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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche d’expérience Dossier : Du désarmement à la sécurité collective

, Grenoble, mars 1996

Code international de conduite pour le commerce de l’armement

Mots clefs : Droit international et paix | Démilitariser et désarmer des groupes hors la loi | Etats-Unis

Oscar Arias, ancien président du Costa Rica (1986-90) et prix Nobel de la paix (1987), est le fondateur de la Fondation Arias pour la paix et le progrès de l’homme. Il milite pour la paix au sein du International Negotiation Network, un groupe réunissant d’anciens chefs d’Etat et dignitaires.

Le jour même où le Président Clinton présente son nouveau budget de défense (05 Mars 1996), soit $242,6 milliards, qui ne prévoit aucune nouvelle réduction du nombre de troupes et pratiquement aucune modification des programmes d’armements, Oscar Arias s’insurge contre une politique qui ne tient pas assez compte des bouleversements géopolitiques découlant toujours de la fin de la guerre froide. Arias met en accusation les actions gouvernementales des pays industrialisés mais surtout les industries de l’armement qui prennent désormais pour cible les pays en voie de développement et dont les marchés remplacent peu à peu ceux du monde industrialisé. Désormais, l’industrie de l’armement est guidée par l’économie et non plus par les rivalités d’antan entre les deux superpuissances. La libre circulation des armes sur les marchés internationaux provoque une recrudescence des conflits régionaux. Certains pays, comme le Ruanda, se sont ruinés pour acheter des armes, avant de sombrer dans la guerre.

C’est pourquoi les industries d’armement doivent être contrôlées, restreintes, et modifiées. Si les coûts entraînés par la conversion existent à court terme, les exemples de la Californie ou de l’Ouganda démontrent le bénéfice non seulement moral mais économique que le passage d’une économie de guerre à une économie de paix peut entraîner à moyen et long terme. Même lorsqu’elles sont modestes, ces transformations ont des conséquences positives considérables sur le bien être des populations.

Les pays en voie de développement doivent renouveler leur vision de ce qu’est une nation et les pays industrialisés ont pour devoir de les aider à concentrer leurs efforts sur le développement plutôt que sur la guerre. De manière générale, le principe de sécurité nationale doit faire place au principe de sécurité de l’être humain car il est temps que la communauté politique internationale renouvelle une vision dépassée de la sécurité globale.

Code de Conduite pour le commerce international de l’armement.

Mais il faut agir vite et saisir l’occasion qui se présente aujourd’hui de modifier certains principes fondamentaux gouvernant les politiques nationales et internationales. A cet effet, Oscar Arias et d’autres prix Nobel de la paix ont mis au point un CODE DE CONDUITE (Code of moral conduct) pour le commerce international de l’armement, qu’ils comptent présenter devant les Nations Unies au cours de l’année 1996 (un projet similaire avait été présenté au congrès américain qui l’avait, alors, rejeté).Ce code, qui a l’approbation des prix Nobel d’économie, reposerait sur le soutien institutionnel et moral des Nations Unies.

Oscar Arias propose l’horizon 2000 comme une première étape où serait approuvé le code de conduite, et où le commerce de l’armement (armes classiques) commencerait à décliner. Sur quoi reposerait ce code de conduite? Sur l’autorité et la direction de divers acteurs internationaux agissant de manière concertée. Ces acteurs comprennent les Nations Unies tout d’abord, puis les gouvernements des pays producteurs et exportateurs d’armements (dont certains parmi les plus importants siègent de manière permanente au conseil de sécurité de l’O.N.U.) D’autres organismes financiers et économiques comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont également un rôle à jouer pour aider le processus de conversion d’un type d’économie vers un autre et pour encourager de nouvelles orientations politico-économiques plus pacifiques. Comme la stratégie proposée par Arias et ses collègues ne repose pas uniquement sur l’offre (des pays exportateurs) mais aussi sur la demande (des pays acheteurs), le plan pourrait fonctionner de telle manière que l’approvisionnement en aide extérieure soit lié à une volonté de démilitarisation de la part des pays bénéficiaires.

Commentaire

Le projet d’un code de conduite qu’Oscar Arias et ses collègues prix Nobel veulent présenter aux Nations Unies cette année pourrait fort bien constituer une étape révolutionnaire dans le processus de conversion des industries d’armements et de passage d’une économie de guerre à une économie de paix. Plus encore, ce code pourrait préfigurer une transformation importante de la perception globale des relations internationales au XXIe siècle. Ce projet jouit dès sa conception d’une certaine légitimité de par la stature des personnes qui en sont à l’origine et il est probable qu’il retienne les faveurs des Nations Unies. Néanmoins, un tel projet nécessitera le concours de nombreuses entités politiques (et économiques) au niveau des Etats comme au niveau des grands organismes internationaux. Cela risque de prendre un certain temps. De même, l’action concertée des nombreuses parties en présence, et les obstacles que ne manqueront pas d’opposer les industries concernées, tout au moins au début, rendront une telle action, même soutenue par les Nations Unies, difficile à mettre en marche.

Malgré les difficultés de réalisation d’un tel projet, on ne peut qu’applaudir l’action de Monsieur Arias. Sa vision de la société qui émerge aujourd’hui des décombres de la guerre froide est porteuse. Et il a raison de saisir la balle au bond car l’histoire nous apprend que c’est lors de ces périodes de « flottement » qui caractérisent le passage d’une époque historico-politique à une autre que se dessinent les nouvelles doctrines géopolitiques. Adoptées ultérieurement par les responsables politiques internationaux, elles marquent généralement, pour le meilleur ou pour le pire, plusieurs générations.