. André Bord « La signification et les perspectives de la relation franco-allemande ». M. André Bord a œuvré toute sa vie pour le rapprochement franco-allemand. Il a été Ministre des anciens combattants et Ministre de l’Intérieur. Il est aujourd’hui membre du Comité d’honneur du CIDAN.

  • (3) : Allocution de M. André Bord, op.cit.

  • (4) : Idem.

  • (5) : Allocution de M. André Bord, op.cit.

  • (6) : René Cagnat, Conférence « Quel voisinage en Asie centrale ? Perspectives de coopération régionale transfrontalière sur fond de rapprochement historique franco-allemand. »

  • (7) : CECA : Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier.

  • (8) : CEE : Communauté Economique Européenne.

  • (9) : René Cagnat, op.cit.

  • (10) : Manfred Rosenberger, Travaux de groupe « Le traité de l’Elysée et la coopération franco-allemande : modèle pour l’Europe, modèle pour l’Asie centrale ? »

  • (11) : Allocution de M. André Bord « La signification et les perspectives de la relation franco-allemande ».

  • (12) : Propos tirés de l’intervention de René Cagnat, op.cit.

  • (13) : Les Etats-Unis en Kirghizie et en Afghanistan, la Chine au Xinjiang, la Russie en Kirghizie et au Tadjikistan, la France en Afghanistan et au Tadjikistan, la Grande Bretagne en Afghanistan.

  • (14) : Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan.

  • (15) : Allocution de M. André Bord, op.cit.

  • (16) : Maison des citoyens du monde, « Quelle paix pour un nouveau siècle ? », Editions Charles Léopold Mayer, 2001.