Fiche d’expérience Dossier : L’imaginaire au service de l’éducation à la paix

, Grenoble, France, février 2006

Education à la paix en zone urbaine sensible

Projet de prévention de la violence en milieu scolaire sur le quartier Villeneuve de Grenoble.

Mots clefs : Utilisation de l'imaginaire | Education à la non-violence | Education à la paix dans des écoles | Ecole de la Paix de Grenoble | Etablissements scolaires | Eduquer à la prévention des conflits | France

Historique : ce projet nous a été commandé par la ville de Grenoble et il sera reconduit sur 3 années scolaires.(2004/2005 - 2005/2006 et 2006/2007)

Contenu du projet :

Ce projet concerne toutes les écoles élémentaires de la Villeneuve – soit 14 CM1/CM2 –

La mise en œuvre est assurée par l’Ecole de la Paix sous la supervision de la Ville (Service Prévention de la Délinquance), l’inspection académique et en lien étroit avec le Réseau d’Education Prioritaire et les enseignants.

Cette action qui se déroule tout au long de l’année scolaire est composée de trois volets

principaux :

  • Une animation autour de la loi et de l’autorité qui se déroule sur 5 séquences

de ¾ h chacune par demi-groupe classe à partir de notre outil : Des lois pour vivre ensemble

  • Une action de prévention des rapports sexistes et des violences sexuelles – à partir de notre outil : Mon corps, ton corps, nos droits, nos devoirs. Travail pédagogique essentiel car touchant une thématique délicate pour les jeunes issus de l’immigration maghrébine (5 séquences de 3/4h par demi-groupe classe) – le mot sexisme ou sexualité étant quasi tabou ou ayant une connotation péjorative, nous pouvons entendre lors de ces séances : c’est dégoûtant…

Cette action a permis la collaboration de différents acteurs de terrain : magistrats, policiers, élus de la Ville, représentants des bailleurs,éducateurs…

Cette année les assistantes sociales scolaires ont rejoint le projet et favorisent le lien avec les familles.

  • Un atelier citoyenneté/théâtre de sensibilisation aux questions de violence ou comment trouver une alternative à l’acte violent à partir du jeu théâtral.

Intervenant : M. Claude Rouge de l’association Alentour

Cette action fait l’objet d’une évaluation de la part de l’équipe du CERDAP (Université Pierre Mendés France) qui réalise plus globalement un travail d’évaluation des politiques de prévention et de sécurité sur Grenoble .

Rappel : Dans le cadre de sa mission générale d’évaluation, le CERDAP est chargé de l’évaluation de ce projet en particulier

Il est néanmoins d’ores et déjà possible de dresser des éléments de bilan conséquents:

  • d’une part sur la réalisation de l’action (son « effectivité » pour reprendre les termes d’un observateur tel que Gilbert Berlioz).

Sa durée globale fixée à 3 années scolaires.

  • d’autre part sur les constats effectués par les intervenants, soit en termes de difficultés exprimées par les enfants et de comportements « problématiques », soit en termes de perceptions de changements dans les attitudes des écoliers.

A. La mise en œuvre « effective » de l’action:

L’établissement du planning d’intervention dans les classes, la finalisation des modalités de l’évaluation se sont bien déroulés, forts de notre expérience de l’année précédente et du bon écho de cette action auprés de nos collaborateurs. L’action, pour cette année scolaire, a débuté en Octobre 2005. Le programme, classe par classe et pour chaque atelier est au point pour toute l’année scolaire.

Nous constatons une grande adhésion au projet de tous les acteurs de terrain (inspection académique, équipe pédagogique, magistrat, éducateurs du CODASE, médiateur du bailleur social, élus, assistantes sociales scolaires, coordonateur REP…..) ce qui a permis, pour chaque classe, des co-animations variées et spécifiques qui ont enrichi les représentations mentales de chacun .

Cette année, afin de faciliter le planning des interventions sur deux ans, nous avons décidé que les élèves de CM1 participeraient à l’atelier théâtre et les élèves de CM2 aux ateliers “Des lois pour vivre ensemble” et “Mon corps, ton corps, nos droits, nos devoirs”.

Sur l’ensemble des ateliers qui se déroulent dans les classes CM1/CM2, les enseignants sont très impliqués et nous constatons l’intérêt de faire lien avec les actions déjà en place : “rallye lecture”, classes cinéma, expo…….

Un entretien est proposé à l’enseignant avant le démarrrage et aprés chaque intervention afin de faire le point et de favoriser le lien entre nos interventions et la vie de la classe. Trois temps de concertation plus conséquents sont proposés dans le déroulement du cycle de 10 séances.

Dans certaines écoles une réunion avec les parents a été proposée afin de leur présenter le projet.

