Fiche de document Dossier : Des institutions politiques, sociales, religieuses devant leurs responsabilités dans la construction de la paix. Présentation d’un ensemble de publications.

Stéphane Gainot, Paris, avril 2005

La démocratie en miettes. Pour une révolution de la gouvernance. Auteur : Pierre Calame.

Ce document est un recueil des réflexions personnelles de M. Pierre Calame sur la démocratie et la gouvernance ainsi que sur les orientations qu’elles ont subi ou qu’elles subiront dans un futur proche.

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Réf. : Calame, Pierre, La démocratie en miettes, Pour une révolution de la gouvernance, Editions Charles Léopold Mayer, Paris, 2003, 334 pages.

Langues : français

Type de document : 

Ingénieur de formation, ayant occupé différents postes dans l’administration française et à l’étranger, l’auteur s’est rapidement orienté vers les métiers sociaux et les actions de développement avant de devenir, en 1986, le président de la Fondation pour le Progrès de l’Homme (FPH) qu’il entreprend alors de redresser financièrement et idéologiquement.

Dans cet ouvrage, Pierre Calame estime que nous sommes passés à un stade nouveau où le progrès de l’humanité n’est plus impulsé par les innovations dans le domaine des sciences et des techniques, mais par l’établissement de règles de vie commune et d’interdépendance socioculturelle. Dans ce nouvel environnement planétaire interdépendant, la démocratie peut progresser, mais elle n’est plus qu’une lointaine cousine de l’idéal démocratique des origines : elle doit être réformée. Les relations entre les peuples ne peuvent plus être réglées par les corps diplomatiques des États souverains. Il faut transformer la gouvernance mondiale, ôter les grands dossiers comme l’environnement et la gestion des ressources des mains du ministère des Affaires étrangères pour les transformer en affaires domestiques, préoccupations de tous.

Pour parvenir à ce stade, l’auteur nous propose un processus pour passer de l’idée de « gestion publique » (ou d’État) à celle de gouvernance. Enfin, on constate que la gouvernance actuelle est inadaptée aux besoins de nos sociétés : celle-ci insiste sur la séparation et la distinction entre les individus et les niveaux de pouvoir, alors qu’elle devrait les mettre en relation au cœur de la conception du système.

Cette démarche ne viendra pas des États, mais des citoyens qui doivent s’allier pour mettre en œuvre des initiatives communes.

Fondements éthiques de la gouvernance

La gouvernance est en crise, elle est déphasée : il faut partir de ce qui existe déjà pour réformer le système. Nous sommes à un seuil majeur, une révolution conceptuelle que nous ne percevons pas. Pour s’en rendre compte, l’auteur propose de déconstruire notre champ mental et d’observer les mutations autour de nous (rejet des oppositions binaires État-marché, économique-social…).

Les éléments préfigurant ce changement sont :

  • Une nouvelle forme d’engagement civique

À la fin de l’engagement partisan des années 1960, l’accession d’un parti au sommet de l’État n’apparaît plus comme le moyen unique de changements sociaux (exemple : mouvements sociaux au Brésil, au Mexique…). L’objectif de ces mouvements n’est pas de prendre le pouvoir, mais de changer les structures sociales et d’expérimenter des stratégies alternatives.

  • L’émergence de nouvelles relations entre l’État et la société civile

On constate des initiatives variées, notamment de la part des ONG qui arrivent à maturité dans les années 1990 et ne s’opposent plus systématiquement à l’État. Il faut élargir la palette de la gouvernance en trouvant des solutions alternatives, associer la société civile à la gestion des ressources ou à l’élaboration du budget (là encore, l’exemple du Brésil est le plus probant).

  • La construction européenne

Elle promeut les vertus de la responsabilité partagée en raison de sa diversité et des initiatives locales de développement.

