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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche d’expérience Dossier : Du désarmement à la sécurité collective

, Grenoble, France, août 2006

Les séminaires européens de Klingenthal

Pour une Conscience européenne de sécurité et de défense.

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Adaptant la formule de Victor Hugo, on pourrait dire que « ce siècle avait un an » lorsque l’association Civisme Défense Armée Nation - CiDAN, a réuni une première fois à Klingenthal, en Alsace, en automne, des militaires et des civils, des sociologues, des universitaires, des chercheurs, des enseignants, des hommes politiques, des diplomates, des journalistes et des étudiants sur le thème de la Conscience européenne de sécurité et de défense (CESD). Quatre autres séminaires se sont succédés depuis, toujours sur le même thème de la CESD et en tenant compte de la construction européenne, en particulier de son élargissement. Seuls, le Danemark, la Slovénie, l’Irlande et Chypre n’y ont pas encore participé.

Le CIDAN : pour une conscience européenne doublée d’une ambition politique autour des questions de sécurité et de défense

En agissant ainsi, CiDAN est toute entière dans sa vocation, mais appliquée à la situation européenne. Son objet social, tenant compte de ce que depuis le début des années 90 une page de l’histoire militaire française est tournée (fin de la menace militaire à l’Est ; nouveau Livre Blanc sur la Défense ; suspension du Service National ; professionnalisation des armées), que les mentalités et comportements de nos concitoyens ont profondément évolué et que la tendance est moins à l’antimilitarisme qu’à l’indifférence, consiste à promouvoir le civisme et les relations entre le monde de la défense et la société civile et à faire adhérer les Français aux problèmes de la Défense. Au niveau européen, elle organise donc des séminaires sur la conscience civique et la défense européennes et sensibilise l’opinions publique à ces questions. Elle constate, en effet, que le concept de défense européenne est resté celui du traité de Maastricht, qui a créé une « citoyenneté européenne » mais n’a accordé que peu de place aux citoyens dans les processus de décision. Elle considère qu’il faut construire une « éducation européenne » en croisant les cultures dans les domaines de l’histoire, des langues, de la littérature, des arts, etc. qu’il faut former une conscience européenne. Mais qu’il faut en même temps une ambition politique.

La CESD « tend à sauvegarder les valeurs communes, les intérêts fondamentaux, à maintenir l’indépendance de l’Europe. Elle repose sur la perception d’un patrimoine commun et propose un modèle européen original non aligné sur le modèle américain, qui doit être entretenu par une stratégie européenne d’éducation à la défense ». Comme le résument les responsable de CiDAN, il s’agit en définissant QUI ou QUOI défendre, CONTRE QUI ou CONTRE QUOI, JUSQU’A QUEL POINT, AVEC QUOI, COMMENT se défendre, de faire naître un consensus des citoyens d’Europe sur les questions de sécurité et de défense. Ce consensus, c’est la CESD.

Le déroulement des rencontres

Les rencontres ont lieu dans une propriété de la Fondation Goethe qui fut en son temps une manufacture de lames d’épées et d’armes blanches réputée. Les partenaires de CiDAN dans ce projet et qui ont notamment aidé à compléter une audience d’adultes « responsables et expérimentés » par un apport de jeunes « enthousiastes et imaginatifs » sont :

  • l’Ecole de la paix de Grenoble qui vise l’information et l’éducation des citoyens en matière de construction de la paix ;

  • EuroDéfense dont la finalité est de promouvoir l’identité européenne de sécurité et de défense.

Les tables rondes à thèmes réunissent également des personnalités politiques et des représentants d’organismes européens, notamment, le Corps européen de Strasbourg, l’état-major de l’Union européenne à Bruxelles, le futur Collège européen de sécurité et de défense.

L’historique suivant a été préparé par le général Larchet et présenté par le général Mompeysin, nouveau Directeur général de CiDAN.

  • Klingenthal I réunissait en octobre 2001 vingt personnes en cinq délégations : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grande-Bretagne. Un mois après les attentats de New York et de Washington, il permit de régler des problèmes de sémantique entre pays, en particulier dans la définition de ce que les Français appellent « l’esprit de défense » et de commencer un tour d’horizon des perceptions des problèmes de défense par les citoyens des cinq pays participants. Les approches nationales se révélèrent très diverses, illustrant une remarque du général Cot : « L’unité dans la diversité constitue la richesse de l’Europe ».