Il serait intéressant d’instituer cette réunion de présentation en la couplant avec la présentation de l’atelier théâtre afin de mieux faire ressortir la cohérence des 2 actions et l’unité du projet. Pour progresser dans ce sens, nous avons expérimenté un bilan commun : Alentour, enseignants, parents, coordonateur REP et ecole de la Paix. Nous réfléchissons avec les différents acteurs du projet sur “comment impliquer les familles ” dans le temps .

 

 

 

B. Sur les comportements problématiques constatés et les difficultés exprimées par les enfants

§ Le « manque de structuration » et les difficultés d’attention constatées dans certaines classes sont très importantes et perdurent, souvent en lien avec des difficultés extérieures à l’école.

§ Dans les situations travaillées et les discussions, la victime est souvent désignée comme responsable du phénomène de violence.

§ On retrouve un « bouc émissaire » dans de nombreuses classes c’est à dire un enfant qui fait réellement l’objet d’un rejet de la part des autres.

§ Dans l’atelier sur les rapports sexistes, on retrouve une répartition des rôles hommes/femmes (garçons/filles) bien déterminée et très préoccupante. D’autant plus problématique que cette vision est parfaitement assumée et même revendiquée (par les filles elles mêmes). Une banalisation de la violence verbale ou physique dans les relations filles/garçons peut se constater.

§ La référence à l’adulte souvent absente : si difficultés, les élèves nous disent plutôt faire appel à leurs pairs (pas les parents pour ne pas les inquièter, et pas l’enseignant pour ne pas apparaître comme une “balance”)

§ Nous avons pu entendre lors de ces animations « Nous, on n’est pas français, on est musulman… » propos qui nous ont confortés dans la pertinence de nos interventions et l’importance d’une éducation à la citoyenneté et au « Vivre ensemble » .

C. Sur les « changements » dans les attitudes :

Il est prématuré et surtout hasardeux de faire état de changements de fond chez les enfants. Les effets d’une telle action ne peuvent se mesurer que sur le long terme.

Atelier « La loi, l’autorité »  : cette action a permis un dialogue et une confrontation très riche tant pour les enfants que pour les professionnels qui co-animent chauqe séquence. Vrai travail pédagogique sur l’enrichissement des représentations mentales de chacun sur l’autre ouvrant à une meilleure connaissance et reconnaissance

Nous pouvons constater pour les élèves qui ont suivi un cycle l’année précédente une intégration de certaines notions, telle la laïcité, le bien public. Ils arrivent à percevoir les règles et les lois comme essentielles pour organiser le vivre ensemble. Ils peuvent citer des exemples vus l’année passée dans le cadre de ce projet : le code de la route, le règlement intérieur de l’école, les règles de fonctionnement du groupe (la prise de parole, l’écoute de la parole de l’autre)…..

Atelier sur la prévention des comportements sexistes et des violences sexuelles : les 2 premières séances permettent le défrichage et l’installation des règles et de la confiance autour des thématiques du comportement sexiste – nous travaillons ensuite par ½ groupe filles/garçons et là les langues se délient et le débat s’installe autour des questions telles que : y a-t-il des métiers réservés aux femmes ou aux hommes, autour de la rencontre, de l’amour, du consentement mutuel, du mariage forcé, des atteintes sexuelles, l’interdiction de faire de l’autre ce que je veux, quand je veux, où je veux, etc…pour la plupart c’est la première fois qu’ils abordent ces questions avec des adultes. Nous prenons conscience du fossé qui se creuse entre fille et garçon ainsi que de la force des préjugés – il est urgent de favoriser tout travail sur les relations filles/garçons et l’expression des émotions.

Nous prenons conscience de la banalisation de la violence verbale voire physique entre filles et garçons. Nous orientons la réflexion vers cet axe et invitons les assistantes sociales scolaires municipales et les enseignants à poursuivre cette réflexion sur un plus long terme dans chaque classe. Nous demandons aux assistantes sociales scolaires de mettre en place (en lien avec les enseignants) une intervention régulière sur ce thème.

Le point fort de ce projet reste la capacité à faire travailler ensemble des personnes d’univers différents autour de thèmes fédérateurs. Invitant chacun à poursuivre cette coopération afin de favoriser la rencontre de ces enfants avec différents acteurs qui à partir de regards différents ont un discours cohérent. Nous avons aussi favorisé la mise en relation de diverses actions allant dans le même sens (Projet MJC Prémol et Villeneuve pour la quinzaine contre le racisme : réflexion sur les insultes pour un groupe de jeunes VO et Villeneuve de 16/20 ans – En vue pour ces jeunes de co-animer une séance avec l’outil sur la prévention des comportements sexistes l’année prochaine .)