  • les forums de discussion élaborés pour pallier aux lacunes de la gouvernance actuelle

Les sommets de Davos et de Porto Alegre sont l’expression de l’évolution du concept de gouvernance, qui n’est plus réservé à la diplomatie officielle.

Les principes communs de la gouvernance pour le XXIe siècle

À partir de la base constatée ci-dessus, il faut déconstruire les fausses évidences et introduire plus de souplesse dans la future gouvernance par :

  • L’institution de communautés d’individus régies par des rapports et des contrats sociaux et un ensemble de règles prédéfinies. La gouvernance doit donner sa cohésion à la communauté et doit lui paraître légitime, plus que légale.

  • L’identification de niveaux de gouvernance : il faut réagir non plus en terme de répartition de compétences entre les différents niveaux, mais en termes de coopération.

  • L’application d’une nouvelle relation entre action publique et marché : le clivage traditionnel n’est plus pertinent, il faut repenser le système économique. Cette nouvelle conception sera la mutualisation (échange de connaissances) : je reçois parce que je donne. Les biens matériels sont le bien de tous, une gestion collective et globale des biens publics mondiaux est impérative. Propriété et souveraineté doivent être révisées pour éviter d’abuser du droit d’user de ce que l’on possède.

  • Une relation différente de la puissance publique par rapport à d’autres acteurs : il faut transformer la relation hiérarchique entre service public et société en une solution de partenariat égalitaire émergent. La gouvernance organisera les rapports entre les différents acteurs sociaux.

  • Une place des territoires locaux recentrée dans la nouvelle gouvernance : c’est la revanche du territoire en tant qu’espace d’organisation des nouvelles relations de gouvernance.

L’instauration d’une Ingénierie institutionnelle, ou l’art de concevoir des institutions dont la logique profonde va dans le sens des objectifs poursuivis (culture, procédures, logiques institutionnelles…). Celles-ci structureront la nouvelle gouvernance en réformant les institutions administratives et le processus de décision politique actuel en disfonctionnement.

La démocratie a été vidée de son substrat éthique. La solution pourrait être le recours à ces principes de bonne gouvernance. Mais à quelle échéance ? Pierre Calame assure que dans un futur proche, une bonne gouvernance commune à tous les partis politiques est envisageable, et serait plus souhaitable qu’une trop grande diversité partisane vide de contenu.

Commentaire

Agréable à lire, Pierre Calame nous livre là un sujet qu’il domine et qu’il a à cœur de défendre, lui qui possède une expérience professionnelle conséquente et significative, en relation directe avec les principes de gouvernance ici développés. Cette maîtrise du thème abordé ne doit cependant pas nous faire oublier l’ampleur du sujet, qui se veut essentiellement prospectif.

Cet ouvrage démontre bien le souci de méthode animant Pierre Calame : il favorise le pragmatisme en opposition aux explications théoriques, pourtant ici nombreuses et toujours richement illustrées d’exemples pratiques : ce n’est pas un théoricien obséquieux, il rejette l’abstraction et préfère le réalisme par l’exemple. Tous les concepts développés sont d’ailleurs définis dans des encadrés pour plus de clarté du propos : gouvernance, mondialisation…

Utopie ou réalité ? Certaines idées sont clairement utopiques (l’auteur propose un Concile mondial tous les sept ans où seraient discutées les directions de la gouvernance mondiale…), idées où l’on dénote d’ailleurs une influence chrétienne très forte, par des références constantes à des valeurs œcuméniques. Mais Pierre Calame s’efforce de les ancrer dans la réalité par des exemples. Et, en homme volontaire, il prône la supériorité de l’action comme principe de bonne gouvernance, ce qui rend ses thèses plus crédibles et surtout, applicables. Car c’est là la grande force de cet ouvrage : les transformations appelées de ses vœux nous paraissent réalisables à moyen terme par des réformes justes, issues de la simple observation des faits.

Notes

L’ouvrage « la démocratie en miettes » est téléchargeable sur le site des ECLM.