  • Klingenthal II a réuni en octobre 2002, trente « spécialistes » de dix pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Grèce, Italie, Grande-Bretagne, Suède et Pologne. Des réunions préparatoires s’étaient déroulées à Paris, ce qui permit de faire un bon tour d’horizon de la perception et de l’adhésion des citoyens européens à la défense. Le général Cot y proposa le terme « CESD » en remplacement d’« esprit de défense ». Un « manifeste de Klingenthal » fut diffusé.

  • Klingenthal III a suivi en octobre 2003 en élargissant à un maximum de pays européens et en étendant les compétences des participants. Ce fut la grande année ! Il y eut quatre-vingt délégués de dix-neuf pays : ceux de l’année précédente auxquels se sont ajoutés ceux de la Finlande, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Slovaquie, de la République tchèque, et de la Bulgarie (pays candidat). Le séminaire s’est déroulé à Klingenthal mais aussi au Conseil de l’Europe à Strasbourg. Des personnalités politiques avaient accepté de témoigner comme Catherine Trautmann, ancien ministre, Michel Barnier, Commissaire européen et futur ministre des Affaires étrangères, Yves Fromion, député et vice-président de la commission de Défense de l’Assemblée nationale. Un nouveau « manifeste de Klingenthal » fut diffusé.

  • Klingenthal IV se déroula fin septembre 2004 avec moins de délégués (une cinquantaine) pour aller plus en profondeur dans les questions traitées. Il permit en outre d’accueillir de nouveaux pays européens : Malte, l’Estonie et la Lituanie.

  • Une journée de réflexion à la Maison de l’Europe à Paris le 13 avril 2005 permit de préparer le lancement d’une Fédération des CIDAN européens. On parle en effet de fédération depuis le deuxième séminaire de 2002 pour « créer un réseau d’informations et de recherches dont le pilote pourrait être l’institut des études de sécurité de l’UE à Paris » qui semblait pouvoir devenir le fédérateur naturel mais qui n’a pas donné suite. Étaient présents à Paris les représentants de huit pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie et Pologne) qui ont essayé d’esquisser la forme juridique et les structures possibles d’une fédération, d’élaborer un calendrier de principe et un programme d’activités pour les années à venir, en s’attachant à faire du concret dans l’éducation, la formation et l’information. Ceux-ci se sont efforcés de ne pas dupliquer ce que d’autres organisations (comme EuroDéfense) faisaient déjà et ont voulu que cette nouvelle fédération apporte une réelle plus-value. Dans le cadre de la promotion du civisme en Europe et pour former les citoyens européens dans le domaine de la Défense à une véritable CESD, [nous pourrions] :

    •  

      • créer un site Internet pour recueillir les informations des organisations de type CIDAN et animer un forum pour échanger les idées, le séminaire de Klingenthal restant le forum principal et annuel ;

      • publier ces idées pour participer à une politique d’influence à définir.

Les cibles resteraient les opinions publiques ; les vecteurs resteraient les hommes politiques, les enseignants et les médias, tous à convaincre, sans oublier les militaires en relais.

Cette future fédération devrait être « un pont entre les gens de la rue et les experts ».

  • Klingenthal V en novembre 2005 choisit précisément pour thème principal l’opinion publique que traitèrent vingt cinq représentants de huit pays. Par ailleurs une nouvelle étape fut franchie pour l’élaboration de la Charte fondatrice du réseau « Conscience Européenne de Sécurité et de Défense ».

Les leçons d’une expérience conduite depuis cinq ans

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette expérience conduite depuis cinq ans :

  • Dans l’époque de transition que nous vivons, cette organisation, le CiDAN, principalement animée par des militaires qui savent le prix de la sécurité et de la défense, a clairement fait le choix d’une Europe capable de se comporter comme une puissance politique à part entière.

  • Comme pour d’autres entreprises européennes, c’est encore le « couple » franco-allemand qui joue un rôle moteur et le dialogue se poursuit donc entre d’anciens ennemis.

  • Cette approche novatrice s’inscrit dans l’esprit qui a prévalu lors de la création de l’association indépendante ouverte sur les mondes civil et militaire et qui doit se garder de toute arrogance vis-à-vis des autres pays de l’Union quelle que soit leur taille ou leur situation.

  • Cette volonté de construction commune se double d’une conviction selon laquelle il faut mettre en œuvre une démarche de réseau.

  • L’initiative a pour premier motif qu’il n’y a pas de politique de défense qui vaille, pas d’armée nationale digne de ce nom, sans l’adhésion du peuple.