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Jean-Baptiste Florant, La Haye, 1999

Le prosélytisme politico-religieux sur le Web : l’exemple de la Ligue Islamique pour la Da’wa et le Djihad (LIDD)

Analyse d’un nouveau mode de la propagation de la foi islamique et de propagande politique.

I. La “Ligue de la da’wa islamique”

A l’origine, la Ligue Islamique pour la Da’wa et le Djihad (L. I. D. D.) se nomme “Ligue de la da’wa islamique”. C’est une “instance” que crée le cheikh Ahmed Sahnoun en février 1989 pour fédérer les diverses tendances de la mouvance islamiste algérienne. Ahmed Sahnoun est une figure de la Djaz‘ara en tant que compagnon de route d’Ibn Badis et par là un chantre du réformisme musulman. C’est une figure emblématique du combat religieux, un référent incontesté et adulé. Dans le n°24 d’Al-Munquidh (journal du Front Islamique du Salut) de février 1991, est publié un “appel et manifeste” de la Ligue de la Da’wa signé par Ahmed Sahnoun. Cette déclaration, très proche des positions du F.I.S. (Front Islamique du Salut), est utilisée comme argument d’autorité historique et relie, subtilement, par rapprochement, le F.I.S à l’islamisme badisien. Notons aussi que dans le n°19 d’Al-Munquidh de novembre 1990, Mohamed Saïd (futur membre - en juillet 1991 - du bureau exécutif provisoire du F.I.S après l’incarcération d’Abassi Madani et d’Ali Benhadj) est présenté non seulement comme le porte parole officiel de la ligue de la da’wa mais aussi, déjà, comme un colonel.

II. La Ligue Islamique pour la Da’wa et le Djihad (L. I. D. D.)

La L.I.D.D. est créé le 5 février 1997 (prenant ainsi la suite, mais avec une orientation plus radicale, de la Ligue de la da’wa islamique) et a élu pour émir le cheikh Ali Ben Hadjar. Elle n’a pas de site Web proprement dit, mais elle a une rubrique au sein du site de la Fraternité Algérienne en France (F.A.F).

Toutefois, il semble que la L.I.D.D ne soit pas confinée dans une obédience djaz’ariste ou salafiste. En effet, d’une part deux de ses membres fondateurs sont aussi membres ou proches du F.I.D.A. Le frère Aboul Fida en est l’émir et Ali Ben Hadjar (émir de la L.I.D.D) y serait associé. Or, le F.I.D.A serait déjà une tentative de dépassement de la dialectique Djaz‘ara/Salafiyya au sein des groupes islamistes. Tout comme le F.I.D.A au sein de l’action violente, la L.I.D.D en serait une transposition de celui-ci en matière politique et militaire afin de constituer une sorte de fédération de tous les courants islamistes algériens hormis le G.I.A. (Groupe Islamique Armé).

Cette ligue se présente comme “un prolongement du djihad du peuple algérien”. Elle est un soutien au F.I.S politique et armé — d’où elle tire sa légitimité — et notamment à ses trois figures de proue : Abbassi Madani, Ali Ben Hadj et feu Mohammed Saïd. Cette triple recommandation apparaît comme une filiation directe au F.I.S et non par le biais de ses émanations dissidentes ou armées (tels le F.I.D.A ou le M.I.A 2e période). Du point de vue organisationnel, elle n’est pas une sub-entité du F.I.S mais au contraire se veut être une superstructure du “djihad de la umma”, “un cadre” comme elle se définit elle-même par son émir. Elle se situe en opposition complète avec le G.I.A, accusé d’être l’objet de manipulations des forces de sécurité et de trahir le vrai djihad.

