Challenge file Dossier : L’utilisation de référents culturels en vue de légitimer la violence ou de construire la paix : analyse de plusieurs conflits actuels.

Julie Noss, Paris, September 2006

Le défi d’aborder le rôle de la culture dans les conflits actuels, sans tomber dans le culturalisme

Parler d’un conflit en termes culturels permet d’exprimer une situation réelle en termes de valeurs, engageant notre propre système de représentations intellectuelles, morales, voire spirituelles.

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Le débat multiculturaliste, déjà engagé il y a plusieurs années dans les pays anglo-saxons, fait aujourd’hui plus que jamais rage en Europe, et notamment en France :

  • Crise du modèle français d’intégration ;

  • Débat sur le devoir de mémoire de l’Etat français sur la question de l’esclavage ;

  • Echauffement des banlieues périphériques ;

  • Montée de l’extrême droite en 2002 ;

  • Renvoi d’enfants nés et scolarisés en France, mais de parents immigrés, dans leur pays d’origine etc.

La notion de « culturel » semble être au centre de tous les débats et préoccupations, et son traitement s’avère être, pour la classe politique, un sujet critique à traiter, un élément clé de réussite ou de défaite sur le plan électoral, comme nous le montre l’actualité. Les pays de l’Union Européenne sont aujourd’hui beaucoup « jugés » à l’aune de leur capacité à réussir ou non à intégrer les populations nouvellement immigrées ; les Etats-Unis sont également confrontés à la nécessité de faire des choix quant à leur capacité d’accueil de populations étrangères, notamment mexicaines ; les évolutions de la société américaine du point de vue culturel et la question des relations des communautés entre elles (notamment entre les hispaniques et les Noirs) sont des points notables, et montrent bien en quoi les relations interculturelles conditionnent la politique intérieure. Mais les débats d’ordre culturel dépassent la question de l’immigration, puisque les conflits aujourd’hui, qu’ils soient géographiquement bien localisés et limités, ou à plus grande échelle, sont au cœur de la problématique de l’interculturalisme. Toute guerre, tout conflit aujourd’hui nous semble relever d’une certaine dimension culturelle, qu’il s’agisse du conflit ivoirien - qui, malgré des avancées, est loin d’être résolu - , des troubles en Irak - pays qui semble sombrer chaque jour un peu plus dans la guerre civile - , des exactions commises au Darfour par des milices musulmanes à l’encontre des populations noires vivant dans cette province du Soudan - , du conflit israélo-palestinien, etc.

Pourtant, il appartient de faire la part des choses entre le conflit lui-même et l’analyse qui en est faite : les conflits d’aujourd’hui sont-ils invariablement et en majorité d’ordre culturel, ou ce constat est-il le fruit d’une orientation d’analyse bien précise et particulière ? L’analyse des conflits selon le facteur culturel est-elle plus prégnante aujourd’hui qu’à une certaine époque ? Qu’en était-il de ces analyses il y a vingt ans ?

Il paraît possible d’émettre l’hypothèse selon laquelle nous sommes aujourd’hui dans une phase particulière, au cours de laquelle le facteur culturel semble dominer les autres dans l’explication des conflits et des affrontements sur l’ensemble de la surface du globe ; mais ce facteur n’a pas toujours étant dominant, puisque le paramètre économique semble avoir été, durant la fin du 20e siècle, fortement utilisé pour tenter de comprendre et d’expliquer les conflits de l’époque.