Marlène Tuininga, La Haye, 1999
Swadyaya : aux sources de l’hindouisme
En Inde, un mouvement de masse transforme les villages par la spiritualité.
I. Swadyaya ou « se connaître soi-même », un mouvement spirituel indien
Opérer une transformation sociale par la spiritualité, tel est le défi que relève, avec autant d’enthousiasme que de discrétion un mouvement de masse indien situé principalement dans la partie Ouest du sous-continent. Et ceci, depuis cinquante ans. Comptant aujourd’hui plus de deux millions de membres, implantés dans environ quinze mille villages, ce mouvement connu sous le nom de Swadyaya (mot sanskrit signifiant : se connaître soi-même) commence aujourd’hui à connaître un début de notoriété. En 1997, en effet, son fondateur Pandurang Athavale, reçut à Londres le célèbre prix Templeton pour le progrès de la religion.
Ni mouvement politique, encore moins secte, Swadyaya, se voulant “holistique”, se situe à la charnière de la recherche spirituelle et de la transformation sociale qui, en Inde, semblait depuis l’assassinat de Gandhi s’être repliée dans la sphère individuelle. D’ailleurs certains “Swadyayens” n’hésitent pas à qualifier leur fondateur de successeur direct de Ghandi : pour eux, celui-ci aurait repris la non violence là où le Mahathma — que le contexte de l’époque avait entraîné sur un terrain trop exclusivement politique — l’avait laissée sur le seuil du sens originel du concept de varadji, la non-violence active par l’amour.
II. La philosophie du mouvement découle du Bagavadh Ghita
Agé aujourd’hui de 77 ans, Pandurang Shastru Athavale - “Dadaji” (grand frère) pour ses disciples — lui-même, est beaucoup plus modeste. La philosophie de base de ce professeur de Veda, fin connaisseur aussi, des philosophies occidentales, est directement empruntée au grand texte sacré de l’hindouisme, le Bagavadh Ghita, Dieu est présent dans chaque être vivant, dans chaque homme. Quels que soient sa croyance, sa race, sa caste, ou son sexe. Pour honorer Dieu présent dans son semblable, l’homme doit non pas chanter des mantras, mais donner de son temps, de son énergie et de sa compétence, de manière désintéressée. Concrètement cela veut dire que chaque disciple de Dadaji donne tous les quinze jours une journée entière de travail au service des autres. Gratuitement, tout encaissement d’argent est proscrit.
Recette à l’apparence simple. Pourtant au fil des quarante ans d’existence du mouvement — depuis exactement, qu’en 1948, Dadaji, entouré d’un groupe de jeunes intellectuels, décida de quitter Bombay pour aller porter sa bonne parole dans les villages de Maharasthra et du Gujarat — le temps, la compétence et l’énergie ainsi dégagés ont donné des résultats étonnants. Dans ces deux provinces, on peut visiter des fermes, des pépinières, des vergers — mais aussi des programmes alimentaires, des centres de formation, des bateaux de pêches, des temples polyvalents où les habitants de plusieurs villages regroupés viennent travailler, régulièrement et à tour de rôle. Une fois tous les quinze jours ils ont ainsi la possibilité d’échanger entre voisins qui, bien souvent, jusque là s’ignoraient, et créent ensemble ce que Swadyaya appelle “de la richesse impersonnelle”. Les gains sont distribués aux nécessiteux de la communauté. Le tout, bien entendu, en conformité avec la pensée hindoue, dans le respect de la nature, donc en faisant appel, au maximum aux procédés biologiques. Et avec une créativité qui, dans un fonctionnement sans hiérarchie, fait appel à la créativité de tous.