III. La L.I.D.D : un appel à la propagande manifeste

La L.I.D.D se fixe trois tâches essentielles : “l’effort de prédication, le travail politique éclairé et l’action djihadienne armée” et énonce 17 principes selon lesquels elle compte instaurer l’Etat islamique en Algérie. La phraséologie de sa propagande mérite une attention particulière. Ainsi, sur les quatre pages qui constituent son discours, l’adjectif “kharidjites” est employé à trois reprises. Par deux fois, il qualifie l’épithète “suppôts”, et par deux fois encore il est suivi par le mot “complot”. Dans ces trois cas, cet adjectif serait utilisé comme une insulte à l’intention du pouvoir. Au sens propre le kharijisme est un des grands courants du schisme alide, intervenu en 657 lors de la fitna (ou grande rupture), dont il s’est détaché. Il s’est répandu essentiellement à Oman et au Maghreb. Ce courant hétérodoxe de l’islam, extrêmement minoritaire en Algérie (peut-être 400 000), a survécu sous sa forme ibâdhite. On en retrouve encore des traces dans la région du Mzab, à Ghardaïa et Ouargla notamment. Mais, très tôt ses adversaires accusèrent ce courant d’hérésie, ses partisans de fanatisme et de terrorisme, et cette réputation a traversé les siècles jusqu’à aujourd’hui. Mais, au sens figuré ce mot pourrait viser en Algérie, et pour les islamistes du F.I.S, tout groupe de musulmans s’étant éloignés de l’orthodoxie sunnite ou plus généralement de l’islam et perpétrant des massacres injustes en son nom : donc en fait le G.I.A. Car le G.I.A est accusé par le F.I.S de dévier le djihad, pour ses propres intérêts comme le fait remarquer Luis Martinez dans une de ses études. L’expression “suppôts kharidjites” met donc en exergue le caractère hétérodoxe du G.I.A et donc illégitime de sa lutte.

Si dans le cas de la L.I.D.D l’appel à la propagande est manifeste, il existe par contre une propagande masquée par un autre objectif plus ou moins écran. C’est le cas de la Hijra International Organization qui sous couvert de son statut caritatif et humanitaire vilipende en réalité toute position contraire à l’intérêt des islamistes en particulier algériens.

Pour tout discours se réclamant de la da’wa, c’est-à-dire de l’appel à la propagation de la foi, le hadith 34 en est la référence obligée. Il est rapporté par Muslim qui l’attribue à Abu-Saïd al-Khudri, lui même compagnon du Prophète.

“Celui d’entre vous qui voit une chose de répréhensible, qu’il la redresse de sa main ; s’il ne le peut, que ce soit en usant du langage, s’il ne le peut, que ce soit en le réprouvant dans son for intérieur : c’est là le moins que l’on peut exiger de la foi.”

Pour Dominique Sourdel, il s’agit véritablement d’une propagande politico-religieuse présente dès le Moyen-Age. Il s’agissait à l’époque de mouvements plus ou moins clandestins réunis, afin de conquérir le pouvoir. Ils étaient constitués en réseaux de partisans pour mener une lutte armée. Cette structure de propagande est ainsi, dès l’origine, ouvertement subversive. On peut donc supputer qu’il existe une culture de la contestation politique en islam, fonder historiquement et plus ou moins endormie selon les époques. La da’wa se réactiverait donc s’il était perçu, au sein de l’umma, que l’islam était menacé, notamment par la modernité allogène de l’Etat tâghout taxé d’être inféodé aux forces occidentales de l’impiété.

Bruno Etienne définit encore la da’wa comme une obligation pour les islamistes, au même titre que les cinq obligations rituelles de tout fidèle musulman. Mais, si la da’wa est fort ancienne, elle prend aujourd’hui des formes nouvelles et notamment grâce à des supports modernes de communication comme le réseau Internet. Or, il s’avère que ce même réseau est le lieu idéal pour exercer cette activité missionnaire. C’est en tous cas celui-ci qu’a choisi la Ligue pour la Da’wa et le Djihad (L.I.D.D) pour diffuser sa propagande politico-religieuse. La da’wa croit en la vertue stratégique du verbe bien affûté et Ahmed Merrani de déclarer : “La da’wa est plus efficace que la kalachnikov.”